Accord historique entre
Dupont-Aignan et Marine Le Pen :
une politique humaniste de normalisation du populisme

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L’accord de gouvernement signé par Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen est une rupture historique du front républicain : ce n’est pas un acte de courage politique individuel, cela entre dans une stratégie humaniste de normalisation mondiale du populisme.
 
Nicolas Dupont-Aignan a fait poireauter ses fans et le Paris des observateurs politique pendant près d’une semaine avant d’annoncer son ralliement à Marine Le Pen au deuxième tour, accompagné d’un « accord de gouvernement » qui lui vaudra le poste de premier ministre si elle est élue. Cet accord, qui a fait couiner chez les Républicains et au centre, de Bayrou à Juppé et de Pécresse à Raffarin, a été perçu comme « un tournant dans l’histoire du Front national » par les spécialistes du comportement électoral, notamment le sociologue Vincent Tiberj, et il est en effet historique.
 

Un accord historique qui rompt trente ans de front républicain

 
Il rompt avec trente ans de front républicain, depuis « l’interdit » prononcé par Bernard Henri Lévy en 1985 et le « cordon sanitaire » installé par Jacques Chirac en 1986 pour mettre fin à la porosité naturelle entre le FN et la droite, dans laquelle beaucoup voyaient alors, deux ans après les manifestations pour l’Ecole libre, le socle d’un accord. Depuis lors, et malgré le « ni ni » de Sarkozy, malgré quelques accords locaux pour certaines régionales, la droite républicaine s’était toujours tenue au front républicain voulu par François Mitterrand. Cela valut à Chirac sa défaite de 1988 et sa victoire de 2002, à la gauche son humiliant suicide aux régionales de 2015 en PACA et Nord-Pas-de-Calais, enfin à la droite sa disparition après de premier tour de cette élection présidentielle. La décision de Nicolas Dupont-Aignan est donc en effet historique.
 

Dupont-Aignan ne demande pas d’argent à Marine Le Pen

 
Reste à l’interpréter. Certains, comme Emmanuel Macron, y voient une « clarification », la recomposition d’une « droite réactionnaire et eurosceptique », associé à une affaire d’argent : n’ayant pas atteint 5 % à la présidentielle, Dupont-Aignan cherche des fonds pour rembourser sa campagne, et le Front national pourrait l’y aider, notamment par un accord aux législatives qui lui permettrait d’avoir suffisamment de voix pour que croisse substantiellement la subvention versée par l’Etat à son parti Debout la France.
 
Trois faits au moins s’opposent à cette hypothèse. D’abord, un accord avec les Républicains aurait été plus rentable pour Dupont Aignan et plus facile étant donné sa position politique et ses réseaux. Ensuite, un tel accord aurait été moins coûteux : après son choix pro-Le Pen, le vice président de Debout la France, Dominique Jamet, a démissionné, et le rédacteur de son programme aussi. Ce que Dupont-Aignan apporte en cadeau de noces à Marine dans cette prétendue « recomposition » est donc très peu et très fragile. Enfin, surtout, l’une des conséquences de l’accord est le retrait de la sortie de l’Euro du programme de Marine Le Pen : cela ne va pas dans le sens d’une « droite anti européenne », mais disons-le clairement, dans un sens qui doit inquiéter Macron parce qu’il se sent concurrencé (et lâché s’il commet une faute ?) : dans celui que souhaite le mondialisme humaniste.
 

Quel est l’intérêt politique d’un gaulliste humaniste ?

 
Dupont-Aignan lui-même, qui disait hier pis que pendre sur le Front national et Marine Le Pen, coupables de tous les « excès », qui renvoyait dos à dos « les extrêmes et le système », présente l’accord qu’il a « négocié » comme un sacrifice politique. La France étant à la croisée des chemins, il a décidé d’enterrer les querelles passées et « d’évoluer » à condition qu’elle évolue aussi.
 
« Nous avons signé un accord de gouvernement avec une évolution de son programme, des éclaircissements, des ajouts de mon projet présidentiel », a-t-il précisé.
 
Selon lui la chose lui a coûté : son « intérêt personnel, l’intérêt du parti aussi » aurait été de ne pas donner de consigne de vote. Sur ce point, il a raison, les études semblent converger pour dire que les intentions de vote de ses électeurs du premier tour se répartiraient à parts égales à peu près entre Marine Le Pen et Macron.
 

Dupont-Aignan, bénéfice électoral faible pour le populisme

 
Il est vrai que le risque politique pris par Dupont-Aignan semble énorme. Toute la classe politique lui tombe dessus. Mais que pèsera-t-elle demain ? Il est vrai aussi que son bénéfice politique semble maigre. A moins que Marine Le Pen ne soit élue, ce qui est possible, mais pas encore le plus probable, que peut-il attendre d’autre à court terme qu’un peu d’argent et quelques voix qu’il aurait plus facilement trouvés ailleurs ?
 
Du côté de Le Pen, le gain est minime en apparence aussi. On peut penser que 40 % des 1.700.000 électeurs de Dupont Aignan au premier tour se reporteront sur elle au deuxième, mais la plupart l’auraient fait d’eux mêmes, et ceux qui suivront la consigne de leur candidat doivent se compter en dizaines de milliers, que Marine Le Pen perdra peut-être, et avec intérêt, du côté de Mélenchon ou des abstentionnistes antisystème. Alors ?
 

Sous la révolte apparente la normalisation humaniste

 
Alors on est dans le symbole et dans l’investissement. Que va-t-elle dire effet à ses partisans après cet accord de gouvernement ? Que sa stratégie de dédiabolisation commence à marcher. Sans doute le système dans son ensemble lui barre-t-il la route par les moyens habituels. Mais une droite hors les murs (Marie France Garaud, Christian Vanneste, le CNIP et Dupont Aignan) commence à braver l’interdit pour la rejoindre. On revient à petits pas à 1986.
 
De son côté Dupont-Aignan vend à ses partisans l’intérêt supérieur de la France. Mais il n’omet pas d’envoyer les signaux nécessaires au système. Lui qui s’est toujours réclamé d’un « patriotisme humaniste sans xénophobie », et qui au soir du premier tour se décrivait comme « humaniste et républicain », a réitéré, en annonçant l’accord de gouvernement signé avec Marine Le Pen sa qualité de « gaulliste humaniste ». Autrement dit, je dîne peut-être à celle qui vous paraît le diable, mais ma cuiller est longue et je reste des vôtres, contrairement aux apparence j’œuvre à la normalisation.
 

Marine Le Pen cible type de la politique humaniste

 
De son côté Marine Le Pen a parlé pour qualifier l’accord « d’alliance patriote et républicaine ». En d’autres termes, elle « évolue » dans le « bon » sens, dans le sens voulu par le système. Pendant des décennies, le mondialisme humaniste a choisi devant le populisme la stratégie du containment, consistant à l’exclure de tout organe de gouvernement et même de certains organes de représentation. Mais la colère populaire monte dans le monde d’une telle façon qu’une autre politique prend forme, notamment avec Trump et le Brexit : la normalisation succède ou s’ajoute au dénigrement. Autrement dit, le « sortisme » ne suffit pas pour maîtriser le populisme, il faut le contrôler de l’intérieur par l’entrisme. On assiste aujourd’hui à la même chose avec Marine Le Pen. Elle n’a jamais trop été accro à la doctrine et sa formation intellectuelle est minime, mais elle a de l’allant et le goût du pouvoir : c’est donc le sujet idéal d’une normalisation par pression et influence.
 

Dupont-Aignan, roi du pétrole et des cœurs au FN

 
Déjà Philippot et ses réseaux homos ont été un premier pas vers la normalisation. En matière de « réformes sociétales », et en matière de compatibilité avec le « gaullisme ». L’arrivée de Dupont-Aignan accentuera le mouvement d’une façon décisive. L’homme était arrivé au bout de son parcours, il n’avait nul espace politique de croissance entre la droite parlementaire et le FN car ses attaques contre Marine indisposaient les électeurs du FN : en se ralliant, il fait fondre les cœurs qui le détestaient, il trouve un public inespéré, et il va pouvoir peser de tout son poids, comme Philippot l’a fait avant lui. Il vole au devant de la victoire, aujourd’hui si cela se trouve, plus probablement demain, mais dans une intention sainte. Dupont-Aignan, c’est le plan B du mondialisme humaniste. Ce n’est pas, comme il veut le faire croire, le traître magnifique au système, mais son cheval de Troie. La fameuse dédiabolisation du FN est le nom avantageux que Marine Le Pen a trouvé pour faire passer aux yeux du peuple sa normalisation progressive. Si j’étais Philippot, je ferais attention maintenant à « sauver (mes) fesses », pour reprendre le vocabulaire de Marion Maréchal Le Pen.
 

Pauline Mille