Autorisation de la viande de laboratoire : la révolution américaine

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Certains restaurants de San Francisco et Washington vont bientôt mettre à leur menu de la viande de laboratoire américaine. Le ministère de l’agriculture des USA vient de donner l’autorisation de mise en vente à la fin du mois de juin. Pour le poulet seulement. Le bœuf, le porc, le veau, le mouton, devront encore attendre, car la procédure d’autorisation est très longue : cela fait plus d’un an que l’autorisation sanitaire avait été donnée par la FDA (Food and drugs administration). C’est le premier pas d’une révolution industrielle menée sous la pression de l’écologisme, qui va éloigner un peu plus le consommateur de la réalité.

 

La rhétorique des Ayatollahs anti-viande

Les Ayatollahs d’un monde sans viande utilisent trois grands arguments rhétoriques. Un, la viande est mauvaise pour la santé, pleine de cholestérol, d’hormones, d’antibiotiques et de substances cancérigènes, et les animaux qu’on élève sont des réservoirs à virus pandémiques. Deux, la viande est mauvaise pour l’environnement, l’élevage utilise les trois quart des terres agricoles, produit 15 % des gaz à effet de serre, et la production de protéines animales exige beaucoup plus d’eau et d’énergie que celle des protéines végétales, entraînant une déforestation grave. Trois (c’est ici qu’interviennent végans et antispécistes), l’élevage entraîne des souffrances animales nombreuses et lèse le droit du vivant : rien ne justifie qu’on élève un animal pour le manger.

 

Viande végétale ou viande de laboratoire ?

Partant de ce postulat que « le végétal est meilleur pour la planète que l’animal », l’idéal des sans-viande est donc de « transitionner » vers les féculents, fruits et légumes, mais les humains restant fort attachés à leurs habitudes alimentaires, il faut des substituts à la viande pour faciliter la transition. Il y a d’abord la « viande végétale », faite à partir de protéines et de graisses végétales, vendue sous forme de substituts de steacks hachés, qui n’a ni le goût, ni la consistance ni l’odeur de la viande. Et qui en plus, comme tous les produits alimentaires transformés, est pleine de sel et d’additifs plus ou moins louches. Alors, pour beaucoup, la solution est la viande de laboratoire, que certains appellent viande cellulaire, parce qu’on la produit en laboratoire à partir de cellules souches prélevées sur des animaux !

 

Une autorisation qui ouvre une révolution fabuleuse

Les projections publiées en 2019 sous les auspices de ses partisans prévoyaient qu’en 2040 la viande de laboratoire occuperait 35 % du marché de la viande et la viande végétale 25 %. Les partisans de cette dernière font observer que la viande de laboratoire n’est pas meilleure pour la santé que la viande produite naturellement, et certaines études montreraient qu’elle utiliserait plus d’énergie que l’élevage ordinaire. Pour l’instant, on en est à la guerre de communication. Ce qui est sûr c’est que, tant du côté de la viande végétale que de la viande de laboratoire, les groupes agro-alimentaires sont au travail et les montants du marché fabuleux. Et l’avantage qui se dessine en faveur de la viande de laboratoire, avec l’autorisation de vente donnée par le ministère US de l’agriculture, montre à quel point nos sociétés s’éloignent de la réalité.

 

La viande pousse sur des sols dont même le seigle ne veut pas

On nage en effet dans le verbalisme. Quand on parle de production de viande, de protéines végétales et animales, de la dépense en énergie et en eau que tout cela demande, on se fait une certaine idée générale de la viande qui correspond peut-être à l’élevage intensif de bovins culards ou de poulets de batterie, mais qui ne répond nullement à la diversité des élevages. Les moutons sur le causse vivent où nul ne fera jamais pousser de maïs, ni même de seigle. Le porc et la basse-cour n’entrent pas dans le calcul des mangeurs de burgers. Tel est le premier point, que la campagne américaine anti-viande ne prend pas en compte.

 

Sot-l’y-laisse et rognon blanc contre verbalisme néo-platonicien

Le deuxième point est encore plus important. La Viande avec un grand v n’existe pas, c’est une révolution sémantique au service d’une révolution politique : il y a toutes sortes d’animaux, gras ou maigres, et dans chaque animal toutes sortes de morceaux. Nulle viande de laboratoire ne peut reproduire le sot-l’y-laisse ou les rognons blancs d’agneau, le collier de mouton ou la macreuse à braiser. A la base de la révolution anti-viande américaine se trouve une haine de la réalité et un verbalisme simpliste issus d’une sorte de néo-platonicisme de supermarché. La solution au faux problème posé est bien sûr toute simple : manger en quantité raisonnable de la bonne viande, « bas morceaux » et abats compris, d’animaux élevés naturellement, échappant ainsi aux grands groupes de l’agro-alimentaire. Au contraire de ce que prévoient les industriels de la viande végétale et de la viande de laboratoire, qui vont concentrer encore plus et collectiviser les moyens de production, en éloignant toujours plus les hommes de ce qu’ils mangent.

 

Pauline Mille