Si l’heure est à l’économie dans de nombreux ministères fédéraux allemands, il est un domaine où les dépenses vont pouvoir augmenter de manière significative : celui de l’assistance aux migrants, sous toutes ses formes. C’est ce qu’a fait comprendre le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, en pleines négociations budgétaires avec ses partenaires au sein de la coalition au pouvoir. La crise des réfugiés et « le financement des mesures d’accompagnement sont la priorité du gouvernement fédéral » qui leur accorde « la plus haute importance », tout le reste de la politique « doit y être subordonné », a-t-il écrit à ses collègues. Alors que le budget fédéral affiche actuellement des réserves de 13 milliards d’euros, la portée de son choix est décidément importante.
L’Allemagne renoncera à des projets dont le gouvernement avait promis la réalisation pour mieux ; les arbitrages budgétaires favoriseront systématiquement les ministères pouvant apporter la preuve que leurs dépenses bénéficient aux migrants.
13 milliards d’euros en réserve : le gouvernement fédéral allemand veut les dépenser pour les migrants
Mais l’importance de la cagnotte crée une naturelle avidité, chacun se bousculant pour montrer que son ministère est justement en première ligne pour la résolution de la crise. Un milliard a déjà été dégagé pour financer, en 2016, l’intégration des migrants par des cours de langue. Les demandes des autres ministères affluent. Le chrétien-démocrate Schäuble craint les dérapages : « Nous, en tant que gouvernement fédéral, poussés à vouloir agir aussi rapidement que possible, nous risquons de perdre de vue l’efficacité. » Il appelle ses collègues à davantage de « discipline ».
Leur tentation ? Celle de croire à un nouvel « âge d’or », comme le souligne une source gouvernementale, et c’est d’autant plus gênant politiquement que le rejet de l’immigration massive est de plus en plus répandu parmi la population.
L’appel à l’augmentation de la dépense publique a du moins le mérite de mettre un peu mieux en lumière le coût de la crise des migrants et celui de la décision du chancelier Angela Merkel d’accueillir des réfugiés par centaines de milliers.
Andrea Nahles, ministre du Travail, réclame un demi-milliard par an pour financer les 100.000 « emplois à 1 euro » qu’elle veut mettre en place pour les migrants : de lourdes subventions pour permettre aux employeurs d’embaucher de nouveaux salariés à un euro de l’heure, la différence avec le salaire horaire minimum de 8,50 euros étant à la charge du contribuable. Une préférence étrangère lourde de conséquences…
Pour Wolfgang Schäuble, ministre des Finances de l’Allemagne, les migrants sont prioritaires
Le ministère de la Famille, piloté par Manuela Schwesig (SPD) veut des fonds pour prendre totalement en charge les familles de migrants, avec un accueil complet de jour dans les écoles et la garde des enfants en âge pré-scolaire. L’addition s’annonce considérable : deux milliards.
L’inventivité des ministères est sans bornes. Si certains commettent l’erreur de demander de l’argent pour ce qu’ils estiment être les besoins du pays – les infrastructures routières par exemple – d’autres savent formuler leurs souhaits de manière mieux ciblée. Le ministre de la Justice, Heiko Maas (SPD) réclame 20 millions d’euros pour sensibiliser les réfugiés aux droits et à la protection des consommateurs. Manuela Schwesig se verrait bien attribuer une enveloppe de 50 à 100 millions en faveur d’un programme de promotion citoyenne, « Démocratie en direct, action contre l’extrémisme de droite, la violence et la haine ». Elle aurait d’ailleurs de bonnes chances de l’obtenir, selon Die Welt.
A quoi s’ajoutent des demandes plus directement liées à la présence d’une population nombreuse, déracinée et déshéritée : Alexander Dobrindt, ministre des Transports, souligne qu’il a besoin de davantage de fonds pour assurer le transport des réfugiés, par rail ou par car. Gratuit, bien entendu. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, veut un demi-milliard de plus pour la police fédérale. On ne sait pas si ce sera assez.
On sait en revanche que les tensions risquent de coûter cher à Angela Merkel en termes de soutien politique. Schäuble doit boucler ses arbitrages avant le 23 mars ; après, le risque n’est pas nul de l’organisation d’un vote de confiance où Mme Merkel aura à sa gauche, les partisans du « toujours plus » pour les migrants, et à sa droite, ceux qui alignent les coûts de la crise, visibles et cachés, financiers et humains.