La fin de la politique de l’enfant unique en Chine communiste en 2015 n’a pas produit le baby-boom espéré par l’Etat chinois. Celui-ci vient de lancer deux timbres, où l’on voit une famille nombreuse de cochons. Ils annoncent l’abandon futur de toute restriction à la natalité.
Les Chinois aiment le cochon. Pas seulement pour le manger. Dans leur astrologie, c’est un signe très positif. Pour célébrer l’année du cochon en 2019, ils viennent de publier deux timbres adorables à des yeux chinois. Les cochons y sourient, les oreilles et un petit toupet sur la tête dressés. Sur l’un, un tendre couple de cochons pose avec une progéniture de trois petits cochons tout aussi mignons. Pour l’année du singe, en 2016, un timbre précédent ne montrait que deux petits singes. Le message, pour les spécialistes de la politique chinoise, est clair : la politique du deux enfants par couple ne marchant pas, l’Etat chinois redevient nataliste.
Quand Dutronc chantait le baby-boom chinois
Chacun se souvient de la chanson de Dutronc, en 1966, « Et moi, et moi, et moi » : à l’époque, les « petits Chinois » étaient sept cent millions (contre un milliard quatre aujourd’hui), chaque Chinoise faisant en moyenne 5,48 enfants dans sa vie. Il y avait même eu un pic, en 1962, à 7,55. Le président Mao, qu’admirait fort Bernard-Henri Lévy, avait besoin de beaucoup de petits soldats. Le baby-boom dura de 1950 aux années 70. Puis, sous l’influence des malthusiens américains avec qui il commençait à faire des affaires, le PC chinois institua restriction des naissances dont l’effet fut sensible dès 1974. Mais, les générations alors en âge de procréer étant nombreuses, la Chine ne cessa de renouveler ses générations qu’à partir de 1991 et, par la baisse de la mortalité, sa population a continué à croître jusqu’à aujourd’hui.
Deux timbres contre une politique aux effets catastrophiques
Mais les dirigeants craignent sa décroissance rapide dans le futur, les classes de reproductrices nombreuses étant passées. Sans atteindre le niveau occidental, la proportion de vieux dans la population chinoise s’accroît dangereusement. Et puis la politique de l’enfant unique, par la préférence des Chinois pour l’enfant mâle, a entraîné des avortements sélectifs, et même des infanticides sélectifs : la mortalité infantile mesurée, nettement supérieure chez les filles, l’établit clairement. Il y a aujourd’hui, autant qu’on puisse l’affirmer à considérer des données divergentes, une quarantaine de millions de Chinois de plus que de Chinoises.
Timbres et cochons vs inertie du passé et décadence du futur
C’est pourquoi les Chinois ont abandonné en 2015 la politique de l’enfant unique, et pourquoi ils lancent ce timbre à la gloire des trois petits cochons. En effet, il n’y a eu qu’un million de naissances supplémentaires en 2016 (pour seize millions de naissances en année ordinaire), ce qui est loin d’un baby-boom. La permission d’enfanter n’a pas stimulé suffisamment les couples. En dehors de considération économiques, l’enfant coûte cher, ils se trouvent soumis aux habitudes acquises en quarante ans, et sans doute aussi pour une partie au modèle occidental de la jouissance sans entrave ni responsabilité. La démographie future de la Chine risque d’être chaotique, entre une menace de décrépitude et des accès de baby-booms.