Le fossé se creuse entre ceux qui parlent, qui signent, qui réclament. Et cette tête de l’Église qui reste coite, apportant pour toute réponse, l’officialisation d’une lettre privée qui confirme un accès possible à la communion pour les divorcés/remariés, via le fameux chapitre VIII. Le pape François ne semble rien vouloir ajouter : deux ans après la conclusion du deuxième Synode sur la Famille, le flou demeure, entretenu et « consacré », oserait-on dire. Et pourtant, les prélats se succèdent pour souligner la « confusion » gravissime que génère Amoris laetitia (AL). L’un des quatre signataires des Dubia, le cardinal Brandmüller, vient de redire sa détermination à voir éclairer l’Exhortation synodale, deux archevêques italiens ont fait de même.
Pourtant ce sont eux qu’on accuse de semer la confusion en créant « de faux arguments »…
Amoris laetitia : « Face à la grave confusion dans l’Église concernant la question du mariage »…
« Confusion », c’est le mot qui revient, une fois encore, dans tous ces témoignages, ce brouillement pastoral qui permet le oui et le non, inscrit le « peut-être », « dans certains cas », dans une consécration malvenue et extrêmement dommageable.
Le cardinal Brandmüller, qui répondait aux questions du site allemand kath.net, le 30 décembre dernier, a de nouveau énuméré les Dubia, ces cinq questions voulant éclairer AL en la rapportant avec les fondements de la foi et de la morale catholiques. Des questions qui selon lui, « devraient être résolues » et sans ambiguïté.
L’archevêque Carlo Maria Viganò, ancien nonce apostolique aux États-Unis, et Son Excellence Luigi Negri, archevêque émérite de Ferrara-Comacchio, se sont joints à la cohorte de contestation de l’interprétation officielle du pape, en apportant leur signature à la déclaration des trois évêques du Kazakhstan, pour proclamer les « vérités immuables sur le mariage sacramentel », selon le site catholique italien Corrispondenza Romana.
« Il y a confusion. Ça existe, et c’est sérieux. Aucune personne raisonnable ne peut le nier », a déclaré Son Excellence Luigi Negri. Et de citer le Cardinal Caffarra, quelque temps avant sa mort, qui disait : « Une Église qui prête peu d’attention à la doctrine n’est pas une Église plus pastorale mais une Église plus ignorante ». L’archevêque Carlo Maria Viganò a parlé, lui, d’AL comme d’un « alien » à la foi catholique.
« Tout ce qui contredit ce catéchisme n’est pas la vérité catholique » (cardinal Brandmüller)
Tous trois en appellent à la tradition, à la clarté de la position traditionnelle. Dans une interview à l’agence catholique italienne La Nuova Bussola, l’archevêque Negri a appelé à travailler « pour que la splendeur de la tradition redevienne une expérience pour le peuple chrétien ». Et le cardinal Brandmüller a exhorté à « prendre ses repères dans la Tradition de l’Église » : « Tout ce qui contredit ce catéchisme [le Catéchisme de l’Église catholique], quelle que soit la source de la contradiction, n’est pas la vérité catholique. Quiconque croit au catéchisme et vit en conséquence est sur le bon chemin. »
Pourtant ce sont eux qu’on accuse de semer la confusion ! Dans l’édition anglaise du quotidien italien La Stampa, un article signé Stephen Walford, s’énervait, hier, de ces dissidents qui avancent de faux arguments : « La question n’a absolument rien à voir avec la dilution de la doctrine sur le mariage sacramentel » – il faut alors qu’on nous explique ! De la même façon, le 29 décembre, le Père abbé de Leffe, Benoît Carniaux, voit un dialogue nécessaire entre la morale sexuelle et la morale sociale…
« En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance (…) À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église, y compris les sacrements. »
Le pape François l’a dit et officialisé : « Il n’y pas d’autre interprétation » du chapitre VIII d’Amoris Laetitia.
Amoris laetitia, Luther… la Tradition au secours
A noter le fait que le cardinal Brandmüller comme l’archevêque Negri, ont tous deux replacé cette question doctrinale dans le contexte plus grand de la crise qui sévit dans la société et qui contamine l’Église. « Une bataille se livre entre la mentalité du monde – ce que le pape François, dans les premiers mois de son pontificat, a appelé « la pensée unique dominante » – et l’idée chrétienne de la vie et de l’existence. Si l’Église ne s’engage pas pleinement dans cette confrontation, elle finira par se réduire à une position d’auto-marginalisation substantielle de la vie sociale » a déclaré ce dernier.
Le cardinal Brandmüller a évoqué « une rébellion perverse » contre l’ordre de la création et une usurpation flagrante du règne de Dieu, avec le phénomène transgenre, le « mariage » homosexuel… Mais il y a eu d’autres crises, à d’autres époques : « Le Seigneur était et est encore aujourd’hui dans la barque, même s’il semble dormir. »
Ils se sont également rejoints sur la célébration erronée de Luther par le Vatican, pour le 500e anniversaire de la Réforme protestante. Luther, ne voulait pas réformer l’Église, mais voulait « un bouleversement radical » : détruire le sacerdoce, le Magistère de l’Église, la papauté. Le Concile de Trente qui l’a rigoureusement contredit reste « valable pour toujours ». « Ce Luther dont on parle tellement n’existe pas » assène l’archevêque Negri.
Confusion partout… de plus en plus de voix, de haut rang, s’élèvent pour le crier. La Tradition au secours de la crise ? Comme un air de déjà entendu…