Sergueï Andreïev, l’ambassadeur de Russie en Pologne, considère que la décommunisation des espaces publics en Pologne « est immorale » et qu’il faut en parler « sur la scène internationale ». La loi de 2016, qui donnait aux municipalités polonaises jusqu’au 31 mars 2018 pour supprimer des espaces publics tous les monuments, plaques et noms de rue ou bâtiment propageant le communisme ou tout autre régime totalitaire, est appelée par l’ambassadeur une « guerre contre les monuments ». Défendant dans un entretien pour le journal russe Izvestia les monuments érigés à la gloire de ceux qu’il appelle les « libérateurs » soviétiques, l’ambassadeur se fait même menaçant, assurant aux lecteurs russes que « Nous n’avons pas le droit d’oublier ni de pardonner, maintenant ou à l’avenir ».
Les menaces de l’ambassadeur
Pour Sergueï Andreïev, la meilleure réponse à apporter à cette décommunisation et dé-soviétisation des espaces publics polonais consistera pour le Kremlin à propager dans la société russe la vision russe (en réalité soviétique) de l’histoire et de continuer à protester dans les instances internationales contre la politique polonaise. Pour l’ambassadeur, l’éventuelle reprise du dialogue russo-polonais devra tenir compte de cette « guerre contre les monuments », surtout quand les Polonais présenteront à nouveau leurs demandes concernant l’histoire.
Cela concerne-t-il l’accès aux archives soviétiques sur les exécutions de masses d’officiers polonais à Katyń, toujours tenues secrètes par la Russie ? Ou bien la restitution de l’épave et des boîtes noires de l’avion qui s’est écrasé (a explosé ?) près de l’aéroport militaire de Smolensk le 10 avril 2010, avec à son bord le président polonais Lech Kaczyński et 95 autres personnes, dont le haut-commandement de l’armée polonaise ? A ce sujet, le même ambassadeur de Russie en Pologne expliquait sans broncher à la télévision polonaise il y a quelques mois que l’épave et les boîtes noires de l’avion polonais seraient restituées quand la Pologne aura officiellement reconnu les conclusions de l’enquête russe.
Mais de toute façon, a expliqué le Russe Sergueï Andreïev aux lecteurs d’Izvestia, « Tant qu’est remise en cause en Pologne la mission libératrice de l’Armée rouge pendant la Deuxième guerre mondiale, tant qu’est insultée la mémoire de nos ancêtres morts dans les combats pour la libération de ce pays, les conditions ne seront pas réunies pour discuter des questions historiques qui intéressent la partie polonaise ».
Pour l’ambassadeur de Russie en Pologne, la version soviétique de l’histoire est la seule acceptable
En d’autres termes, pour parler d’histoire avec la Russie de Vladimir Poutine, il faut d’abord pour les Polonais accepter l’historiographie soviétique comme la vraie version des événements passés. Les Polonais doivent donc passer sous silence le pacte germano-soviétique et l’occupation soviétique de 1939-41 avec son million de déportés morts ou disparus en Sibérie, et aussi les exécutions et déportations des partisans polonais qui s’étaient battus contre les Allemands à mesure que la Pologne était « libérée » par l’Armée rouge en 1944-45, et encore faire semblant de croire qu’il n’y a pas eu d’occupation soviétique et un régime communiste satellite imposé et maintenu par l’URSS jusqu’en 1990. Et surtout ils doivent cesser de mettre sur le même plan le totalitarisme communiste et les totalitarismes fasciste et national-socialiste. Après ça, l’ambassadeur Sergueï Andreïev pense que les Russes pourront discuter avec les Polonais. Mais de quoi, au juste ?
La Russie craint que d’autres pays puissent vouloir se débarrasser de leurs encombrants monuments à la gloire des « libérateurs » soviétiques
Chose intéressante, l’ambassadeur a expliqué que Moscou n’avait pas accepté le démontage et le transfert des monuments soviétiques en Russie de peur que d’autres pays demandent la même chose.
La loi de décommunisation polonaise concernait environ 1.300 noms de rue et environ 560 monuments à la gloire du régime communiste. Cette loi ne s’applique pas aux cimetières, comme par exemple les cimetières de l’Armée rouge, aux tombeaux et aux fosses communes ni aux terrains privés si les monuments qui s’y trouvent ne sont pas visibles depuis les espaces publics.