Au Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF 24) qui se tient du 5 au 8 juin, la gauche latino-américaine fait l’objet de toutes les attentions de Vladimir Poutine. L’objectif de cette 27e édition du forum organisé par la Russie n’a rien de secret : il s’agit de discuter du Nouvel Ordre Mondial en présence de plus de 18.000 participants venus de 139 pays et territoires. Car s’il est bien question de parler affaires et accords commerciaux, la dimension idéologique de la réunion à laquelle assiste Poutine est manifeste, notamment par le choix de représentants de pays socialistes d’Amérique latine pour discuter du thème de l’année : « Le fondement d’un monde multipolaire : formation de nouveaux points de croissance. »
Le ticket d’entrée par participant équivaut à 19.860 dollars…
Il y a un parallélisme entre la mondialisation par grandes régions promue dans des Forums similaires comme le Forum économique mondial perçus comme représentant le monde occidental sous « hégémonie » américaine, et la « multipolarité » également appuyée sur l’union des grandes régions du monde et l’intégration économique (on pense à l’Union économique eurasiatique, interlocutrice officielle au Forum). D’ailleurs, avant l’invasion de l’Ukraine, de nombreux leaders occidentaux comme Angela Merkel, Gerhard Schroeder, Shinzo Abe, Emmanuel Macron ont participé… Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’y est également rendu. Et même Klaus Schwab, en 2019…
Le Forum économique de Saint-Pétersbourg attire l’Amérique latine socialiste
On note cette année la présence d’une importante délégation du Nicaragua sandiniste – ou l’Eglise catholique fait actuellement l’objet de persécutions importantes. Laureano Ortega Murillo, fils du président Daniel Ortega, en est la figure la plus importante, aux côtés de sa mère, Rosario Murillo, qui est accessoirement vice-présidente du pays.
Le président bolivien, Luis Arce, a également fait le déplacement pour présenter au Forum son « modèle économique social communautaire productif » élaboré avec des économistes de gauche : il a capté au mois de mai le nom du « Movimiento al Socialismo » (mouvement vers le socialisme) dont son prédécesseur Evo Morales a porté les couleurs pendant sa présidence indigéniste de la Bolivie. Le pays vit aujourd’hui – mal – du soutien russe, chinois et iranien, pendant que sa compétitivité s’effondre et que le narcotrafic et la corruption prospèrent. Le président bolivien participera avec son homologue zimbabwéen à la conférence en plénière donnée par Poutine ce vendredi.
Poutine devait avoir une réunion en tête-à-tête avec Arce ce 6 juin : les deux hommes ne s’étaient parlé jusqu’à présent que par téléphone. Au menu : la demande de la Bolivie d’intégrer les BRICS et le « développement de la coopération bilatérale » avec la Russie. Arce a des arguments : la fourniture de ressources nucléaires et de matières premières pour les objets de haute technologie.
Cuba fait toujours partie des invités de marque, après avoir figuré parmi les délégations les plus nombreuses ayant assisté à l’édition précédente en 2023, avec la Chine notamment.
Le « Davos russe » 2024 entre Dilma Rousseff et Taliban
Le Brésil est représenté par son ambassadeur Rodrigo de Lima Baena Soares qui a pris la parole mercredi pour vanter les « relations économiques de plus en plus fortes » entre son pays et la Russie. Son pays fait partie des discussions sur la dédollarisation menées au Forum avec des pays comme le Nicaragua, Cuba, le Venezuela et d’autres pays des BRICS. L’ancienne présidente socialiste du Brésil, Dilma Rousseff, est également à Saint-Pétersbourg en tant que présidente de la Nouvelle banque de développement des BRICS.
L’édition 2024 du Forum économique de Saint-Pétersbourg est également marquée par la présence des Taliban d’Afghanistan, reconnus par Poutine dès qu’il prirent le pouvoir en 2021. Ils ont envoyé une délégation à l’invitation de Vladimir Poutine, selon panampost.com, nouvelle étape d’une « normalisation » qui a vu le gouvernement islamiste désigner un ambassadeur à Pékin et renforcer le dialogue avec Téhéran.
C’est le ministre du Travail Abdul Manan Omari qui a conduit la délégation afghane arrivée mercredi à Saint-Pétersbourg, flanqué du président de la Chambre afghane du commerce et de l’Industrie. Les Taliban viennent par ailleurs d’obtenir leur radiation de la liste des organisations terroristes établies par le Kremlin : « C’est la réalité objective », a commenté fin mai le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, tout juste revenu de tournée en Afrique (où il a notamment conclu des accords d’instruction militaire au Burkina Faso) pour assister au SPIEF 24.
Le Forum économique de Saint-Pétersbourg 2024 vente la réussite russe…
Plusieurs sessions sont consacrées à la réussite économique de la Russie malgré les sanctions (il est vrai très lacunaires) et qui la frappent depuis l’invasion de l’Ukraine. A en croire Sputnik, le « sud global » se tournerait actuellement vers ce nouveau « modèle économique » que serait devenu la Russie pour le reste du monde, expliquant le succès du SPIEF 24. L’analyste assure même que la Russie est désormais la quatrième économie mondiale devant l’Allemagne et le Japon en termes de PIB ajustée en terme de parités de pouvoir d’achat (PPA). Ce mode de calcul complexe qui tient compte du pouvoir d’achat à unité égale, s’il prend en considération le pouvoir d’achat par tête, montre pourtant la Russie très loin derrière la plupart des pays développés, quelque part entre la Turquie, la Malaisie et la Bulgarie, au 69e rang mondial. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut.