La décision de Donald Trump d’imposer une taxe sur l’acier déclenche une « guerre » contre lui : il a brisé un tabou du mondialisme

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Acier et aluminium, ce sont les deux matières premières que le président des Etats-Unis a décidé de soumettre à des droits de douane en vue de protéger la production et les emplois américains. De tous ses actes, c’est sans doute celui qui a suscité le concert de dénonciation le plus soutenu dans le monde. C’est que Donald Trump brise un tabou : celui du libre-échangisme mondial qui est en train (contrairement à ce que l’on pourrait penser) de faciliter la mise en place du socialisme mondial ou du mondialisme socialiste, comme on voudra. Socialisme de marché, certes : le pays modèle du globalisme est aujourd’hui très clairement la Chine, il suffit pour s’en convaincre d’être attentif aux déclarations des hauts responsables des institutions supranationales ou du Forum économique mondial. Avec une taxe sur l’acier et l’aluminium, les Etats-Unis auront la capacité de protéger leurs ouvriers et leurs industries d’abord. C’est ce qu’on ne pardonne pas à Donald Trump.
 
L’UE le menace de taxer des produits importés des Etats-Unis – Bourbon, jeans Levi’s et beurre de cacahuètes, biens stratégiques entre tous ! – et de toutes parts, on promet d’attraire les Etats-Unis devant l’OMC dont ils enfreignent les règles en protégeant leur production. Tranquillement, Trump a répondu à l’UE : « Mais s’ils font cela alors nous mettrons une grosse taxe de 25 % sur leurs voitures – et croyez-moi, ils ne continueront pas longtemps… » Et un peu plus loin : « Si l’Union européenne enlève quelques-unes des horribles barrières qui empêchent nos produits d’y entrer, alors nous pourrons commencer à parler. »
 

Donald Trump brise un tabou du mondialisme

 
Avec 25 % de taxes sur les importations d’acier, 10 % sur les importations d’aluminium, les niveaux des barrières douanières projetées ont toutes les chances de favoriser la production domestique américaine. Et il s’agit, pour le coup, de produits stratégiques : Trump a répété qu’ils sont vitaux non seulement pour l’industrie et l’emploi, mais aussi pour la défense américaine. « Ce sera pour longtemps », a-t-il précisé d’emblée en annonçant la mesure le 1er mars, en lançant aux producteurs de ces métaux : « On va vous protéger pour la première fois depuis longtemps, et vous allez de nouveau faire grandir vos industries. C’est tout ce que je vous demande. Vous devez de nouveau faire grandir vos industries. »
 
L’affaire est d’autant plus intéressante que cette « guerre économique » que l’on promet de livrer aux Etats-Unis autour de l’acier intervient alors que depuis des années, la Chine fait du dumping de ces matières premières, suscitant de longues discussions et de molles ripostes, notamment au sein de l’UE.
 
Et pour donner un contexte plus large, le déficit du commerce extérieur américain ne cesse de se creuser : il a atteint en janvier son niveau le plus élevé depuis neuf ans, l’écart avec la Chine étant le premier concerné. Sur un déficit total de 56,6 milliards de dollars en janvier, dépassant de 3 milliards les prévisions établies le mois précédent, celui avec la Chine a atteint les 36 milliards de dollars, en hausse de 16 %. C’est le résultat des réductions d’impôts, de la confiance des consommateurs et de la relance de l’économie : il devient donc urgent de corriger le tir.
 
Cette situation ne surgit pas ex nihilo. Les Etats-Unis – comme de nombreux pays de l’Union européenne au demeurant – souffrent depuis plusieurs décennies d’une désindustrialisation programmée en haut lieu par ceux qui, ouvertement, orchestrent le libre-échangisme mondial en donnant de fait la priorité aux pays émergents, avantagés à plusieurs niveaux. Coût du travail, exemption de nombreuses règles environnementales (le temps de se mettre à niveau, dit-on), protection sociale inexistante pour ne pas dire esclavagisme de fait ont attiré la production industrielle (et aujourd’hui les tâches d’administration bancaire et autres services) dans les pays non développés. N’a-t-on pas délibérément voulu faire de la Chine « l’usine du monde » ?
 

Une taxe sur l’acier, c’est peu de chose face à 6 millions d’emplois industriels sacrifiés sur l’autel du mondialisme

 
Depuis le premier mandat de George Bush, les Etats-Unis ont accumulé 12.000 milliards de déficits de commerce extérieur. La première décennie du siècle a été marquée par la perte de 55.000 usines et de 6 millions d’emplois industriels. La Chine a elle seule a accumulé un solde positif des imports-exports de 4.000 milliards de dollars avec les Etats-Unis, chose que le commentateur conservateur Patrick Buchanan juge déterminante dans la mise en place de ce « scénario catastrophe économique ».
 
Le succès de Donald Trump s’explique par ce fait : élu sur des promesses de rétablissement de la « grandeur » de l’Amérique, il a obtenu des scores remarquables précisément dans les Etats comme le Michigan et la Pennsylvanie où les usines de production automobile et les aciéries sont à l’arrêt.
 
« Ce qu’on a laissé se produire depuis des décennies est une honte, une véritable honte. Et lorsqu’on en arrive au point où notre pays ne peut plus produire d’aluminium et d’acier (…) il ne reste plus grand-chose de ce pays. Car sans acier ni aluminium, un pays n’est plus le même. Et nous en avons besoin. Nous en avons même besoin pour la défense, si vous y pensez sérieusement », déclarait Trump le 1er mars en annonçant la mise en place de taxes sur les importations.
 
Sur le plan domestique, le projet Trump a provoqué de fortes réactions, y compris de la part du parti républicain ou du moins de sa composante ouverte au mondialisme. Un véritable psychodrame s’est joué ces derniers jours, avec les annonces désormais classiques de conséquences désastreuses pour l’économie américaine. Comme avant le Brexit, on a entendu toutes sortes d’experts et de politiques expliquer que l’ensemble du pays allait souffrir de la hausse du prix de l’acier de l’aluminium pour les industries américaines, et de difficultés insurmontables par rapport aux partenaires commerciaux internationaux. Paul Ryan, président de la chambre des représentants, habituellement favorable aux décisions présidentielles, s’est dressé vent debout contre la mesure avant de modérer un peu son discours pour réclamer une approche plus « chirurgicale » qui permette de viser les pays posant les problèmes les plus importants comme la Chine, qui depuis belle lurette ne respectent pas les règles de l’OMC en la matière. Il faut dire que la mise en place de taxes est plutôt bien accueillie par le peuple américain…
 
A la Chambre, l’élu républicain de l’Utah, Mike Lee, soutient même une proposition de loi cherchant à limiter la capacité du président pour imposer des taxes douanières.
 
Mais Trump a tenu bon : il veut véritablement rompre avec la logique du libre-échangisme mondial dont il faut rappeler qu’elle a posé autant de problèmes aux Etats-Unis qu’à l’Europe – le prétendu « ultralibéralisme » ne profite pas toujours aux pays catalogués « libéraux », loin s’en faut.
 

Les globalistes n’ont pas un pouvoir sans limite sur Donald Trump

 
L’affaire a culminé mardi avec la démission du conseiller économique en chef de Donald Trump, Gary Cohn, ancien de Goldman Sachs qui a dû prendre acte de son incapacité à faire fléchir le président – malgré des reculades antérieures qui auraient pu laisser penser que celui-ci se coucherait devant les globalistes. On comprend que Trump est décidé à s’accrocher à certaines lignes de force, même s’il lâche du lest ailleurs : c’est le propre du négociateur doué en affaires. Et avec l’affaire de l’acier et de l’aluminium, l’équilibre autour du président des Etats-Unis est en train de changer.
 
Cohn a dû concéder sa défaite devant d’autres conseillers de Donald Trump, après des mois de lutte contre la mise en place de droits de douane. On pense notamment au secrétaire au commerce Wilbur Ross et au conseiller au commerce, Peter Navarro – ce dernier est l’étoile montante de l’équipe exécutive américaine. C’est à lui qu’on doit les éléments protectionnistes du programme Trump en vue de l’élection présidentielle, c’est encore lui qui a mené à bien la bataille pour imposer les mesures actuelles.
 
Le Wall Street Journal n’a pas eu tort de commenter : « M. Cohn faisait partie d’une aile globaliste de la Maison Blanche qui a été en retrait ces derniers temps… Les nationalistes à la Maison Blanche ont capté le processus », comme le note The New American. Ils avaient face à eux nombre d’anciens de Goldman Sachs, notamment : Steve Bannon, Steven Mnuchin, Anthony Scaramucci, Jay Clayton, Dina Powell, Jared Kushner et, bien sûr, Gary Cohn. « Mais quelque chose s’est passé. Bannon est parti. Scaramucci est parti. Et maintenant, Cohn est parti – grand perdant d’une bataille entre globalistes qui cherchent à noyer les États-Unis dans un gouvernement mondial, et ceux qui veulent rétablir la grandeur américaine – “Make America Great Again” – en réaffirmant sa souveraineté nationale », observe Bob Adelmann, chroniqueur pour cette publication antimondialiste et anti-communiste.
 
Il explique : « Depuis des années, The New American a mis en garde contre des négociations et des accords commerciaux qui semblent de premier abord ne concerner que le libre-échange. Mais ces accords commerciaux, qui permettent à des fournisseurs étrangers de matériaux industriels essentiels tels l’aluminium et l’acier de proposer des prix inférieurs aux prix domestiques, ont représenté un coût considérable en termes de la sécurité nationale de l’Amérique. En cas de guerre, l’Amérique n’aurait pas la base industrielle nécessaire à son propre soutien. Mais il y a pire. La politique qui consiste à saper les industries de base de l’Amérique fait parti d’un plan ourdi il y a des dizaines d’années en vue d’affaiblir l’Amérique et de renforcer ses ennemis afin de rendre possible son assimilation au sein d’un gouvernement mondial unique. »
 
De fait : c’est la force des nations indépendantes, ce sont les « murs », qui sont les principaux freins à une gouvernance globale qui n’a rien d’un cauchemar de complotiste mais qui est ouvertement promue comme un « globalisme » que l’on cherche par tous les moyens à imposer à la population mondiale. Ses théoriciens vantent notamment l’interdépendance mondiale comme grand facteur de « paix ».
 

Guerre économique ou préservation des intérêts nationaux ?

 
Faux, rétorque Rick Manning, président d’Americans for Limited Government : si le dumping chinois aboutit à la destruction de l’industrie métallurgique américaine, les Etats-Unis seront « vulnérables » face à un potentiel « chantage » visant des composantes essentielles à toute économie industrielle moderne.
 
Le risque, en cas du contrôle du marché de l’acier par Chine, est de voir les Chinois décider de ne plus vendre d’acier pour éliminer toute menace vis-à-vis de son économie. Et il est vrai qu’aujourd’hui la Chine pratique des prix de « prédateur » sur le marché de l’acier et de l’aluminium : pour Manning, cela fait partie d’une stratégie plus globale qui cherche à détruire les capacités industrielles américaines en la faisant dépendre toujours davantage des exportations chinoises.
 
« Les Chinois mènent une guerre. Et ils ne s’en cachent pas », assure Rick Manning : « Ils utilisent le dumping et toutes les autres armes dont ils disposent pour porter atteinte à notre économie et à notre capacité à agir de manière indépendante. » L’idée de l’interdépendance sans risque suppose un environnement stable, conclut-il. On ne peut pas dire qu’il le soit…
 

Donald Trump accepte la guerre avec sa taxe sur l’acier et l’aluminium parce que les Etats-Unis ont tout à y gagner

 
Donald Trump a déclaré ne pas craindre une guerre économique, affirmant en substance que cette guerre est déjà largement en cours et que les Etats-Unis ont trop à souffrir des désavantages qu’ils subissent face aux pays à bas coût de main-d’œuvre. Partout, un même discours lui répond : les Etats-Unis ont déclaré la guerre au monde entier. Mais très peu à la Chine, déjà sous le coup de mesures anti-dumping, affirment les commentateurs internationaux… Quoi qu’il en soit, la réaction européenne est bien plus vive vis-à-vis des taxes américaines qu’à l’égard du dumping chinois, ce qui devrait donner à réfléchir.
 
Elle s’inscrit d’ailleurs dans un cadre plus large d’irritation face aux coupes fiscales américaines, qu’elle considère comme une forme de concurrence dans un monde où la taxation et la surveillance financière ne cessent de s’alourdir. L’Amérique est en train de se « dé-socialiser » et de se recentrer sur elle-même. C’est cet ensemble cohérent qu’on ne lui pardonne pas, et qui contredit la socialisation mondiale caractérisée par une emprise croissante des règles internationales et la division mondiale du travail.
 
L’UE menace ainsi de saisir l’OMC, et de mettre en place des barrières douanières symboliques collectives. Côté Etats-Unis, on observe que le Royaume-Uni pourrait échapper aux effets néfastes de ce conflit commercial si il avait déjà acté son Brexit afin de mettre en place des accords bilatéraux souverains taillés au cas par cas.
 
Il est intéressant de noter aussi que la réaction internationale est quasi uniforme, depuis l’UE à la Chine en passant par la Russie et les grandes organisations internationales du commerce – voilà qui mérite également réflexion.
 
Macron – la voix du nouveau globalisme – a appelé lundi l’UE à « réagir vite », accusant les Etats-Unis de méconnaître les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Le nationalisme est une forme de guerre où « tout le monde est perdant », a-t-il martelé.
 
La presse chinoise – sous contrôle du parti communiste – dénonce elle aussi le plan Trump qu’elle accuse de menacer de faire « dérailler la reprise économique mondiale » et de porter atteinte à l’actuel ordre économique mondial et à « l’état de droit » qui y règne. Oui, la Chine…Les taxes américaines sur l’importation de l’acier et de l’aluminium vont « ouvrir la boîte de Pandore » : une modification de 40 % des droits de douane entraînerait une « récession globale profonde ». Et voilà que la Chine explique aux Etats-Unis que leur industrie aurait trop à souffrir d’une augmentation du prix des matières premières – après la destruction massive d’emplois que les pratiques commerciales chinoises ont massivement entraînée !
 
L’article du Global Times pointe un autre risque : en se soustrayant aux règles internationales, les Etats-Unis pourraient bien faire des émules, d’autres pays pouvant dès lors choisir d’invoquer la « sécurité nationale » pour justifier des restrictions sur les importations. Ce qui suppose tout de même, et sans craindre de contredire les annonces catastrophiques qui précèdent, que le procédé puisse sembler avantageux… Et si c’était cela, justement, qui inquiétait les tenants du libre-échange qui, actuellement, profite surtout à des pays bien précis ?
 

« La boîte de Pandore » : même langage en Chine et en Russie

 
Le think-tank russe Katehon, financé par l’oligarque russe Konstantin Malofeev proche de Poutine, site qui assure la propagation de la « Quatrième théorie politique » du gnostique revendiqué Alexandre Douguine, publiait le 2 mars un texte qui allait exactement dans le même sens que celui du Global Times. Affirmant que la décision de Trump concerne des dizaines de pays dans le monde entier, cet article non signé met en garde contre « la guerre économique entre puissances mondiales » qu’elle peut entraîner – sans le moins du monde saluer l’attaque qu’elle constitue contre le mondialisme.
 
Reconnaissant que Trump tient une promesse de campagne, Katehon ajoute cependant : « Les autorités américaines ouvrent ainsi la boîte de Pandore, avec des conséquences des plus imprévisibles. En réalité, nous parlons d’une guerre économique face au monde entier, y compris contre sa plus importante économie réelle – la Chine. L’UE se prépare à ce type de guerre depuis un an au moins et elle a l’intention de relever le défi, pour défendre ses intérêts. »
 
Et l’article poursuit : « Il est naïf de penser que l’affaire se limitera aux seuls acier et aluminium. Ce n’est qu’un début. L’UE a déjà préparé une réponse ferme. Il y a eu dans le monde des situations semblables, où des pays forts ont lancé un défi face au reste du monde. L’issue de cette confrontation a presque toujours été la même : si l’agresseur n’obtenait pas un blitzkrieg, il souffrait inévitablement une défaite. La politique de Trump de “l’Amérique d’abord” n’a pas le soutien des partenaires économiques des États-Unis. Une guerre commerciale est capable d’enterrer l’économie globale en un rien de temps. »
 
Et c’est ainsi que le soi-disant anti-globalisme russe prêche la même parole que tous les globalistes favorables à un monde globalisé sous gouvernance socialiste. Mais au fond, ce n’est pas si étonnant.
 

Anne Dolhein