Un de plus. Après l’Arizona, l’Alabama ou le Texas chacun à sa manière, l’Etat américain du Wyoming se tourne vers l’or pour anticiper et contrer les dérives monétaires de la banque centrale des Etats-Unis, la Réserve fédérale (Fed). Les deux chambres de cet Etat d’altitude aux fortes traditions d’élevage et aux puissantes ressources minières, éloigné des miasmes washingtoniens, viennent d’adopter à des majorités écrasantes le texte HB103 qui exempte de taxes les citoyens choisissant de régler leurs débits en valeurs d’or ou d’argent. Ces deux métaux deviennent donc de fait monnaie légale à Cheyenne, Casper ou Laramie. De quoi contenter le président de Campaign for Liberty, Ron Paul, et sa correspondante au Wyoming, Cathy Ide. Cette dernière se félicite de ce « que les citoyens du Wyoming cessent d’être punis pour avoir simplement choisi d’utiliser l’or comme monnaie d’échange, alors que c’est pourtant garanti par la Constitution des Etats-Unis ». Pour Ron Paul, l’adoption de cette loi d’Etat « est un nouveau signe qui montre que la colère contre le monopole monétaire de la Réserve fédérale est bien vivante et se développe ».
Les habitants du Wyoming pourront payer en or ou en argent sans être taxés
La loi permet aux Wyomingais d’acheter et de vendre de l’or et de l’argent sans que ces transactions soient considérées comme un échange – taxable – de capitaux. Elle limite de ce fait l’intrusion de la Fed à l’intérieur des frontières de vaste Etat dont les 570.000 habitants sont peu nombreux mais traditionnellement intrépides.
Avant l’adoption de cette loi, la législation d’Etat imposait que toute dette fût payée en billets émis par la Réserve fédérale ou en pièces émises par le gouvernement des Etats-Unis. Or cette disposition contrevient à l’article I, section 10 de la Constitution des Etats-Unis qui stipule « qu’aucun Etat ne disposera d’autre moyen que de monnaie d’or et d’argent pour le paiement des dettes ». La disposition fédérale imposant l’usage des billets de la Réserve fédérale pour le règlement de « toute dette, publique et privée » relève donc d’une violation flagrante de la loi fondamentale de l’Union.
L’article IV, section 4 de la même Constitution fédérale garantit par ailleurs « à chaque Etat de cette union une forme républicaine de gouvernement ». En d’autres termes, l’obligation votée par le Congrès (législation fédérale) d’accepter le papier monnaie de la Fed peut être interprétée comme une entrave à ladite forme républicaine de gouvernement puisqu’elle interdit au peuple de voter des lois (en l’occurrence monétaires) conformément à leur droit garanti par la Constitution.
Le Wyoming a su faire valoir ses droits face à la Réserve fédérale
Le Wyoming ne l’a pas entendu de cette oreille. Ses parlementaires, par nature proches d’une population aussi réduite – à peine celle de l’agglomération de Toulon –, ont su faire valoir les droits de leurs mandants face à la tyrannie monétaire d’une Réserve fédérale qui ne défend pas la valeur de sa monnaie. L’économiste William Greene relève ainsi que « par le passé, quand les résidents d’un Etat eurent à leur disposition à la fois des billets de la Réserve fédérale et de pièces d’or et d’argent, il est clairement apparu que ces pièces conservèrent mieux leur valeur initiale que les billets ». Il pourrait résulter de la légalisation de l’or monétaire un mouvement inverse à la célèbre loi de Gresham qui veut que « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». La bonne monnaie métallique pourrait chasser une mauvaise monnaie papier accablée par les « assouplissements quantitatifs » à répétition imposés par la Fed, dévaluation de fait, potentiellement explosive.
La circulation d’or et d’argent pourrait attirer les placements au Wyoming
La liberté de mise en circulation de monnaies d’or et d’argent pourrait entraîner un afflux de richesses dans les frontières de l’Etat et une hausse de l’activité bancaire puisque les Américains résidant à l’extérieur du Wyoming pourront y placer leurs avoirs à l’abri des secousses monétaires. Car les Américains savent que depuis son institutionnalisation, le monopole de la Réserve fédérale a entraîné un effondrement de 95 % du pouvoir d’achat du dollar américain. Tout au long du XXe siècle ont été menées des tentatives pour encadrer ou éliminer au niveau fédéral les privilèges de la Fed : celles de Louis T. McFadden dans les années 1930, de Wright Patman dans les années 1970, d’Henry Gonzalez et Ron Paul dans les années 1990. En vain.
Aujourd’hui c’est par le biais des pouvoirs locaux, qui font valoir leurs libertés et la légitimité populaire de leurs décisions suivant le sain principe de subsidiarité, que le monopole monétaire est attaqué. Pour Ron Paul, d’autres Etats devraient encore suivre, dans un vaste mouvement de réappropriation des souverainetés naturelles. La tendance ne devrait pas laisser insensibles les Européens, étranglés par le dogmatisme totalitaire d’une « monnaie unique » appliquée sans distinctions à des économies disparates dont elle aggrave chaque jour les divergences.