Matarella, Conte : ce ne sont pas des noms de fromage, mais le président et le chef du nouveau gouvernement italien. L’un est l’élu de la coalition Ligue-Mouvement cinq étoiles, l’autre est un démocrate-chrétien chargé de faire capoter l’expérience en cours. Le mondialisme joue au chat et à la souris avec le populisme.
Certains vitrifient l’Irak, comme Busch, arment les islamistes en Syrie, comme Hollande, ou sont élus avec des comptes de campagne faux, de l’aveu du président du Conseil constitutionnel, comme Chirac. Ce n’est pas bien grave, car ce sont de bons garçons, ils pensent bien. Mais ce Conte, là, ce nouveau président du Conseil italien, figurez-vous qu’il dit être passé à la Sorbonne et dans plusieurs universités américaines pour s’y adonner l’été à ses travaux juridiques, et qu’il « ne figure sur aucun listing » desdites universités. Ce gars n’a « ni doctorat ni master », il est « inconnu du grand public ». Ça donne une idée du personnage. Un barbare malhonnête lancé à l’assaut du palais Chigi par la coalition du Mouvement cinq étoiles et de la Ligue du Nord. Un forban résolu à s’installer dans le fromage démocratique.
Déconsidérer Conte, le nouveau chef du gouvernement italien
Comme partout et toujours, donc, les médias du système utilisent ce qu’ils ont sous la main pour discréditer ce qu’ils exècrent sous le nom de populisme, cette forme de gouvernement qui échappe à la stricte surveillance de leurs mandants, Trump aux Etats-Unis, Orban en Hongrie, etc. La ligue du Nord de Matteo Salvini a une réputation d’extrême droite, son programme, fortement tourné contre l’immigration, est jugé égoïste. Le Mouvement cinq étoiles de Luigi Di Maio, lui, est tenu pour attrape-tout, gauchisant, anarchisant parfois, mais surtout démagogue et excentrique, comme l’est son fondateur l’amuseur Beppe Grillo. Pour déjouer la propagande prévisible, la coalition a donc choisi de porter à la présidence du gouvernement italien un sobre juriste apprécié de ses pairs en Italie, Giuseppe Conte. Comme c’est en outre une personnalité discrète et très « propre » d’apparence, il convenait de détruire cette image d’entrée de jeu. D’un homme sans passé gênant on fait un dirigeant « sans expérience », et l’on met sa compétence de juriste et son honnêteté en cause.
Matarella, chat au poil luisant dans son fromage présidentiel
La figure du président de la république Matarella y aide. C’est à la fois le premier président sicilien, et le premier démocrate-chrétien depuis longtemps, une parfaite incarnation du système, rompu à toutes les tractations d’appareils. Fin juriste lui aussi, il est tombé tout petit dans le chaudron de la politique italienne. Mais, il y a grand mais, il a l’air honnête. Plus, il a conquis le cœur de la ménagère en réduisant le train de vie du Quirinal, notamment le parc automobile. La coalition veut balayer le système ancien : mais en la personne irréprochable de Matarella, le système ancien attend la coalition menée par Conte au tournant. A la moindre erreur, elle sera fusillée et sa dépouille exhibée au public avec ce commentaire : vous voyez bien que le populisme ne marche pas et que les populistes ne sont pas des gens bien. Le curriculum vitae de Conte est la première étape de cette stratégie.
Il faut ajouter que les mondialistes ont leur temps, et un gardien du temple qui mettra des bâtons dans les roues de Conte à tout moment, Matarella. C’est lui qui a déjà fait traîner la nomination du nouveau chef du gouvernement, qui lui a imposé des ministres pro-européens, et qui avait même pensé, à un moment, à imposer un « gouvernement neutre » de technocrates en attendant de nouvelles élections.
Un gouvernement chauve-souris pour les Italiens
D’un point de vue anti-mondialiste, il faut maintenant se demander si la coalition Ligue-Cinq étoiles, sous la houlette ou non de Giuseppe Conte, sur lequel je n’ai ni information ni opinion, est une bonne chose. Prenons d’abord la Ligue du Nord. Jusqu’à présent, elle avait un profil et un projet facilement identifiables du grand nombre : souverainiste et identitaire, elle entendait rendre l’Italie aux Italiens, contre les empiètements de Bruxelles et l’invasion migratoire. Elle s’ancrait naturellement à droite avec les néofascistes et ce qu’il reste des berlusconiens. Matteo Salvini lui a donné un coup de jeune, ce qui est fort bien, mais, les résultats aux dernières législatives n’ayant pas été suffisants pour qu’il forme avec Berlusconi et les néofascistes le gouvernement prévu par leur coalition électorale, il a renversé les alliances et s’accole au Mouvement cinq étoiles afin d’arriver au pouvoir. Est-ce que cela ne va pas décontenancer ses électeurs et brouiller complètement sa ligne politique ? Entre les tendances très contradictoires d’un Mouvement cinq étoiles qu’on a entendu tout dire en campagne, et vu tout faire une fois aux affaires localement (par exemple à la mairie de Rome), laquelle va émerger dans le gouvernement de Giuseppe Conte ? Le mondialisme à l’affût, qui n’était déjà pas sans munitions, n’aura-t-il pas la partie facile contre une coalition hétéroclite dont les intentions sont aussi diverses qu’incertaines ?
Matarella, Conte : qui est le chat, qui la souris ?
On peut répondre à cela que l’actuel patron du Mouvement cinq étoiles, Luigi Di Maio, n’a pas le côté fantaisiste de Peppe Grillo, et surtout qu’il a signé avec Salvini un accord de gouvernement longuement négocié, qui porte sur un programme de gouvernement minimal défini avec soin : à la moralisation et à la simplification du fromage politique italien s’ajoutent et un combat déterminé contre l’immigration et un éloignement de Bruxelles. Sur ce programme commun la grande majorité des Italiens se rejoignent, bref c’est un tronc commun populiste acceptable par les gens de gauche et les gens de droite : à l’éternelle grande coalition de tous les grands partis euro-mondialistes, dont le gouvernement italien fut un abonné, et qui règne sous diverses formes en Europe (pour commencer au parlement européen), répond une coalition populiste. Cela peut se soutenir, mais c’est aussi dangereux que séduisant. Le mondialisme observe et laisse faire, comme le chat avec la souris, persuadé, en général à juste titre, qu’à la fin il la croquera. Il a le cadre institutionnel pour voir venir. Confortablement installé dans son fromage, Matarella veille. Conte a intérêt à ne pas se louper.