Richard Spencer, théoricien de l’alt-right (« droite alternative ») aux Etats-Unis vient de faire des déclarations sur l’avortement prouvant que la nouvelle droite américaine est tout sauf chrétienne et provie. C’est ce qu’on peut lire dans un vigoureux éditorial publié par LifeSiteNews sous la plume de Jonathon van Maren. Un bref coup d’œil sur son site, altright.com – avec notamment cette mise en garde contre la « tentation provie » – permet de voir quelle est l’orientation de cette tendance politique fascinée par la race blanche, la force, et une bonne dose de folklore identitaire nietzschéen.
Une certaine droite française se passionne pour le mouvement américain de l’« alt-right » qui se raccroche, en se donnant des airs de locomotive, à la victoire de Donald Trump dont il se présenterait volontiers comme le théoricien. On a pu lire ainsi dans Présent, le 17 février dernier, un entretien avec le diplomate croate Tomislav Sunic, un homme qui connaît bien le leader, Richard Spencer. Sunic présente l’éditeur et le meneur politique comme un véritable opposant du « Système ». Spencer, qui a selon lui « subi l’influence considérable » d’Alain de Benoist, notamment, est, comprend-on, diabolisé par les grands médias. Richard Spencer, décrit comme « suprémaciste blanc » par ces médias, apparaît dans l’entretien comme l’ombre derrière le média Breitbart et son fondateur Steve Bannon, et Trump.
L’alt-right proclame sa haine du combat provie
Interrogé sur ce fait, Sunic répond, l’air de rien : « Officiellement non. Le site Breitbart dirigé par Stephen Bannon, qui fut d’autre part le chef de la campagne présidentielle de Trump, doit garder une dose d’autocensure, et évidemment prendre officiellement ses distances vis-à-vis de l’Alt-Right. Il n’empêche que Bannon et l’actuel président Trump ont été accusés par les grands médias de sympathies fascisantes, d’être complices de l’Alt-Right de Spencer, et même d’avoir normalisé dans leurs discours l’ascendance médiatique des “supremacistes blancs” et autres bêtes immondes blanches. »
Entre les « officiellement non » et les « accusés de » on s’y perd un peu, mais le cœur y est : les alt-right et leur leader Richard Spencer – éditeur en anglais du « Raspoutine de Poutine », le gnostique Alexandre Douguine, théoricien de l’eurasisme – sont présentés comme les têtes pensantes derrière le pouvoir américain actuel. Il est évidemment permis de rester sceptique. Ce qui est sûr, c’est qu’on est face à une mouvance qui rejette ouvertement, tout comme la Nouvelle droite, l’héritage catholique pour aller puiser plus loin dans l’obscurité assumée d’une force occulte venue des âges et transmise par la maçonnerie.
Dans son éditorial de LifeSite, van Maren accuse Spencer de vouloir s’accaparer le mouvement conservateur en chantant les louanges de Trump, tout en promouvant les « bizarres théories raciales qui ont donné naissance au Troisième Reich ». Danger !
La nouvelle droite version Etats-Unis ne conçoit la vie que par rapport à la communauté
Dans une récente vidéo, Spencer est venu au secours de Tomi Lahren, l’étoile montante des médias trumpistes qui a choisi The Blaze pour expliquer pourquoi elle est « pro-choix » : « Je suis pour le gouvernement restreint, alors je ne peux pas me tenir ici de manière hypocrite en disant que je suis pour le gouvernement restreint, mais que le gouvernement doit décider ce que les femmes doivent faire de leur corps. Ne touchez pas à mes armes, et vous pouvez également éviter de toucher à mon corps. » La défense de l’avortement par Lahren est particulièrement stupide : comme si l’interdiction de tuer relevait de l’étatisme.
La blonde Tomi a bien plu à Spencer qui voit en elle le possible « espoir » de l’alt-right. Et d’expliquer que certains membres de son mouvement veulent croire que la « croisade contre l’avortement est essentiellement traditionaliste, visant à faire prendre aux femmes la responsabilité de leurs enfants, histoire d’obliger les femmes à devenir mères qu’elles le veuillent ou non. » « Il me semble que lorsque nous pensons à l’avortement nous pensons souvent à ces femmes carriéristes qui sans lui feraient partie d’une famille mais qui préfèrent se faire avorter par égoïsme et cupidité. Il n’en est rien. Ces femmes de carrière, très intelligentes, se feront avorter à l’occasion, mais pour être honnête, elles ont recours à la contraception et elles évitent la grossesse, voilà ce qu’elles font… Les gens qui se font avorter sont très souvent noirs ou hispaniques, ou de milieux très pauvres, pour être honnête. »
L’alt-right de Richard Spencer justifie la contraception… pour les Latinos
Et ce serait donc moins grave. La preuve ? La suite de la vidéo :
« Et ainsi la croisade anti-avortement devient cette croisade pour les “droits de l’homme”. Et si vous regardez ce qu’écrivent des gens comme Ramesh Ponnuru (National Review) tout cela est directement associé avec ceci… Que chaque être qui est humain à un droit à la vie et ainsi de suite. Et bien, ce n’est pas notre manière de penser, à nous identitaires, pour être honnête. Vous faites partie d’une communauté, vous faites partie d’une famille, vous faites partie d’un collectif. Vous n’avez pas un quelconque droit de l’homme, une chose abstraite qui vous aurait été donnée par Dieu ou par le monde ou quelque chose comme cela. Vous faites partie d’une communauté et c’est là que vous prenez sens et d’où viennent vos droits. La croisade anti-avortement est souvent associée avec la famille, la famille traditionnelle, mais pour être honnête cela s’est dégradé non seulement en dogme des droits de l’homme mais dans une sorte de dogme dysgénique du genre “nous sommes le monde”. »
Derrière le délire, on devine le totalitarisme. Pour l’alt-right, il n’y a pas de droits individuels et d’ailleurs il n’y a pas de Dieu, observe van Maren. Et il rappelle opportunément le sens du mot dysgénique : « C’est la promotion de caractéristiques indésirables par la licence donnée aux “spécimens inférieurs” de se reproduire. »
La « tentation provie » et les mouvements chrétiens rejetés par Richard Spencer
Notant avec désapprobation que la « propagande provie » dénonce le « génocide des Noirs », Richard Spencer affirme que pour les « alt-right ou identitaires », il est impossible d’aborder la question dans une optique binaire, « bien-mal ».
« Il nous faut envisager la question de l’avortement d’une manière complexe, comme la question le mérite », explique-t-il. Sa démonstration est étrange. Il pense que la contraception a eu de mauvais effets pour le monde et s’explique ainsi : « Les gens intelligents ont recours au planning familial parce que naturellement ils décident sur le long terme… ils ne vont pas simplement avoir des relations sexuelles sans capote et provoquer des grossesses, etc. En un sens la contraception a été terriblement dysgénique car seules les personnes intelligentes s’en servent vraiment. Les gens intelligents utilisent l’avortement dans une situation comme la trisomie 21 ou lorsque la santé de la mère est menacée. Je dirais que ce sont les gens inintelligents et les Noirs et les Hispaniques qui utilisent l’avortement comme moyen de contrôler les naissances, une sorte de contraception tardive. »
Traduisez : le problème de la contraception, c’est qu’elle n’est pas employée par ceux qui devraient l’employer. Mais les Blancs sont tellement intelligents qu’ils en arrivent à ne pas remplacer leur propre population…
Les alt-right aux Etats-Unis fascinés par Douguine et de Benoist
De fait, Richard Spencer affirme expressément que « nous devons reconnaître ce potentiel, à la fois pour le bien et pour le mal au sein de la contraception elle-même : elle peut être d’un très grand avantage pour notre peuple, pour notre race, ou bien elle peut être d’une très grande nocivité. La contraception a été très nocive car précisément les gens qui ne devraient pas y avoir recours l’utilisent. Nous voulons que les gens intelligents aient plus d’enfants. Et j’aimerais bien parfois que les gens intelligents prennent un peu plus de risques. Ne planifiez pas. N’utilisez pas le préservatif. Ce que je dis, au fond, c’est que l’avortement est une question beaucoup plus compliquée que cette logique binaire du bien ou du mal que veulent utiliser le mouvement provie et le mouvement chrétien. Nous devons être plus adultes qu’ils ne le sont. »
Et il enfonce le clou : « Nous devons reconnaître que le mouvement provie n’est pas l’alt-right, qu’il n’a rien de commun avec les identitaires, et je crois que nous devons vraiment nous méfier de ceux qui pensent en termes de droits de l’homme et qui s’intéressent à l’adoption d’enfants africains pour les amener dans ce pays et qui se font embobiner par ce discours. Nous voulons être un mouvement qui s’intéresse aux familles, et à la vie au sens le plus profond, pas simplement les “droits” mais vraiment la vie en grand, la grandeur, et les belles familles, florissantes, productives. Nous voulons être eugéniques au sens le plus profond du mot. Les provie veulent être des promoteurs bruyants des droits de l’homme multiraciaux, radicalement dysgéniques, égalitaires – nous ne nous reconnaissons pas en eux. »
Ne pas comprendre qu’il s’agit là d’une glorification de la race, de la race blanche et d’ailleurs de la race blanche sans scories comme les trisomiques, c’est se leurrer sur les objectifs de l’alt-right – et oublier ce que signifie, à l’inverse, être chrétien. Voilà la contraception et l’avortement justifiés pour autant qu’ils contribuent à diminuer le nombre des non-Blancs…
Jeanne Smits