Contraception forcée : des femmes du Groenland exigent une indemnisation

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C’est une vieille histoire de progrès qui revient en boomerang. Cela remonte à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. Les trente glorieuses. Le progressisme malthusien. La bombe P (pour population). Le taux de natalité du Groenland semble alors trop élevé aux experts pour permettre son bon développement. Le territoire est danois et des médecins venus de Copenhague vont donc y pratiquer une contraception systématique sur les autochtones, dans leur intérêt présumé, avec le consentement de quelques-unes seulement, semble-t-il. Aujourd’hui, les femmes forcées à ne plus avoir d’enfant exigent leur indemnisation. Autre temps, autres mœurs.

 

Groenland des sixties : Boom et contraception

Tout commence en 1953, quand le Groenland est déclaré partie intégrante du Danemark. La métropole y lance alors des investissements importants pour le « mettre à niveau », dans les infrastructures et les services. Il y envoie de nombreux techniciens, surtout des hommes. Avec la prospérité, en quelques années, le taux de natalité monte au plus haut et 25 % des naissances ont lieu hors mariage. Pour réguler le phénomène, une politique de contraception d’ampleur est lancée. Quand une femme inuite vient de donner naissance à l’hôpital, on lui pose un stérilet, et quand elle vient pour une simple visite médicale, on lui en impose un aussi. Ce n’est un secret pour personne et cela fonctionne vite. En 1972, le journal du planning familial salue un « grand succès ».

 

Forcées parce que jugées inférieures ?

Le drame, semble-t-il, est que la pédagogie aurait été mal faite et qu’apparemment les femmes aient rarement donné leur consentement. C’est du moins ce qu’on prétend aujourd’hui que la question est devenue politique : la campagne « progressiste » des années soixante est devenue « paternaliste et raciste ». A l’époque, le ministre du Groenland affirmait au parlement danois la nécessité « d’accentuer les efforts » pour réduire la natalité et ainsi « améliorer les conditions de vie ». Aujourd’hui, on relève que les médecins danois ont choisi la pose subreptice de stérilet parce qu’ils jugeaient les Inuites incapables d’utiliser la capote ou la pilule. Elles auraient ainsi été forcées et trompées parce que jugées inférieures.

 

Enquête en 2025, indemnisation tout de suite !

L’enquête du gouvernement danois rendra son rapport définitif en 2025, mais les victimes présumées veulent leur indemnisation (elles ont lancé une action pour cela) dès maintenant. Cela pour une raison simple, elles vieillissent : « Les plus âgées d’entre nous, qui ont reçu leur stérilet dans les années soixante sont nées dans les quarante. On arrive à quatre-vingts ans. » Ce qui est instructif, c’est qu’avec deux conceptions différentes et antagonistes de ce qui est juste, et toujours avec la certitude satisfaite d’avoir raison, aucun des deux progressismes ici confrontés l’un à l’autre ne remet en question le dogme de la régulation des naissances. Ni ne prend garde que le stérilet est un « contraceptif » dont les effets ressemblent beaucoup à un mini-avortement.

 

Pauline Mille