Alors que la France débat de la PMA, d’autres la mettent artisanalement en pratique à tour de bras et avec une curieuse satisfaction. Le journal conservateur britannique The Daily Telegraph présente sans trop de bémols un prochain documentaire sur Channel 4 à propos de quatre hommes donneurs de sperme qui ont ensemble engendré 175 bébés à travers le Royaume-Uni. Mitch Kennedy, 35 ans, a 20 enfants à son actif chez des couples de lesbiennes ou des femmes seules. Et un enfant « à lui », reliquat d’une relation ancienne, rompu avant que le jeune homme commence à faire le tour du pays pour « aider » les autres.
Il fait partie de ces donneurs de sperme hors circuit médical qui opèrent au Royaume-Uni en toute légalité – même si la pratique n’a pas l’aval des juristes et des autorités médicales – et se trouve facilement des récipiendaires à la recherche d’un moyen simple de tomber enceintes, tout en connaissant le donateur. Le don de sperme tel qu’il se pratique dans les cercles médicaux et officiels, lui, est anonyme.
La triste histoire de Mitch Kennedy, altruiste mal avisé
Kennedy, visage amène, diplômes universitaires en poche, est à l’œuvre depuis six ans. Il rencontre ses contacts – auxquelles il demande tout au plus un petit défraiement, dit-il – en ligne, recevant entre 10 et 15 demandes par semaine sur des sites dédiés. Le but, c’est de les connaître, et de les suivre : 20 comptes WhatsApp en témoignent, ce sont les lieux où ce père multiple échange avec les différentes « familles » qu’il a contribué à créer, puisque le principe de sa démarche est qu’il doit pouvoir connaître et suivre les enfants dont il est le géniteur.
C’est pour éviter d’éventuels problèmes, et en particulier celui que représenterait le refus des parents de l’enfant de lui faire part de la manière dont il est venu au monde, que Mitch Kennedy a décidé en 2011, lors de son premier don, de limiter son activité aux couples de lesbiennes ou à la limite aux femmes seules, géographiquement éloignées les uns des autres, et de bien connaître les foyers où naîtraient ses enfants.
Tout a commencé lorsqu’il avait 18 ans. Il était déjà donneur de sang et s’était fait inscrire sur le registre des donneurs de moelle osseuse. Interpellé par une affiche à l’université d’Aberdeen proposant aux hommes de devenir des « superhéros », il s’était renseigné sur le don de sperme officiel auquel il ne s’est finalement jamais résolu, notamment en raison de la clause d’anonymat et de la paperasse associée.
Donneur de sperme privé au Royaume-Uni, un monde !
Sa motivation ? Il n’a pas assez de moyens pour donner de l’argent à aux associations caritatives : par le don de sperme, il estime pouvoir « faire quelque chose d’absolument énorme » pour autrui. A l’inverse de certains autres, il n’exige ni rémunération ni relations sexuelles effectives, il se contente de fournir les gamètes fraîches et la seringue d’insémination qui autorisent la femme – avoue-t-il fièrement – à engrosser sa compagne dans le confort de sa propre chambre à coucher, et loin de la présence des tiers.
« Imaginez quelqu’un qui recherche une boîte de vitesse pour une Corvette de 1963, alors que vous auriez une à la maison qui ne vous serve pas. Pour vous, cela ne signifierait rien, mais pour l’autre personne, elle pourrait lui changer la vie, et en retour, vous auriez le sentiment d’être merveilleux. Vous le feriez, n’est-ce pas ? », explique-t-il.
Mieux : « C’est une manière bien plus bio, bien plus naturelle de faire des choses. Je sais ce qui se passe dans les cliniques qui travaillent avec du sperme congelé et c’est quelque chose que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi – ça peut coûter des milliers de livres, le taux de réussite est très mauvais, et tout est tellement impersonnel. »
On reste pantois. L’altruisme est devenu une vertu bien curieuse, et surtout très fausse, dans notre Meilleur des mondes où tout est permis – sauf de s’en tenir au Décalogue…