Sept ans après son grand discours à la Sorbonne en 2017 où, jeune président, il traînait après lui tous les cœurs progressistes en leur parlant de « souveraineté européenne », Emmanuel Macron fait un bis, toujours à la Sorbonne, sur le thème de « l’Europe puissance ». Un coup de main à la tête de liste de Renaissance pour les prochaines européennes, Valérie Hayer, en pleine capilotade, alors que l’Europe, à la remorque des Etats-Unis, est incapable de s’extraire du bourbier ukrainien. Et alors que le despotisme de Bruxelles, quand il trouve à s’appliquer, sur l’immigration où l’énergie, mène le plus souvent au fiasco, à moins de s’avouer impotent. Macron, qui prétend stimuler le processus européen, voire en prendre la tête, n’en est que la mouche du coche. C’est conforme à la théorie et la pratique de ce processus, car le progrès de la souveraineté et de la puissance de l’Europe suppose le déclin de la souveraineté nationale et de la puissance présidentielle.
Les propositions de Macron pour la souveraineté de l’Europe
Et c’est ce transfert de souveraineté, et de puissance, qu’on a vu se faire depuis le discours de la Sorbonne en 2017. On en trouve une mesure très évidente et facile en consultant les initiatives qu’Emmanuel Macron a proposées alors et leur destin. Ses « échecs » et ses « succès » disent la même chose : il est efficace lorsqu’il sert le despotisme mondialiste, impotent dans le cas contraire. Il préconisait d’« instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement ». Bien sûr, cette usine à gaz n’a jamais vu le jour. Macron voulait aussi doter « le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des Etats-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle ». Résultat : nada. Il voulait » nouer un pacte d’avenir » avec l’Afrique. Résultat, nib de nib. Rien n’est sorti des parlotes de l’UE et de l’UA en 2022, et, en prime, les USA, la Russie et la Chine ont viré la France d’Afrique.
L’Europe coincée entre la puissance US et celle de la Russie
Tout ce qui aurait pu, par l’intermédiaire de l’Union européenne, contribuer à notre sécurité a également été oublié. Macron souhaitait un « traité de défense » pour définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens : augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives » (c’était l’époque où il jugeait l’OTAN « en état de mort clinique »). Il s’est passé à la fois exactement le contraire et quelque chose d’avoisinant. Il n’y a pas eu de traité de défense. Personne n’a défini d’« obligations indispensables ». Mais le voisin Allemand a pris son indépendance militaire à grands coups de milliards. La France a augmenté ses dépenses militaires, songe à étendre sa garantie nucléaire, « en lien » avec le Royaume-Uni (en contradiction avec la notion même d’Union européenne et d’Europe puissance). Le tout pour entrer dans une guerre très difficile et confuse en Ukraine et se soumettre ainsi aux « décisions collectives » prises par les Etats-Unis. Si l’on condamne l’invasion russe et sans être dupe de Poutine, on doit noter que la diplomatie occidentale et européenne a mené à un échec et que la « souveraineté européenne » s’oppose à la souveraineté nationale sans s’opposer aux prodromes d’une gouvernance mondiale.
Un système impotent face à l’invasion
L’analyse des « succès » des propositions faites par Macron en 2017 à la Sorbonne porte le même enseignement. En matière d’immigration il préconisait une réforme de l’espace Schengen et « une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure ». Résultat, le parlement européen, organe consultatif sans légitimité, a voté ce 10 avril un pacte sur l’asile et la migration complètement laxiste. Et une agence de l’Union européenne pour l’asile a été installée à Malte en 2022. Aucune surveillance coordonnée des frontières extérieures n’a été installée, et l’agence européenne FRONTEX est toujours plus impuissante, ce qui a d’ailleurs conduit Fabrice Leggeri, son ancien directeur général, à rejoindre la liste du Rassemblement national pour les élections européennes de juin.
Avec Macron l’Europe soumise au despotisme vert
Dernier point, non le moindre, le climat. Le prophète Macron proclamait : « L’Union européenne doit fixer son ambition – 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 – et adapter ses politiques à cette exigence. » Il fut partiellement entendu : Ursula von der Leyen, dans son discours d’investiture de président de la Commission européenne, chanta le « green deal » et reprit ces objectifs, qui furent adoptés par l’UE en 2021. Parce que cela va dans le sens du despotisme mondialiste et de son dogme anti CO2 qui entend imposer la « transition énergétique ». Mais toutes les dispositions qui auraient pu bénéficier aux Européens, et aux agriculteurs français en particulier, comme la « force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments » sont passées à l’as – puisqu’elles pourraient contribuer à la permanence des intérêts et des identités nationaux.
Macron prend la pose à la Sorbonne et en Europe
En somme Macron s’est comporté en préfet zélé d’un ordre mondial qui impose les thèmes à traiter et décide en fin de compte ce qui se réalise dans les « agenda », c’est-à-dire, en français, les programmes. Il a pleinement « réussi » dans le traitement politique du covid, il patauge dans le nucléaire. Selon le « politologue » euro-mondialiste Thierry Chopin interviewé par notre confrère l’Obs, l’image de Macron est celle « d’un président agissant en cavalier seul, alors même qu’il entend porter une impulsion stratégique collective. Cette image n’est pour autant pas spécifiquement nouvelle, dans la mesure où les dirigeants français se sont rarement distingués par leur humilité coopérative ». Dans le jeu des nations résiduelles qui constituent l’échelon européen de la gouvernance mondiale, les dirigeants français ont en effet une réputation « gaullienne » à tenir. Mais ce n’est qu’un jeu, comme le savent depuis plus de vingt ans ceux qui s’intéressent au fonctionnement réel des institutions européennes.
Des dirigeants impotents nécessaires au despotisme mondial
Une tribune parue dans le quotidien la Stampa le 13 juillet 2000 dit tout à ce sujet. Elle était signée par le président du Conseil italien d’alors, le socialiste Giuliano Amato, aujourd’hui juge à la Cour constitutionnelle italienne : « L’Union est à l’avant-garde de ce monde qui change : il désigne un avenir de princes sans souveraineté. La nouvelle entité n’a pas de visage, et ceux qui sont aux commandes ne peuvent être ni identifiés ni élus… C’est aussi de cette manière que l’Europe s’est faite : en créant des organismes communautaires sans donner aux organismes présidés par des gouvernements nationaux l’impression qu’ils étaient sujets d’un pouvoir supérieur… Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de remplacer cette méthode lente et efficace – qui garde les Etats nationaux libres de toute anxiété alors même qu’on les dépouille de leur pouvoir – par d’importants bonds institutionnels. C’est pourquoi je préfère aller lentement, émietter les morceaux de souveraineté petit à petit, en évitant les transitions brusques depuis le pouvoir national vers le pouvoir fédéral. » Tout était décrit et prévu par ce juriste prudent, y compris les ruades populistes actuelles provoquées par les impatiences de cornacs trop pressés. Le despotisme vétilleux de l’empire arc-en-ciel suppose un spectacle permanent de dirigeants impotents qui pérorent à propos de puissance et de souveraineté.