IXe Assemblée nationale des représentants catholiques en Chine : une « gifle » pour le Vatican

Assemblée catholiques Chine Vatican
Des figurines religieuses qui étaient présentes dans la salle où se déroulait la IXe Assemblée des représentants catholiques en Chine, le 26 décembre 2016 à Pékin.

 
Hier, jeudi, a pris fin la IXe Assemblée nationale des représentants catholiques à Pékin. Très attendu en regard des tentatives diplomatiques du Vatican, l’événement qui n’avait pas eu lieu depuis six ans, a diffusé un message clair : indépendance, autonomie, sinisation… Les « élections » ont confirmé des fidèles du Parti. Le Salut du Saint Sacrement qui clôturait la réunion a été présidé par l’évêque illégitime Ma Yinglin, qui avait été reconduit la veille dans ses fonctions de président du Conseil des évêques catholiques de Chine…
 
Où sont les signaux « positifs » attendus par le Saint-Siège qui, pour la première fois depuis 1957, n’a pas condamné l’Assemblée à laquelle il avait toujours formellement déconseillé de participer ?!
 

Les catholiques aux ordres du Parti

 
A cette Assemblée nationale des représentants catholiques, institution nationaliste souveraine placée au-dessus de la Conférence épiscopale chinoise, 365 délégués venus de tout le pays ont été conviés parmi lesquels 59 évêques. Mais cette « grande Neuvième », comme l’appellent les media, comptait aussi largement des membres du gouvernement et fonctionnaires de l’administration – et ce sont eux qui chapeautaient l’ensemble…
 
La présidence de l’assemblée a été assurée, en effet, par Zhang Yijiong, vice-directeur du Département du Front uni, l’instance sous laquelle sont placées les religions officiellement reconnues en Chine communiste. Et les hauts responsables politiques pullulaient.
 
L’Eglise catholique chinoise officielle n’a décidément qu’une indépendance, celle du Parti.
 

Sinisation, indépendance et socialisme : la réaffirmation d’une Eglise d’Etat

 
Et les discours tenus lors de ces trois jours le prouvent. L’Eglise catholique doit « s’inspirer du principe de l’indépendance et de l’autonomie gouvernementale » pour fonder sa propre base de fonctionnement : autrement dit, rester accrochée au Parti, à distance calculée du Saint Siège, à l’écart de toute influence étrangère, pour le développement du socialisme chinois.
 
« L’Église catholique chinoise se tiendra dans son chemin de sinisation, s’adaptera à la société socialiste et s’alignera étroitement avec le Parti communiste de Chine avec le secrétaire général Xi Jinping comme noyau », a déclaré l’évêque illégitime Ma Yinglin dans son discours de clôture. Une déclaration en tous points similaire à celle du président du Comité national de la Conférence politique consultative du peuple chinois qui a invité les catholiques à « combiner le patriotisme à leur ferveur pour l’Eglise », et « s’unir pour contribuer à la construction du socialisme à caractéristiques chinoises »…
 
L’amour de la nation communiste comme socle de toutes les religions présentes sur son sol ! Le président Xi Jinping l’avait répété en avril dernier : il faut « servir la réforme » chinoise – c’est l’esclavage obligé. L’Eglise catholique est d’Etat ou n’est pas.
 

Les évêques illégitimes dominent la nouvelle Assemblée catholique de Chine

 
Rien d’étonnant, donc, dans les « nouvelles » nominations qui sont loin d’aller dans le sens de Rome. Les dirigeants de l’Association patriotique (AP) et de la Conférence des évêques « officiels » sont presque les mêmes que ceux de la huitième Assemblée, il y a six ans.
 
Une fois de plus, l’évêque illégitime Ma Yinglin a été réélu président de la Conférence. Et Mgr Fang Xingyao, évêque de Linyi, a été réélu président de l’Association patriotique catholique chinoise (CCPA) : le prélat est peut-être reconnu par Rome mais il est très proche des autorités chinoises et a participé à de nombreuses ordinations illégitimes…
 
Signe des temps, sur les huit évêques illégitimes, seuls deux n’ont pas été choisis pour siéger dans ces instances dirigeantes : les six évêques non reconnus par Rome siègent donc parmi un total de 19 vice-présidents – quasiment un tiers de l’ensemble.
 

Pékin, maître du jeu

 
On ne peut que sourire en entendant Wang Zuo’ann le responsable du gouvernement pour les cultes, appeler à « un dialogue constructif » avec Rome, espérer « que le Vatican pourra adopter une approche plus flexible et pragmatique afin de créer les conditions favorables à une amélioration de nos relations »…
 
Les exigences sont chinoises, de manière unilatérale : Pékin demeure le maître du jeu diplomatique et politique, même s’il prend garde à ne pas rentrer en confrontation directe.
 
L’éditorial du quotidien Global Times (proche du People’s Daily du Parti communiste chinois) a clairement réaffirmé les « pré-requis » : « la reconnaissance de la Chine unique » (rupture des liens avec Taïwan sur laquelle le régime communiste réclame la souveraineté) et « aucune ingérence dans les affaires intérieures de la Chine », entendez l’épineux problème de la nomination des évêques.
 
Il n’en feront jamais qu’à leur tête. Pour preuve, les dernières ordinations épiscopales les 30 novembre et 2 décembre derniers, auxquelles ils ont pris soin de faire participer l’évêque illégitime Lei Shiyin…
 

Des « signaux positifs » du gouvernement ?!

 
Pourtant, le Saint-Siège avait été tout miel pour cette énième Assemblée qu’il avait jusque là toujours condamnée.
 
En 2010, pour la VIII ème édition, il avait demandé aux évêques « d’éviter de poser des gestes qui contredisent la communion avec le pape », leur enjoignant de ne pas participer à semblable consistoire, rigoureusement « incompatible avec la doctrine catholique ». Le communiqué du Vatican avait fait part de « sa profonde douleur » face à des actes qualifiés d’« inacceptables et hostiles ».
 
Six ans plus tard, le ton a changé. D’abord le Saint Siège a communiqué le 20 décembre, soit avant l’événement. Et s’il a réaffirmé sa position « connue » à l’égard de l’assemblée, il n’a donné aucun conseil aux évêques sur leur participation – ce qui a été perçu sinon comme une absolution, du moins comme une permission tolérante. Il dit « réserver son jugement en se basant sur des faits prouvés » et attendre des « signaux positifs » du gouvernement.
 
Quant à la présence ennuyeuse de l’illégitime Lei Shiyin aux ordinations, le directeur de la salle de presse du Saint-Siège a simplement relevé que « sa position canonique [était] encore à l’étude de la part du Siège apostolique »… alors qu’il avait été déclaré « excommunié » en 2011 !
 

« Une gifle au visage du Vatican » selon un catholique chinois

 
« Le Vatican a demandé des « signaux positifs » et tout ce qu’il a obtenu a été une gifle au visage » a déclaré un catholique chinois. Gifle qu’il fait semblant de ne pas ressentir pour ne pas mettre à mal la « normalisation » de leurs relations.
 
Elle est pourtant cuisante. Le cardinal Joseph Zen, archevêque émérite de Hong Kong, ardent défenseur de l’Eglise clandestine catholique chinoise qui lutte depuis des décennies pour maintenir une Foi intacte accrochée à Rome, a écrit sur son blog, à la veille de Noël : le gouvernement de ce pays d’Asie « veut une soumission inconditionnelle » de l’Eglise ; l’Assemblée est « l’expression la plus formelle et la plus explicite de la nature « schismatique » d’une telle Église ».
 
Rome appuie de plus en plus sur ses œillères.
 

Clémentine Jallais