Le Congrès national du peuple a voté mercredi, en Chine, une réforme proposée par le Comité central du parti communiste chinois visant à placer les différentes confessions religieuses sous contrôle direct du Parti – une mesure effective d’ici à la fin de l’année. Parmi ces religions, on compte évidemment toutes les confessions chrétiennes et en particulier la religion catholique. Si certains chrétiens se contentent de dire que cela ne changera rien, vu que la répression et la persécution dont ils souffrent continueront comme avant, d’autres sont plus inquiets. On peut en tout cas supposer que le Comité central n’a pas imposé ce changement pour rien. Le Bureau des affaires religieuses, jusqu’ici sous l’autorité du Conseil d’Etat, est passé sous celle du parti communiste dans le cadre d’une série de réformes plus larges régissant les structures du parti et les institutions de l’Etat, et ce dans un sens tout à fait déterminé.
Voici ce qu’en dit un professeur protestant : « C’est un changement important depuis l’ère Mao. Elle révèle en réalité l’expansion sans limite du pouvoir du Parti. »
Réforme des institutions en Chine : le bureau des affaires religieuses sous contrôle du Parti
Les religions rejoindront l’ensemble des dossiers gérés par le Département de travail du front uni, organe du comité central du Parti chargé de gérer les relations avec les « élites » non communistes, qu’il s’agisse d’individus ou d’organisations. Le même département exerce son autorité sur les affaires des Chinois de l’étranger sur la commission des affaires ethniques, qui étaient également jusqu’ici sous l’autorité du Conseil d’Etat.
Sans constituer une révolution, le changement pourrait donner à d’autres départements, comme celui de la sécurité nationale, de la sécurité publique et aux autorités chargées de la construction et de l’éducation un nouveau droit de regard sur la gestion des affaires religieuses, a fait remarquer un observateur chinois sous condition d’anonymat à la source Asianews.it.
Pour Eric Lai, commentateur catholique de Hong Kong, les choses vont même plus loin. Selon lui, le parti communiste chinois cherche désormais à utiliser activement la religion comme outil de maintien de la stabilité. Cela n’a rien de nouveau, souligne-t-il : « Un exemple ? L’Eglise russe orthodoxe contribue activement à la sauvegarde du régime de Poutine. A l’avenir, si le Vatican et la Chine signent un accord officiel, l’Eglise catholique de Chine prendra-t-elle le chemin du maintien de la stabilité comme le fait l’Eglise russe orthodoxe, ou aura-t-elle une véritable autonomie religieuse afin de prêcher dans ce pays ? Dans la situation actuelle, il ne fait aucun doute que la première solution soit la plus probable. »
Le parti communiste chinois met la main sur les religions
Le professeur protestant cité plus haut, Ying Fuk-Stang, estime que le fait de confier la religion, théoriquement protégée par les droits fondamentaux des citoyens affirmés par la constitution, au pouvoir direct du Parti, constitue une « ingérence directe par rapport aux droits fondamentaux des citoyens » : « Cette forme de régression est très certainement négative par rapport au développement de la liberté religieuse en Chine. » Et d’ajouter : « Je ne peux que me demander si le Vatican se rend compte de cela ou s’il croit encore à la pensée magique selon laquelle la liberté de religion en Chine avance vers la lumière et que la liberté religieuse des citoyens chinois sera pleinement protégée. Ou bien, le Saint-Siège a-t-il choisi une autre interprétation pour justifier le leadership du Parti par rapport aux religions, croyant que cela pourrait créer un espace de liberté plus important pour les religions en Chine grâce à ses propres efforts ? »
Du côté du Bureau des affaires religieuses, on dit les choses de manière assez nette. Son directeur, Wang Zuoan, affirme sur le site du Bureau que la décision « démontre pleinement le caractère central et la haute priorité que reconnaît le Parti au travail religieux, et permettra de mieux renforcer et améliorer le leadership du Parti sur le travail religieux », lui donnant notamment la capacité de mieux planifier le travail religieux. Quand un parti communiste affirme vouloir prendre le contrôle d’une réalité, il ne faut pas le prendre à la légère…
L’Eglise catholique parée pour servir de soutien au pouvoir communiste en Chine
Et bien sûr, l’une des principales responsabilités qui lui incombent désormais sera de développer un « front patriotique uni » avec des communautés religieuses.
La nouvelle tombe au moment précis où l’on apprend la promotion de l’ancien secrétaire du Parti dans la province de Zhejiang, où la campagne d’élimination des croix des lieux publics a fait détruire quelque 1.500 croix sur des édifices religieux, principalement protestants, entre fin 2013 et avril 2016, date à laquelle le rythme des destructions s’est ralenti. On pensait que Xia Baolong n’attendait plus que la retraite : le voici au contraire élu vice-président et secrétaire général de la 13e conférence consultative politique du peuple, ce qui le place au sommet d’un important organisme de conseil à Pékin. Tout un symbole.