La Chine développe son arsenal nucléaire « plus rapidement que tout autre pays » et l’OTAN n’aime pas

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L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm a publié lundi ses conclusions dans son rapport annuel. Et de nouvelles données sur la Chine inquiètent l’OTAN : elle développe son arsenal nucléaire « plus rapidement que tout autre pays » et pourrait posséder autant de missiles balistiques intercontinentaux que les Etats-Unis ou la Russie d’ici à la fin de la décennie. L’organisation internationale se met à montrer ostensiblement les crocs, libérée d’une certaine manière par la guerre en Ukraine, car si les Etats-Unis tiennent toujours largement le haut du panier nucléaire, le rythme de cette course aux armements chinoise pourrait amoindrir sa force de dissuasion et préparer des offensives notables en mer de Chine méridionale – les responsables de Washington tirent la sonnette d’alarme depuis plusieurs années.

 

Nucléaire : la Chine déploie des ogives sur des missiles pour la première fois

Selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), Pékin possède désormais au moins 500 ogives nucléaires, contre 410 il y a un an. Ce qui fait craindre un arsenal montant jusqu’à 1.000 ogives nucléaires d’ici à 2030, alors qu’il y a seulement trois ans, en 2021, les hauts gradés américains parlaient seulement de 600 ogives nucléaires pour cette même année… La Chine va vite et déjoue les pronostics.

D’autre part, environ 350 nouveaux silos y sont actuellement en construction, toujours selon le SIPRI : un silo à missile est une construction souterraine, sous forme de puits, depuis lequel un missile, notamment de longue portée, peut être rapidement lancé. Le gouvernement communiste a bâti un gigantesque réseau souterrain sous l’ensemble du territoire chinois, pour transporter son arsenal nucléaire et relier ses silos.

« Pour la première fois, la Chine pourrait également déployer un petit nombre d’ogives nucléaires sur des missiles en temps de paix [24 a priori]. Selon la manière dont elle décidera de structurer ses forces, la Chine pourrait potentiellement posséder au moins autant de missiles balistiques intercontinentaux que la Russie ou les Etats-Unis d’ici à la fin de la décennie, même si son stock d’ogives nucléaires devrait rester bien plus restreint que le stock de l’un ou l’autre de ces deux pays », affirme le SIPRI.

 

L’OTAN avertit contre la Russie et la Chine

La Chine est fidèle à ses ambitions. Comme le rappelait The Telegraph, Xi Jinping a donné pour instruction à l’Armée populaire de libération (APL) de devenir une armée de classe mondiale d’ici à 2049 et d’être capable de s’emparer de Taïwan par la force, si nécessaire, d’ici à 2027. L’arsenal nucléaire est un élément fondamental. Pékin n’a d’ailleurs jamais vraiment déclaré sa taille, même si elle a toujours promis de respecter le principe du « non-recours en premier » aux armes nucléaires, c’est-à-dire rejette la prise d’initiative tout en conservant la possibilité de répliquer.

Mais les responsables occidentaux estiment que Pékin a adopté une posture agressive : le Pentagone estime depuis 2022 qu’elle est passée à une stratégie de « contre-attaque d’alerte précoce », dans laquelle elle lancerait rapidement ses missiles nucléaires avant qu’un adversaire n’ait la chance de les détruire. Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a émis, dans une interview exclusive avec The Telegraph, un avertissement sévère sur la menace posée par les armes nucléaires à la fois de la Chine et de la Russie.

Le SIPRI, cependant, le reconnaît : dans la quasi-totalité des neuf Etats dotés de l’arme nucléaire dans le monde, on observe des projets ou des efforts significatifs pour accroître les capacités existantes. Et la Chine est très loin des stocks amassés par les Etats-Unis et la Russie qui cumulaient, respectivement, en janvier 2024, 5.044 et 5.580 ogives nucléaires, soit environ 90 % du stock mondial total… En octobre dernier, la Chine avait d’ailleurs réaffirmé que son arsenal nucléaire, « modeste », servait uniquement à son auto-défense, et que « les Etats-Unis [étaient] le pays doté de l’arsenal nucléaire le plus vaste et le plus avancé au monde ».

 

« Une augmentation d’année en année du nombre d’ogives nucléaires opérationnelles »

« Nous n’avons pas vu les armes nucléaires jouer un rôle aussi important dans les relations internationales depuis la guerre froide », a déclaré le directeur du programme d’armes de destruction massive du SIPRI. Les tensions se succèdent, la course aux armements s’amplifie – nous en parlions déjà en 2018.

La Russie a annoncé en février 2023 qu’elle suspendait sa participation au traité New Start de 2010, qui limitait la taille des arsenaux nucléaires russe et américain, au motif que ses inspecteurs ne pouvaient plus se rendre sur les sites militaires des Etats-Unis, faute de visas… Et le chef de l’OTAN vient de déclarer au Telegraph que l’organisation est en pourparlers pour un potentiel déploiement de missiles. La transparence est une autre manière de montrer les crocs – les crocs de l’OTAN.

« L’objectif de l’OTAN est bien sûr un monde sans armes nucléaires, mais aussi longtemps que les armes nucléaires existeront, nous resterons une alliance nucléaire, car un monde dans lequel la Russie, la Chine et la Corée du Nord possèdent des armes nucléaires, et dans lequel l’OTAN n’en a pas, est un monde plus dangereux », affirme Stoltenberg. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé ce lundi des propos selon lui inadmissibles, « rien d’autre qu’une escalade des tensions ». La guerre en Ukraine est une justification parfaite de part et d’autre…

Jens Stoltenberg a particulièrement insisté sur la Chine qui développe à marche forcée son propre arsenal, et là, sans aucune transparence. Une toute nouvelle étude de l’Information Technology & Innovation Foundation, un institut de recherche non partisan basé à Washington, révélait ce lundi qu’en matière d’énergie nucléaire de haute technologie, les Etats-Unis avaient jusqu’à 15 ans de retard de développement sur la Chine.

Les Etats-Unis possèdent sans doute le plus grand parc de centrales nucléaires au monde, mais depuis la mise en service de deux grandes centrales en Géorgie en 2023 et 2024, avec des milliards de dollars de dépassement du budget et des retards de plusieurs années, aucun réacteur nucléaire américain n’est en construction, note le média NewsMax. La Chine compte, elle, 27 réacteurs nucléaires en construction avec des délais de construction moyens d’environ sept ans, bien plus rapides que d’autres pays. Et l’Etat communiste soutient activement cette industrie nucléaire civile.

 

Clémentine Jallais