« J’ai aidé à la création du monstre », explique le chimiste russe Vil Mirzayanov dans un entretien pour l’hebdomadaire polonais Do Rzeczy. Un entretien où il redit, comme il l’avait fait depuis son domicile de Princetown, aux États-Unis, sa conviction de la culpabilité de la Russie dans l’empoisonnement de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille en Angleterre avec du Novitchok.
Le Novitchok, une torture et une condamnation à mort pour Sergueï Skripal et sa fille
Mirzayanov ne donne aucune chance de survie à Skripal et sa fille. Il explique avoir lui-même assisté à des essais des gaz de la famille Novitchok sur des animaux dans les années 1980 et avoir été très ébranlé par la torture que représente ce type d’empoisonnement. Cinquante fois plus mortel que le sarin, dix fois plus puissant que le gaz VX, le Novitchok paralyse le système nerveux central et fait que les muscles cessent progressivement de fonctionner. Le rétrécissement du champ visuel est le premier symptôme ressenti, suivi de vomissements et de difficultés respiratoires. La victime commence à s’étouffer et ressent des problèmes musculaires provoquant des convulsions. C’est dans cet état convulsif que Skripal et sa fille auraient été découverts sur le banc d’un jardin public à Salisbury.
Mirzayanov explique qu’il n’existe aucun antidote à ce poison mis au point sous différentes formes par l’Union soviétique dans les années 70 et 80. Un milligramme de Novitchok suffit pour tuer une personne adulte. Skripal et sa fille ont visiblement été empoisonnés avec une quantité inférieure, mais si cela ne les a pas tués sur le coup, selon le chimiste russe, c’est de toute façon une condamnation à mort. Ils n’ont aucune chance de survivre, insiste Mirzayanov, et la torture qu’ils subissent a probablement pour but d’effrayer ceux qui pourraient encore vouloir trahir la Russie.
Vil Mirzayanov sûr « à 100 % » que la Russie est derrière ce crime
Vil Mirzayanov se dit sûr « à 100 % » que la Russie est derrière ce crime. « Ce pays a le monopole de ce poison », insiste-t-il, « pour l’utiliser il faut maîtriser des technologies avancées, ce n’est pas à la portée du premier venu. Le Novitchok, c’est comme une empreinte digitale de la Russie ».
Mirzayanov est le chimiste qui a dévoilé au monde l’existence du Novitchok en 1992. Alors que la Russie s’apprêtait à signer la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, elle gardait le secret sur l’existence et la fabrication de ce produit. Après avoir fait un passage en prison, Mirzayanov a finalement été libéré sous la pression des pays occidentaux et a émigré aux États-Unis en 1995. Malgré les preuves de l’existence de ce programme y compris après la fin de l’URSS, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe Maria Zakharova affirmait après l’attentat contre Skripal et sa fille que ni l’Union soviétique ni la Russie n’avait jamais conduit de recherche-développement sur un produit répondant au nom de code « Novitchok ».
Un autre chimiste russe qui a travaillé sur le Novitchok, Leonid Rink, a en revanche reconnu dans un entretien avec l’agence RIA Novosti l’existence de ce poison développé par l’URSS tout en affirmant être persuadé que la Russie n’était pas impliquée dans l’empoisonnement de Skripal et en accusant la Grande-Bretagne d’avoir produit son propre stock de Novitchok. A la différence de Vil Mirzayanov, Leonid Rink réside toujours en Russie.