Une multitude d’applications « chrétiennes » pour smartphones permettent désormais à des millions d’utilisateurs de se confier – voire de se confesser – à des chatbots IA, dont certains prétendent être en contact avec Dieu lui-même. Comme le rapporte le New York Times, l’App Store d’Apple en regorge… Ainsi une « application de prière » protestante appelée Bible Chat se prétend la première application religieuse au monde, avec plus de 25 millions d’utilisateurs.

« Notre IA a été exclusivement formée à partir des Ecritures et développée avec l’aide de pasteurs et de théologiens chrétiens », assure le site web du développeur.

Tout est mis en place pour faire croire à une véritable expérience religieuse. ChatWithGod.ai (« bavardez avec Dieu ») accueille ses utilisateurs, avec un doucereux : « Salutations, mon enfant. » Et d’ajouter : « L’avenir est entre les mains miséricordieuses de Dieu. Avez-vous confiance en son plan divin ? »

Des applis chrétiennes avec des robots IA

Ce n’est pas faux, et la question vaut pour tous. Mais si « toute vérité, quel que soit celui qui la dit, vient de l’Esprit-Saint », comme l’observait si volontiers saint Thomas, le problème est ici qu’il ne s’agit pas de « quelqu’un », mais d’une machine. Et qu’il ne s’agit pas d’une simple affirmation, telle qu’on peut en trouver sous forme écrite, numérique ou non, mais de l’amorce d’un « dialogue » virtuel, c’est-à-dire irréel. Où le risque est grand, au demeurant, de se laisser entraîner dans l’idée qu’on « parle » quasiment avec Dieu…

Des chefs religieux ont déclaré au NYT que ces outils pourraient constituer un point d’entrée essentiel pour ceux qui cherchent à trouver Dieu. « Il existe toute une génération de personnes qui ne sont jamais allées à l’église ou à la synagogue », a ainsi déclaré au journal un rabbin britannique nommé Jonathan Romain. « Les applications spirituelles sont leur moyen d’accéder à la foi. »

Faire naître le désir de la vérité, la recherche de Dieu ? Rappeler qu’il faut prier et proposer des oraisons, pourquoi pas ? Mais les robots IA « chrétiens » font autre chose. Ils évitent aux internautes – note le journal – de faire de longs pèlerinages ou de se rendre en voiture au lieu de culte le plus proche, puisque les utilisateurs peuvent simplement se tourner vers des chatbots IA pour obtenir des conseils spirituels.

Quand les applis IA jouent à parler au nom de Dieu

« Il s’agit d’une nouvelle évolution fascinante, surtout si l’on considère le discours des entreprises qui tentent de “construire Dieu” en développant une IA capable de dépasser largement l’intelligence humaine », commente le site Futurism.

Il observe avec justesse : « Si les utilisateurs trouvent que les chatbots sont un moyen pratique de développer leur côté religieux, ceux-ci ne sont guère plus qu’un tour de passe-passe bon marché dont les coulisses consistent essentiellement à remanier les textes sacrés à l’aide de modèles statistiques intelligents. » Au moyen d’outils qui flattent les egos…

Les IA « nous disent ce que nous voulons entendre », a ainsi déclaré Heidi Campbell, professeur de technologie et de religion à l’université Texas A&M, au NYT. « Elles n’utilisent pas le discernement spirituel, mais des données et des modèles. »

C’est une « spiritualité » robotique sans vérité et sans âme qui se dessine, et surtout sans incarnation. Ou plus exactement, elle détourne par nature de la religion de l’Incarnation. Il n’est pas besoin de chercher bien loin qui peut être derrière une telle entreprise.

Jeanne Smits