Les rythmes scolaires furent le dada naguère de Vincent Peillon, l’homme de 1793 : il a tracé à ce sujet le plan d’une usine à gaz ingérable que refusent aujourd’hui la plupart des communes, ce qui pose une question à son successeur Blanquer : que faire des enfants le mercredi.
Ancien recteur d’académie, ancien directeur de l’ESSEC, ancien directeur général de l’enseignement scolaire avant d’être nommé ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer est sans doute l’un des meilleurs connaisseurs de l’école en France, l’équivalent de Xi Jinping pour le PC chinois, sauf que l’usine à gaz qu’il dirige désormais est plus rigide et plus absconse. Et il s’est lancé dans l’orient compliqué des rythmes scolaires avec une idée simple : puisque les maires reviennent à la semaine de quatre jours, il faut occuper les enfants le mercredi.
Blanquer, ministre des 4 jeudis, se pèle le plan Mercredi
Quand j’allais à l’école, nous rêvions plutôt de la semaine des quatre jeudis. Le jeudi avait été concédé à l’origine par les laïques de l’instruction publique à l’Eglise pour enseigner le catéchisme, et le reste de la journée nous jouions. En 1972, Pompidou regnante, repos et caté ont glissé d’un jour, et depuis le caté s’est largement vidé de ses ouailles, de sorte que, les enfants ne sachant plus jouer seuls ou entre amis, se pose la question du mercredi. D’autant que les mères travaillent : comment occuper et faire surveiller les enfants le mercredi. D’où ce tableau, qu’on aurait tenu pour parfaitement loufoque voilà cinquante ans, d’un ministre de l’éducation nationale préparant très sérieusement un plan mercredi, parce que ni eux ni personne ne sait quoi faire d’eux ce jour-là.
Dans l’usine à gaz du périscolaire
Puisqu’il n’y a pas école ce jour-là, et que les familles ne peuvent plus se débrouiller, il faut en effet organiser « le périscolaire ». Un mot de technocrate pour décrire une usine à gaz dont on n’a pas idée. Le plan Peillon a transformé la vie des enfants, des parents et des enseignants en panier à laine après le passage d’une dizaine de chatons. Les textes prévoient des activités de « grande qualité », dans le cadre juridique dit PEDT (projets éducatifs territoriaux), mais il faut pour cela des sous, et du personnel pour s’occuper de nos chères têtes multicolores. Sans doute l’Education nationale est-elle prête à s’entendre avec les autres « acteurs de l’enfance », et vont-ils signer à cet effet avec les communes une « charte de qualité », mais ne pourront en profiter (et toucher l’argent qui va avec) que les seules communes qui répondent aux critères du ministère de la jeunesse, c’est-à-dire disposer d’un directeur de centre de loisirs, d’animateurs diplômés, d’un projet pédagogique, de locaux aux normes. Seront donc pénalisés les villages où l’école peine déjà à se maintenir.
L’éducation nationale dans l’enfer des rythmes scolaires
Je vous la fais courte, je vous épargne la hausse des subventions par la CNAF dans le cadre du plan mercredi, passant de 54 centimes par an et par enfant à un euro, qui viendra compenser (dans quelle mesure ?) la perte de l’aide versé par le « fonds de soutien aux activités périscolaires » pour toutes les communes qui choisiront de passer à quatre jours. Je fais l’impasse sur le ratio animateur/élèves, qui varie selon qu’on est mercredi ou un autre jour. Même notre confrère le Monde patauge. Courteline n’aurait pas osé l’inventer. On se demande quel aréopage de fonctionnaires fous a pu imaginer de telles usines à gaz, c’est pire qu’un plan de montage de meubles Ikéa. Pour couronner le tout, Agnès Lebrun, maire de Morlaix, note qu’« On n’occupe pas les enfants de la même manière en zone rurale qu’à Brest ou à Paris. Il faut tenir compte des spécificités locales. » Dame ! Les pauvres loulous qui doivent entrer dans ce labyrinthe dès leurs trois ans ne sont pas sortis de l’auberge. N’y a-t-il pas un grand père pour leur apprendre à jouer aux échecs ou à observer les insectes ?