Un accord franco-américain sur l’indemnisation de victimes de la Shoah sera modifié, à la demande des parlementaires français, pour supprimer une formule qu’ils considèrent litigieuse. Tout en reconnaissant le bien-fondé de leur demande, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française a invité les parlementaires à approuver rapidement le texte de cet accord d’indemnisation.
« Je voudrais redire l’importance de cet accord et la nécessité qu’il puisse être approuvé et mis en œuvre rapidement. C’est une mesure de justice à l’égard de gens qui ont beaucoup souffert », a ainsi déclaré Laurent Fabius devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale.
L’accord franco-américain sur l’indemnisation de victimes de la Shoah
De quoi s’agit-il ? D’un accord, signé à Washington le 8 décembre dernier, et qui prévoit la mise en place d’un fonds de 60 millions de dollars réuni par la France, mais géré par les autorités américaines. Il devrait être ouvert aux victimes de la Shoah (ou, compte-tenu du temps qui passe, à leurs descendants) qui sont ressortissants des Etats-Unis ou d’autres pays non couverts par d’actuels programmes d’indemnisation français. En échange, on oublierait certaines procédures en cours contre l’Etat français et la SNCF, pour son implication dans la déportation… Et c’est là – parce que personne, parmi les parlementaires, ne conteste le principe de cette indemnisation – que le bât commence à blesser !
Certains parlementaires, notamment de droite, dénoncent, sur le sujet, la position de faiblesse qui est imposée à la France. « On glisse, note ainsi Pierre Lellouche, député Républicains de Paris, d’une logique d’indemnisation à celle de réparations de guerre, comme si la France avait figuré dans le camp des vaincus. »
En outre, poursuit-il, « la République française n’est en aucun cas l’Etat successeur de l’Etat français de Vichy ». Et, si elle « peut reconnaître les crimes de Vichy », elle « ne peut pas être considérée comme débitrice, coresponsable de ces crimes ».
Les états d’âme des parlementaires
Or, le texte de l’accord qui était proposé à leur vote le 27 mai dernier évoquait « le gouvernement de Vichy », sans autre précision. D’où la réaction de certains députés membres de la commission.
Laurent Fabius leur a donc répondu mercredi en rappelant la jurisprudence du conseil d’Etat, selon laquelle elle reconnaît, sur cette question, « une responsabilité de l’Etat ouvrant droit à indemnisation pour des “actes ou des agissements de l’administration française qui ne résultaient pas d’une contrainte directe de l’occupant” ayant permis ou facilité la déportation de France ».
Cela dit, le chef de la diplomatie française n’entend pas reconnaître quelque lien que ce soit avec l’Etat français. Aussi a-t-il entrepris de faire modifier le texte par les Américains.
« J’ai fait saisir les autorités américaines d’une demande de suppression de cette référence sur le fondement de l’article 79 de la convention de Vienne sur le droit des traités, explique-t-il. L’idée est de maintenir le fond de l’accord mais de faire sauter cette référence qui se verra substituer la formule “l’autorité de fait se disant gouvernement de l’Etat français”. Cette démarche assurera la modification du texte sur ce point. »
On pourrait rétorquer que, pas plus que les parlementaires actuels ne veulent être tenus pour appartenir au camp des vaincus de la dernière guerre, leurs prédécesseurs de l’époque ne l’auraient accepté, qui subissaient, comme les Français, et comme le gouvernement de l’Etat français, une occupation dont il faut bien se rappeler la réalité.
L’histoire contredit Laurent Fabius
Mais il y a bien pire ! Car Laurent Fabius, pour arranger cette délicate question, se permet de réécrire l’histoire. En effet, en évoquant « l’autorité de fait se disant gouvernement de l’Etat français », le ministre des Affaires étrangères commettrait-il un faux – et usage de faux ?
A-t-il jamais su – ou oublie-t-il sciemment – que ce gouvernement a été nommé par le maréchal Pétain, lequel avait reçu, à cet effet, les pleins pouvoirs de l’Assemblée nationale ? Et ce, à une écrasante majorité des voix, dont de nombreuses voix socialistes…
Les pleins pouvoirs, cela signifiait, entre autres, la possibilité, pour le maréchal Pétain, de promulguer une nouvelle Constitution. Et le texte ainsi adopté sur décision de la représentation nationale fut signé par le président de la République Albert Lebrun.
On peut critiquer, évidemment, critiquer l’Etat français. Mais on ne peut écrire et déclarer qu’il fut illégitime, sauf à contredire l’histoire.
Certes, cette pratique est devenue habituelle à nos politiciens qui veulent conformer l’histoire au politique correct. Mais il ne faut pas abuser du système. Ou de l’idéologie.