Attentat islamiste de l’Isère : Manuel Valls dénonce une guerre de civilisation

Attentat islamiste Isère Manuel Valls dénonce guerre civilisation
 
Et voilà Manuel Valls qui commence à s’exprimer comme Samuel Huntington, moyennement démocrate et « oligarque » autoproclamé : comme l’Américain en 1993, le Premier ministre de la France a évoqué une « guerre de civilisation ». Etait-il encore sous le choc après l’attentat islamiste de l’Isère ? Ce n’est pas si sûr. Les Renseignements français savent bien la menace islamiste à laquelle la France est exposée, et il se dit communément qu’il ne leur est pas donné le pouvoir d’agir, tant on s’attache à éviter, politiquement, la « discrimination ». Non, cette déclaration s’inscrit dans la dialectique contemporaine : méchants intégristes contre humanistes sincères. En cela, Manuel Valls joue pleinement le jeu du mondialisme.
 
L’attentat abominablement spectaculaire de vendredi, avec décapitation, invocation de l’Etat islamique, tentative apparente de faire sauter une usine classée Seveso à Saint-Quentin-Fallavier, survenant de surcroît en même temps que le carnage parmi des touristes prenant le soleil sur la côte tunisienne, permet de dénoncer l’islamisme transporté au-delà des frontières de l’Etat islamique.
 

La guerre de civilisation selon Valls : une guerre pour l’humanisme

 
Lorsque Valls a déclaré à RTL, dimanche, qu’« un responsable gouvernemental doit être lucide et faire partager cette lucidité à son peuple: nous vivons sous une menace terroriste majeure » qu’il faudra « combattre dans la durée », il ne fait qu’enfoncer une porte ouverte : les Français l’avaient compris. Mais une porte ouverte bien utile, sous certains rapports. Elle joue sur le « réflexe Charlie » pour créer une forme d’unité nationale oubliée depuis longtemps. Comme l’affaire Charlie, elle permet de définir un modèle de « vivre ensemble » devenu obligatoire et dont la mise en place est finalement favorisée par le mélange des autochtones et de la nouvelle population musulmane qui croît en France.
 
Samuel Huntington était favorable à une mise à distance de l’islam, qu’il voyait comme l’autre acteur de son Choc des civilisations et plus encore de son choc des cultures, forme de guerre vraiment totale qui oppose non des intérêts mais des manières de vivre, de penser, de croire, d’agir. Le choc des cultures qui se vit aujourd’hui est aggravé par le brassage que tout a favorisé : l’hiver démographique des pays d’Occident, les politiques favorables à l’immigration, et surtout le relativisme culturel et religieux.
 
Pour comprendre ce que veut réellement dire Valls, il faut l’écouter un peu au-delà de ses propos sur la « guerre de civilisation ». Pressé de définir l’« islamisme radical » qu’il dénonce, le Premier ministre a expliqué : « C’est une volonté de DAECH de mettre fin à ce que sont nos valeurs. De s’attaquer à l’Occident ? Non, à nos valeurs, qui sont des valeurs universelles. »
 

Attentat de l’Isère : une guerre contre la civilisation… de Valls

 
« Universelles »… Ne traduisez surtout pas par « catholiques ». Manuel Valls poursuit : « Ce n’est pas une guerre entre l’Occident et l’Islam, mais une guerre au nom même des valeurs qui sont les nôtres et que nous partageons au-delà même de l’Europe. » Là est la clef : ces valeurs universelles ne sont pas des « valeurs » ou des convictions religieuses, dans le cadre d’une civilisation marquée par sa foi… puisque la foi est justement l’ennemi. La foi qui se dit vraie !
 
Poursuivant sa très révélatrice explication sur RTL, Manuel Valls a déclaré que cette bataille se situe « aussi, et c’est très important de le dire, au sein de l’islam. Entre d’un côté un islam aux valeurs humanistes, universelles, et de l’autre un islamisme obscurantiste et totalitaire qui veut imposer sa vision à la société ». De l’islam, on est prêt à retenir les valeurs « humanistes » que tous peuvent partager, dans le cadre d’un relativisme qui se retrouve dans tous les syncrétismes – et qui correspond parfaitement à la pensée maçonnique. Cela tombe bien : la filiation de Valls est bien documentée. On ne sollicite pas abusivement ses textes en les interprétant de cette manière.
 
Ce genre de discours rejoint celui du général al-Sisi en Egypte, et les déclarations en ce sens demandant un aggiornamento de l’islam pour le rendre compatible avec la modernité. C’est un point de vue qui rejoint celui sur un christianisme rénové, ayant tourné le dos à ses oripeaux moyenâgeux, capable de renoncer à ses dogmes, honnis par les loges, pour mieux accepter les Lumières. A cette aune, le christianisme a lui aussi un passé obscurantiste auquel il a su heureusement renoncer en changeant au cours des siècles ; le catholique qui ne le fait pas est un intégriste de la même eau que le fou d’Allah.
 

Les islamistes ne sont jamais que des intégristes religieux…

 
Voilà qui passe sous silence les différences radicales entre la religion du Christ et celle de Mahomet. Le catholique n’est pas « humaniste » grâce à son évolution au fil des siècles : l’Eglise est respectueuse de l’homme en tant que créé à l’image de Dieu et appelé à le voir face à face dans l’au-delà (I Jn 3 2). Ses fidèles manquent à la vérité et à son enseignement lorsqu’ils s’imposent par une force injuste ou commettent une barbarie dont chaque homme est, hélas, capable. Ils manquent aussi à la vérité lorsqu’ils acceptent l’idée d’une foi flottante, définie par le plus petit dénominateur commun des religions qui finit par se résoudre dans une spiritualité informe et sans dogmes.
 
Le musulman fidèle aux enseignements du Coran et des hadiths s’en inspire pour décapiter, conquérir, soumettre. Tout musulman n’entre pas dans cette voie du djihad du bon croyant… Mais en modifiant l’interprétation de sa religion, on l’oblige à ne plus être elle-même.
 
Derrière l’analyse partagée par Valls, al-Sisi et bien d’autres, il y a l’idée de modifier l’islam afin de le rendre compatible avec un universalisme humaniste qui s’entend sur le relativisme religieux et la spiritualité impersonnelle. Il y a aussi l’opportunisme : la réalité de la menace islamiste permet la mise en place d’une lutte et de lois antiterroristes qui outrepassent largement le cadre des terroristes potentiels, et ce d’autant plus facilement qu’on s’interdit d’« amalgamer » terrorisme et islam.
 
Il y a aussi l’utilité d’une confrontation qui à partir de sa dialectique sanglante produira, si ceux qui en profitent, voire la manipulent pour ne pas dire la suscitent arrivent à leurs fins, une synthèse dont les contours « humanistes » sont parfaitement dessinés et indentifiables.
 

Guerre de civilisation… ou choc des barbaries ?

 
Ce que Manuel Valls ne dit pas, surtout pas, c’est que nous assistons à un choc des cultures chrétienne et islamique. C’est bien pour cela qu’il affirme, qu’il insiste : « Ce n’est pas une guerre entre l’Occident et l’islam. » L’Occident, peu ou prou, c’est la chrétienté, ou ce qu’il en reste. La guerre de civilisation selon Valls, c’est celle des certitudes religieuses contre les « valeurs » post-modernes. Une guerre où l’on ne se préoccupe pas de savoir si les certitudes religieuses sont vraies ou fausses.
 
Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a tenu lundi à préciser à sa manière le propos de Manuel Valls. Il a déclaré – sans contredire le Premier ministre au demeurant : « Il n’y a pas à faire de polémique sur ce sujet, c’est tout simplement une réalité. Ce n’est pas une guerre de civilisations au pluriel. C’est une guerre entre la civilisation humaine et la barbarie… Imaginez-vous ce que doit être le sentiment des musulmans de France, qui sont des démocrates, qui sont attachés à l’idéal humaniste qui est le nôtre et qui voient des individus dévoyer pour commettre ces crimes. Ils sont eux-mêmes blessés, ils ont eux-mêmes honte. Et bien entendu qu’ils sont dans la civilisation. »
 
La civilisation, en un mot, c’est nous. Nous, la société post-moderne où tout se vaut et où les droits LGBT sont respectés. Où l’autorité est partagée parmi le peuple. Où le seul dogme est qu’il n’y a pas de dogme.
 
Mais est-ce une civilisation ? Nous vivons dans une autre barbarie que celle de l’islam djihadiste : une barbarie qui méprise la vie à un niveau inédit, une barbarie d’apparence douce qui s’appuie sur le refus de Dieu et de toute transcendance pour donner à chaque homme l’impression d’être son propre dieu.
 
Ce n’est pas le choc des civilisations que nous vivons, mais le choc de barbaries qui ne peuvent déboucher, sauf miracle, que sur une barbarie plus tyrannique encore.
 

Anne Dolhein