La 16e édition du pèlerinage argentin de Notre-Dame de Chrétienté s’est achevée le dimanche 17 août au terme d’une marche de plus de 100 km entre la ville de Rawson dans la province de Buenos Aires et le sanctuaire national de Notre-Dame de Luján. Calquée sur le pèlerinage de Chrétienté qui relie Paris à Chartres à la Pentecôte, elle avait cette année pour thème : « En Toi, Seigneur j’ai mis mon espérance. » Plus de 2.000 pèlerins ont participé, prenant le départ en la fête de l’Assomption avec le soutien d’une trentaine de prêtres venus d’Argentine, du Brésil, de la Colombie, du Chili, d’Equateur, d’Espagne et du Paraguay, et même de France. Les bannières claquant au vent, la colonne a traversé la « pampa húmeda » en accentuant l’aspect pénitentiel de l’effort consenti, avec pour intention la rechristianisation du pays. Mais il ne leur a pas été donné l’autorisation d’assister à la messe de clôture dans le rite traditionnel dans la basilique de Notre Dame de Luján, patronne de l’Argentine.
Un pèlerinage de Chrétienté comme de Paris à Chartres
Tous les âges étaient représentés – le chapitre des vétérans accueillant plutôt des pèlerins ayant la quarantaine – mais la plupart des participants avaient entre 18 et 30 ans, signe là comme ailleurs de la puissance d’attraction du rite traditionnel romain sur les plus jeunes.
Comme les pèlerinages de Pentecôte français, le rendez-vous argentin est en effet attaché à la liturgie latine traditionnelle de l’Eglise et c’est le seul rite qui est célébré au long des trois jours de grâce qui le composent, accompagné de nombreuses confessions.
La messe de clôture, célébrée dimanche par le chanoine Raúl Olazábal de l’Institut du Christ-Roi, n’a pas eu lieu au point d’arrivée, mais au Centro Tradicionalista Martín Fierro à quelque sept kilomètres de là. La Basilique de Notre-Dame de Luján ne devait accueillir la foule que pour la récitation de Rosaire et un salut du Saint Sacrement : ses portes leur étaient fermées pour la messe.
L’archevêque émérite de La Plata, le très conservateur Mgr Héctor Aguer – renvoyé comme un malpropre de son diocèse pendant le pontificat du pape François – leur envoya sa bénédiction, accompagnée du manuscrit d’un de ces récents articles, « Le passage du temps », et d’une exhortation à multiplier les efforts pour que le pèlerinage accueille toujours davantage de pèlerins pendant les années à venir.
Messe traditionnelle et fins dernières
On se rappellera qu’en France, il fut reproché aux organisateurs d’avoir choisi le thème des fins dernières en 2024 : trop dur, trop effrayant pour des jeunes, soufflait-on. Mais il est indissociable de la foi et de la vie chrétienne, aussi était-il au cœur de la prédication de la messe de clôture par le chanoine Olazábal question d’espérance véritable et de salut éternel.
« Le but est également la restauration de la chrétienté, la restauration de l’ordre chrétien dans notre vie, dans nos familles, dans notre patrie. La restauration ne viendra pas tant des lois ou de la politique que de notre conversion, de la transformation que Dieu opère en nous pour faire de nous des pierres vivantes qui serviront à reconstruire les basiliques et les cathédrales de la chrétienté. La restauration viendra de notre cohérence, de nos désirs efficaces de sainteté. Comme le dit le pape Léon XIV : “Aspirez à de grandes choses, à la sainteté. Ne vous contentez pas de moins” », a-t-il dit.
Et de rappeler l’importance d’observer les commandements de Dieu et de sainteté dans tous les états de vie. « Nous avons besoin de catholiques qui passent plus de temps en oraison que sur leur portable, qui s’agenouillent devant Dieu plutôt que de s’incliner devant les écrans ; que l’amour de la famille et du prochain soit plus important que les réseaux sociaux », a-t-il prêché (car en Argentine les choses se passent comme partout ailleurs).
L’un des organisateurs de ce pèlerinage, Felipe Stier, a pris la parole peu avant cette messe de clôture pour rappeler que le pèlerinage est un acte de fidélité à l’Eglise, et qu’elle constitue un vivier de vocations pour l’ensemble du corps mystique de Notre Seigneur.
Il a tout particulièrement remercié la gendarmerie nationale et les forces armées argentines pour leur soutien logistique, mais pas seulement : elles avaient formé un chapitre de cadets qui a participé au pèlerinage sous le nom de sainte Jeanne d’Arc.
Nous proposons ci-dessous la traduction d’une partie de son allocution : elle exprime bellement ce que veut être l’attachement à la liturgie traditionnelle de l’Eglise. – J.S.
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Allocution de Felipe Stier aux pèlerins de Chrétienté en Argentine
Il convient de souligner que ce pèlerinage n’est pas un retour en arrière, vers le passé, ni un combat nostalgique, mais une véritable manifestation publique de foi. Il conserve un grand trésor qui nous attire et nous émeut : la sainte messe traditionnelle. De là sont nées des vocations religieuses et sacerdotales. Des mariages s’y sont formés. Il y a eu des conversions. C’est une source d’espoir pour l’Eglise. Ce n’est pas un caprice ni un repli sur soi, mais un acte de fidélité à la Sainte Eglise. Nous ne cherchons pas à conserver la tradition pour nous montrer plus traditionalistes ou moins progressistes, mais nous recherchons le bien, le beau, le vrai ; ce qui ressemble le plus au Ciel, ce qui glorifie le plus Notre Seigneur et ce qui nous rapproche le plus de Lui.
C’est pourquoi nous sommes appelés à persévérer jusqu’à la fin pour découvrir ce trésor, pour le connaître, pour l’aimer et pour le conserver. Même s’il est marginalisé et que l’on cherche à l’exterminer. Même si l’on ferme nos églises, si l’on nous empêche de célébrer la messe de clôture dans la basilique de Luján, nous ne devons pas oublier notre vocation première, qui est l’appel à la sainteté.
La persécution ne doit pas être pour nous un motif de tristesse ni une raison d’abandonner l’apostolat qui nous a été confié. Au contraire, nous devons préserver l’amour pour ce trésor et être prêts au renoncement personnel et à subir la calomnie.
Ce que nous défendons, ce que nous vivons, est bien plus qu’une forme liturgique. C’est le sacrifice éternel de la Croix qui nous élève, nous transforme et qui a nourri tant de générations de saints.
Regardez autour de vous : trois jours d’ascèse, de prière, de chants, d’enseignements, d’amitié chrétienne.
La liturgie féconde notre présent et prépare l’avenir.
Ne nous laissons pas vaincre par la tentation de nous taire et par le conformisme qui nous enferme entre nous. Soyons joyeux, fidèles à l’Eglise plus que jamais. Nous voulons y rester avec une affection et une passion sans faille.
Felipe Stier