Avec près de 3,5 millions d’entrées déjà enregistrées en France, Oppenheimer de Christopher Nolan tutoie déjà les blockbusters grand public comme Astérix et l’Empire du Milieu ou Super Mario : vrai succès pour un film historique dont le sujet pouvait en effet séduire les masses, la création de la bombe atomique. Malgré sa longueur inhabituelle – trois heures de film – Oppenheimer atteint ainsi un vaste public, façonnant la « culture » populaire au sujet de l’inventeur. Or il véhicule une grave désinformation, bien dans l’air du temps, en niant le communisme avéré de J. Robert Oppenheimer, assure William F. Jasper sur le site TheNewAmerican.com.
Secrètement membre du parti communiste des Etats-Unis, il a permis aux agents russes d’avoir accès aux documents essentiels concernant la bombe atomique pour les transmettre à Moscou.
Le film suggère qu’Oppenheimer a voulu que l’URSS ait la bombe atomique pour permettre un équilibre de la terreur, et ainsi éviter son utilisation. Ainsi une sorte d’altruisme l’aurait guidé, et non les convictions communistes qui font au contraire de lui un traître à sa patrie, favorisant le communisme intrinsèquement pervers. Et toute la dialectique de la guerre froide savamment exploitée par le mondialisme.
L’article du New American détaille de nombreux éléments propres à établir cette appartenance communiste d’Oppenheimer, et souligne aussi combien le film qui lui est consacré ridiculise les craintes des anticommunistes aux Etats-Unis, et le maccarthysme tant décrié.
Qu’Oppenheimer soit aussi complaisant envers le communisme et désinforme à son sujet en dit long sur l’actualité de cette praxis totalitaire historiquement responsable d’au moins cent millions de morts.
En voici la traduction intégrale. – J.S.
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Oppenheimer : conspiration, traîtrise et vérité
J. Robert Oppenheimer, qui dirigeait le projet de fabrication de la bombe atomique à Los Alamos pendant la Seconde Guerre mondiale, était-il un agent soviétique ? Et quelle importance cela peut-il avoir ?
« L’histoire est un ensemble de mensonges sur lesquels on s’accorde », aurait dit un jour Napoléon Bonaparte. On peut dire que depuis l’époque de Napoléon, les menteurs ont certainement pris le dessus. Notre « industrie historique » a si bien réussi à truffer de mensonges pratiquement toutes les sources historiques populaires consommées par le citoyen moyen – livres d’histoire, manuels scolaires, romans, films, documentaires, Wikipédia – que la quête de la vérité s’est transformée en un voyage redoutable à travers un paysage semé d’embûches qui favorise la confusion. Il y a bien sûr de nombreuses façons de mentir, qui vont de la falsification pure et simple au mensonge par demi-vérité, en passant par le mensonge par omission, le mensonge par le contexte et, dans le cas de la photographie et de la cinématographie, le mensonge assisté par l’objectif de la caméra.
La peur du communisme assimilée à de la paranoïa
L’un des grands mensonges du siècle dernier veut que l’Amérique ait été affligée de crises récurrentes de « paranoïa » et d’« hystérie » irrationnelles à propos de la menace que représente le communisme. L’intelligentsia dominante à Hollywood et dans nos institutions universitaires et médiatiques nous avertit sans cesse que cette peur récurrente du communisme est un état mental dangereux et un signe de tendances fascistes. Rares sont les étudiants (ou lycéens) qui n’ont pas baigné dans les prétendues terreurs de la « peur rouge » et du maccarthysme par le biais de nombreux manuels, films, conférences et dissertations.
Cependant, les censeurs et propagandistes orwelliens qui relèguent la véritable histoire aux oubliettes et fabriquent l’« histoire » à partir de mensonges sont apparemment paniqués à l’idée que la récente recrudescence du « délire » anticommuniste – qui va de pair avec le mouvement Trump MAGA toujours puissant – ne soit le signe de ce qu’il faille remettre en place les barrages d’artillerie contre les hordes maccarthystes qui viennent de se réveiller. Voici donc, entrant par la gauche, le blockbuster Oppenheimer de Christopher Nolan, pour répondre à cette nouvelle urgence.
Précisons d’emblée que, à l’unisson de tous les médias gazouillant en chœur, nous sommes d’accord pour dire que Nolan est un « brillant cinéaste » et que le personnage central de son film, Julius Robert Oppenheimer, était un « brillant physicien » et un polymathe aux multiples talents. Cette épopée de trois heures signée Nolan est définitivement nolanesque dans toute sa complexité, avec des coupes abruptes et des sauts temporels déroutants, surmontés d’une partition musicale écrasante qui est souvent jouée à des niveaux de décibels propres à faire grincer des dents et trembler les os. Oppenheimer lance un cri égocentrique : « Je suis Nolan ; admirez mon génie artistique novateur ! » La ronde habituelle des critiques des médias qualifie le film de Nolan de « monument », de « réussite grandiose », d’« épopée irrésistible », et lui attribue bien d’autres superlatifs élogieux. Il s’agit là d’opinions à la fois esthétiques et politiques. L’appréciation esthétique étant largement subjective, l’auteur de ces lignes veut bien admettre que le film a ses bons moments et qu’un grand nombre de personnes seront époustouflées par l’art débordant de Nolan.
Cependant, cet article n’est pas une critique de film, tout au moins au sens habituel du terme. Il ne se penche pas sur les mérites ou l’absence de mérites artistiques de la production. Il veut plutôt tenter de rendre justice face à une terrible injustice – une série d’injustices, en réalité – qui se trouve au cœur et se manifeste tout au long de ce film entièrement malhonnête.
Malhonnête ? Comment cela ? Tout d’abord, bien qu’il soit ostensiblement consacré à Oppenheimer et à la course à la bombe atomique, il devient rapidement évident qu’Oppenheimer est avant tout une profession de foi politique, et non un simple divertissement. Il s’agit d’un conte moral qui sert à présenter Oppenheimer comme un héros et un martyr impitoyablement persécuté et faussement accusé d’être communiste, simplement parce qu’il était un penseur indépendant et qu’il s’était simplement associé à des communistes. Plus largement, son frère, sa femme, ses amis et ses collègues communistes ou compagnons de route sont également présentés comme des héros/martyrs/victimes tragiques dans une époque de folie dominée par le sénateur Joseph McCarthy et par J. Edgar Hoover. Dans le même temps, tous ceux qui s’inquiètent un tant soit peu de voir des communistes au centre de notre projet super-secret de bombe A sont dépeints par Nolan comme des idiots, des crétins, voire pire. Les portraits méchants et malhonnêtes d’anticommunistes tels le physicien Edward Teller, le président de la Commission de l’énergie atomique Lewis L. Strauss et l’avocat Roger Robb, sont particulièrement abjects.
Oppenheimer était-il communiste ?
Hélas, l’Oppenheimer de Nolan était d’emblée condamné à sombrer dans la propagande anti-américaine, puisque le réalisateur s’est inspiré du livre publié en 2005, American Prometheus : The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer, par Kai Bird et Martin J. Sherwin. Ces deux auteurs ont longtemps été associés au magazine d’extrême gauche The Nation en tant que chroniqueurs, et Sherwin (aujourd’hui décédé) était membre du conseil d’administration de la publication. Selon David Horowitz, rédacteur en chef du magazine Front Page, The Nation « a soutenu tous les dictateurs communistes à leur apogée – Staline, Mao, Fidel, Ho, et même Pol Pot – et a invariablement penché (et souvent activement pris parti) pour le camp ennemi chaque fois qu’une question liée à un conflit entre les Etats-Unis et l’un de ses ennemis jurés s’est posée au cours de la guerre froide ». Il n’est donc pas surprenant que l’orientation très gauchisante du livre de Bird-Sherwin se retrouve dans le film de Nolan qu’il a inspiré. Cependant, Nolan, ses chercheurs et ses scénaristes ont bien dû consciemment ignorer un vaste ensemble de preuves qui contredisent la thèse procommuniste sous-jacente du film. Ces preuves consistent en des témoignages et des documents dont une grande partie était à la disposition de Bird et Sherwin avant qu’ils n’écrivent leur livre (et qu’ils ont apparemment choisi d’ignorer), ainsi qu’un très grand nombre d’autres qui ont été déterrés depuis.
Nolan ne nie pas complètement les associations d’Oppenheimer avec le Parti communiste ; il les fait simplement et de manière malhonnête passer pour des flirts innocents et passagers n’ayant aucune incidence sur la sécurité nationale. Il prend pour argent comptant l’affirmation d’Oppenheimer selon laquelle il a absolument refusé de transmettre les secrets de la bombe A aux agents soviétiques lorsqu’on le lui a demandé, parce que, comme l’a reconnu Oppenheimer, cela aurait constitué une « trahison ». Or, toute évaluation honnête des preuves disponibles démolit ces prétentions.
Communisme d’Oppenheimer : les faits
Voici un résumé des principales données, avec la référence aux différentes sources :
– Des archives du KGB : une note adressée à Beria, chef du KGB, saluant l’aide apportée par Robert Oppenheimer aux agents soviétiques ;
– Du maître espion soviétique, le lieutenant-général Pavel Sudoplatov : de multiples références à Oppenheimer en tant que membre secret du parti communiste et agent clef ;
– Des auteurs Jerrold et Leona Schecter : plusieurs entretiens avec d’anciens officiers de renseignement à Moscou qui ont souligné l’importance de l’aide apportée par Oppenheimer au développement de la bombe A soviétique au cours de la période 1942-1944 ;
– De Paul Crouch, ancien haut responsable du Parti communiste des Etats-Unis d’Amérique (CPUSA) : des déclarations sous serment devant des commissions du Parlement californien et du Sénat américain, attestant qu’il a assisté à des réunions fermées du Parti communiste au domicile californien de M. Oppenheimer ;
– De Haakon Chevalier, proche ami d’Oppenheimer : l’aveu que lui et Oppenheimer étaient membres d’une « unité fermée » du parti communiste de 1937 à 1942, alors qu’ils étaient tous deux professeurs à Berkeley ;
– Des mémoires non publiées de Gordon Griffiths, ami d’Oppenheimer, communiste lui aussi : la confirmation de ce qu’Oppenheimer était un « communiste caché », Griffiths (alors étudiant diplômé à Berkeley) assurant la liaison entre Oppenheimer et le Parti communiste ;
– Des dossiers du FBI : des enregistrements de hauts responsables du PCUSA expliquant à leurs camarades qu’Oppenheimer est désormais un membre secret en raison de son travail de haute sécurité dans le cadre de l’effort de guerre ;
– De multiples sources soviétiques, parmi lesquels le général Sudoplatov : des aveux selon lesquels Oppenheimer et les physiciens Enrico Fermi et Leo Szilard ont aidé à placer des agents soviétiques dans les laboratoires du projet Manhattan, qui ont ensuite transmis les secrets de la bombe A à leurs maîtres communistes ;
– Des retranscriptions de Venona : des communications des services de renseignement soviétiques interceptées et décryptées par le service de renseignement de l’armée américaine (Signal Intelligence Service) ;
– De nombreux documents et sources : la preuve que l’équipe du projet de bombe A de Los Alamos, dirigée par Oppenheimer, était truffée d’agents soviétiques, depuis les espions condamnés Julius Rosenberg, David Greenglass et Klaus Fuchs jusqu’à Bruno Pontecorvo, Theodore Hall, Oscar Seborer et bien d’autres encore.
Comment Oppenheimer a favorisé la transmission des données sur la bombe atomique à l’URSS
De nombreux autres points pourraient être ajoutés, mais dans un souci de concision, nous irons droit au but. Jerrold et Leona Schecter ont publié en 2002, dans leur livre Sacred Secrets : How Soviet Intelligence Operations Changed American History (« Sacrés secrets : comment les opérations des services du renseignement soviétiques ont changé l’histoire de l’Amérique ») de nombreux documents explosifs provenant des archives du KGB soviétique. L’un des plus stupéfiants est une note de service « TOP SECRET URGENT » adressée à Lavrenti Beria, le tristement célèbre chef du NKVD/NKGB (nom donné alors au KGB) de Staline, par le chef de cabinet de Beria, l’officier Kossoi. Ce document constitue l’une des nombreuses confirmations de ce qu’Oppenheimer, comme beaucoup d’autres personnalités influentes, était non seulement secrètement membre du parti communiste américain, mais qu’il coopérait également avec les services de renseignements soviétiques et transmettait (et/ou permettait à d’autres de transmettre) des secrets cruciaux concernant la bombe atomique aux Russes. Kossoi informe son maître que, conformément à ses instructions, « le NKGB URSS continue à prendre des mesures pour obtenir des informations plus complètes sur l’état d’avancement des travaux relatifs au problème de l’uranium et de son développement à l’étranger ». Le mémorandum du NKGB poursuit : « En 1942, l’un des chefs de file des travaux scientifiques sur l’uranium aux Etats-Unis, le professeur Oppenheimer (membre non référencé de l’appareil du camarade Browder), nous a informés du début des travaux. »
Le « camarade Browder » fait bien sûr référence à Earl Browder, qui était à l’époque le dirigeant du PCUSA. À la demande de l’agent soviétique Gregory Kheifetz et de Browder, indique la note du NKGB, Oppenheimer « a coopéré à rendre accessibles les recherches de plusieurs de nos sources sûres, y compris un parent du camarade Browder ».
Une autre note du NKGB adressée à l’adjoint de Beria, Vsevelod Merkulov, indique que le nom de code d’Oppenheimer est CHESTER (plus tard, il sera également connu sous le nom de STAR) et note qu’Oppenheimer avait reçu l’ordre de cesser de payer ses cotisations au parti communiste et de rompre toutes ses relations avec les membres du parti. Dorénavant, ses contacts soviétiques devaient passer par les canaux secrets du NKVD.
L’un des contacts d’Oppenheimer était Elizabeth Zarubina, capitaine du NKVD et épouse de Vasily Zarubin, qui était alors le principal agent de renseignement soviétique aux Etats-Unis. Elle fut chargée de se rapprocher de l’épouse d’Oppenheimer, Katherine. C’est ce qu’elle fit. A l’inverse du portrait que dresse le film de Nolan de Katherine « Kitty » Oppenheimer, celle-ci était elle-même membre du parti communiste, compagnon de route et militante de longue date, et non une simple étudiante « communiste de salon » ayant flirté avec le marxisme avant de se lasser du mouvement. Selon Sudaplatov, les Schecter et d’autres sources, Zarubina a contribué à convaincre Oppenheimer d’intégrer Klaus Fuchs et d’autres « taupes » soviétiques dans le programme atomique, non seulement à Los Alamos, mais aussi dans les installations connexes d’Oak Ridge (Tennessee) et de Hanford (Washington), ainsi qu’au laboratoire de Chicago et au laboratoire canadien de Chalk River (Ontario).
« Une autre voie était celle de la taupe qui travaillait avec Fermi et Pontecorvo », écrit Sudoplatov dans Missions spéciales : Mémoires du maître-espion soviétique Pavel Soudoplatov, publié en 1994. « La taupe du Tennessee était en lien avec la station illégale de la pharmacie de Santa Fe, d’où le matériel était envoyé par coursier au Mexique. Ces jeunes taupes non identifiées, ainsi que la taupe de Los Alamos, étaient des scientifiques ou des administrateurs subalternes qui recopiaient des documents essentiels auxquels ils étaient autorisés à accéder par Oppenheimer, Fermi et Szilard, qui faisaient sciemment partie du stratagème. »
Une telle accusation de la part de Pavel Sudoplatov n’est pas anodine. Il n’était nullement un « maccarthyste de droite ». Comme il l’indique dans ses mémoires, il était à la tête de l’administration des missions spéciales du KGB, un poste qui le rendait « responsable du sabotage, de l’enlèvement et de l’assassinat de nos ennemis au-delà des frontières du pays ». Il a également révélé avoir dirigé « l’effort d’espionnage soviétique pour obtenir les secrets de la bombe atomique de l’Amérique et de la Grande-Bretagne. J’ai mis en place un réseau de clandestins qui ont réussi à convaincre Robert Oppenheimer, Enrico Fermi, Leo Szilard … et d’autres scientifiques américains et britanniques de partager avec nous les secrets de la bombe atomique ».
Des témoignages sur le communisme d’Oppenheimer étouffés
Comme mentionné ci-dessus, on peut également citer Paul Crouch, qui n’était pas un communiste comme les autres. Il représentait à Moscou le PCUSA et la Ligue des jeunes communistes lors des réunions du comité exécutif de l’Internationale communiste (Comintern) et de l’Internationale des jeunes communistes. Au cours de ses 17 années de service en Union soviétique, il fut officier honoraire de l’Armée rouge et chef du département national du Parti communiste pour l’infiltration des forces armées aux Etats-Unis. Il était également membre de la rédaction du journal communiste Daily Worker et organisateur de district pour le parti communiste en Californie, en Virginie, à New York, en Caroline du Sud, au Tennessee et dans l’Utah. Dans le cadre de son témoignage devant le Sénat américain, le sénateur McCarthy lui demanda : « Avez-vous le moindre doute sur le fait qu’Oppenheimer était membre du parti communiste ? » Crouch répondit : « Non, Monsieur, aucun. Je l’ai rencontré lors d’une réunion à huis clos du parti communiste dans une maison dont on a découvert par la suite qu’elle était sa résidence à l’époque. »
Comme on pouvait s’y attendre, la presse « grand public » a étouffé le témoignage de Crouch et s’est ensuite associée à la presse communiste officielle pour l’attaquer violemment. Il s’agit d’un schéma familier. Tous les transfuges du parti communiste ou de l’Union soviétique ont fait l’objet de campagnes de diffamation similaires : Whitaker Chambers, Elizabeth Bentley, Bella Dodd, Louis Budenz, Benjamin Gitlow, Igor Gouzenko, Joseph Kornfeder, Victor Kravchenko, Yuri Bezmenov et Anatoliy Golitsyne, pour n’en citer que quelques-uns. Cependant, des documents et des témoignages mis au jour des décennies plus tard ont prouvé que les transfuges, et non leurs détracteurs, avaient raison et disaient la vérité. Néanmoins, comme on le voit dans Oppenheimer, les spécialistes de la diffamation de gauche poursuivent leurs activités sans jamais faire de mea culpa ni reconnaître qu’ils se sont lourdement trompés. Il a été prouvé qu’Alger Hiss, Harry Dexter White, Lauchlin Curie, Laurence Duggan et de nombreux autres agents haut placés de l’administration de Franklin D. Roosevelt étaient des agents soviétiques.
Parmi les dossiers plus récemment rendus publics par les archives du FBI, on trouve la mention suivante :
En décembre 1942, Julius Robert Oppenheimer a fait l’objet d’une discussion entre Steve Nelson et Bernadette Doyle, secrétaire à l’organisation du parti communiste pour le comté d’Alameda, en Californie. A ce moment-là, Steve Nelson a déclaré que le Dr Hannah Peters était venue lui rendre visite et qu’elle avait déclaré que le Dr Oppenheimer, en raison de son affectation à un projet spécial, ne pouvait pas être actif au sein du parti… Bernadette Doyle répondit à Nelson qu’elle pensait que la question des « deux Oppenheimer » [Robert et sa femme Kitty] devait être examinée par le comité d’Etat dans la mesure où ils étaient régulièrement inscrits et où tout le monde savait qu’ils étaient membres du parti communiste.
« Tout le monde savait qu’ils étaient membres du parti communiste. » C’est bien ce qu’a déclaré Bernadette Doyle, responsable du parti communiste [ce qui établit que ce transfert de la bombe américaine à l’URSS n’a pu se faire sans la complicité passive des services américains ; note de RITV]. Dans son livre Brotherhood of the Bomb (« la Fraternité de la bombe ») publié en 2002, Gregg Herken a présenté des documents supplémentaires et des aveux des camarades d’Oppeheimer concernant l’activité d’« Oppy » au parti et de ses liens d’appartenance à ce dernier. Herken, qui est conservateur et historien à la Smithsonian Institution, a mis à jour ces informations sur son site web, www.brotherhoodofthebomb.com, en fournissant de nombreuses déclarations inédites de Haakon Chevalier, Gordon Griffiths et d’autres.
Comme indiqué plus haut, Gordon Griffiths était un camarade du Parti communiste aux côtés d’Oppenheimer à l’université de Californie à Berkeley, où « Oppy » était professeur de physique avant de rejoindre le projet Manhattan. Dans un extrait de ses mémoires non publiées, disponible sur le site web de Herken, Griffiths affirme que l’appartenance d’Oppenheimer au parti communiste doit être défendue, et non pas niée. « Ses défenseurs ont toujours vigoureusement nié qu’il ait jamais été membre du parti communiste et ont cherché à expliquer son association avec des causes de gauche en affirmant qu’il était naïf », écrit Griffiths, notant que « beaucoup d’énergie a été dépensée par des gauchistes bien intentionnés qui pensaient que c’était la seule façon de défendre son dossier ». « Mais le temps est venu de remettre les pendules à l’heure et de poser la question comme elle aurait dû l’être : non pas celle de savoir s’il fut ou non membre du parti communiste, mais celle de savoir si une telle appartenance devait, en soi, constituer un obstacle à l’exercice de ses fonctions à un poste de confiance. »
Griffiths est décédé en 2001, mais sa position a été adoptée par d’autres personnes qui voient les preuves s’accumuler contre leurs dénégations et qui veulent maintenant déplacer le débat. C’est le parti qu’ont pris Nolan et ses scénaristes. Dans son dédale confus des personnages et l’enchevêtrement des coupes sèches, on trouve des aveux, des dénégations et des explications trompeuses qui, dans l’ensemble, semblent avoir pour seul but de brouiller les pistes sur toute la question de sa relation avec le parti communiste et l’espionnage soviétique. En outre, l’un des aspects les plus malhonnêtes et les plus idéologiquement biaisés du film est la façon dont Nolan traite tous ceux qui suggèrent que les liens d’Oppenheimer font de lui un risque pour la sécurité. Les officiers de sécurité de l’armée, les agents du FBI et les fonctionnaires de la Commission de l’énergie atomique (CEA) sont présentés comme des imbéciles, des chauvins agitant leurs drapeaux et des escrocs malfaisants et vénaux, par opposition aux libéraux sophistiqués, érudits et bien-pensants de l’équipe Oppy.
Ce contraste est évoqué de manière élogieuse dans une critique de David Sims pour The Atlantic. Il dit de Nolan :
Il dépeint méticuleusement les audiences humiliantes de 1954 qui ont privé Oppenheimer de son habilitation de sécurité et ont mis au jour ses liens passés avec les communistes et sa vie amoureuse débridée. Un aspect plus audacieux, raconté en noir et blanc, suit l’ancien président de la Commission de l’énergie atomique, Lewis Strauss (le formidable Robert Downey Jr.), lors d’une audience de confirmation au Sénat pour un poste ministériel, en creusant la relation tendue et l’inimitié ultérieure de l’homme politique avec Oppenheimer.
La plus grande partie de l’histoire, montrée en couleur et centrée sur Oppenheimer, pétille d’énergie et de possibilités ; les séquences centrées sur Strauss sont lentes, frémissantes et obsédées par le passé, représentatives du conservatisme et de la paranoïa qui se sont cristallisés autour de la société atomique qu’Oppenheimer a contribué à créer.
Sims est l’un des rares critiques à avoir mentionné ce parti pris flagrant. L’idée qu’en retiendront probablement les téléspectateurs est la suivante : « Oui, Oppy était peut-être un peu communiste, d’une certaine façon, mais qu’est-ce que ça peut faire ? Le vrai problème, ce sont ces vicieux droitards qui voient un communiste sous chaque lit. » Il est difficile de croire que cette réaction n’ait pas précisément été voulue par le cinéaste.
Mais qu’en est-il de Lewis Strauss, si brutalement attaqué par Nolan ? Comme Oppenheimer, Strauss était juif, mais un juif religieux et pratiquant, et non un communiste athée comme Oppy. Alors qu’Oppenheimer naquit dans une famille fortunée, Strauss est né pauvre et a bâti sa propre fortune de plusieurs millions de dollars, qu’il a généreusement distribuée à des fins philanthropiques. Les deux hommes étaient membres du Council on Foreign Relations (CFR), mais l’anticommunisme de Strauss l’a mis en porte-à-faux vis-à-vis de l’élite du CFR, qui prit la défense d’Oppenheimer.
Pauvre Oppy. Il a été humilié et broyé par les auditions concernant son habilitation de sécurité ! Qu’en est-il des millions de Russes, de Finlandais, de Polonais, de Lituaniens, de Lettons et d’Estoniens qui ont été véritablement écrasés par le régime sanguinaire de Staline qu’Oppy et ses camarades ont servi ? Les victimes de Staline ont été torturées et exécutées ou envoyées au goulag ; Oppy a fait la couverture de Time et de Life, et il a été honoré à la Maison Blanche et dans les salons des « bons puissants ». Ne le pleurez pas et ne gaspillez pas votre argent en allant voir cette propagande mensongère.