Nous avons attendu longtemps, près de deux mois, avant que Michel Barnier ne soit nommé Premier ministre, et il a attendu bien plus longtemps pour l’être. Il fut conseiller général sous Pompidou, député sous Giscard, ministre sous Mitterrand, Chirac et Sarkozy, commissaire européen sous Chirac, Sarkozy et Hollande, négociateur chargé du Brexit sous Macron. Bref, c’est un vieux routier professionnel de la politique : sous l’étiquette gaulliste qu’il a soigneusement conservée et la réputation de « libéral » que la gauche lui fait contre tout bon sens, c’est, son action à l’Europe et au gouvernement l’a prouvé aussi bien que son obsession de l’écologie politique, un partisan induré du mondialisme.
Un vieux professionnel pour tenir le rodéo de Matignon
La longue comédie des consultations s’est donc achevée par la nomination d’un homme qui ne faisait pas partie des « finalistes » dont la presse parlait. Exeunt Thierry Baudet, au nom trop marqué, aux compétences trop évidemment pâles, mise à part celle de cocher toutes les cases du politiquement correct, Bernard Cazeneuve homme de gauche trop fâché avec la gauche qui compte aujourd’hui, et Xavier Bertrand, médiocre et franc-maçon irréprochable, mais qui a eu la sottise de s’embrouiller dans le Nord avec Marine Le Pen et se serait donc chopé une motion de censure dans le nez d’entrée de jeu. Car c’est bien cela le problème d’aujourd’hui : Macron ne pouvait lancer dans le rodéo de Matignon un Premier ministre qui vide les étriers avant même d’entrer en piste. Le président s’étant mis lui-même dans le mauvais pas de n’en pas trouver, la politique intérieure se trouvant pratiquement bloquée, il a dû en référer à l’échelon supérieur, celle des élites internationales au pouvoir, pour la débloquer.
Des réactions fausses et convenues à la nomination de Barnier
La réaction des politiques montre qu’il a, au moins dans un premier temps, réussi. Certes le NFP hurle. Mathilde Panot à la France insoumise dit que Macron refuse « le choix issu des urnes ». Mais elle sait bien que c’est faux, la gauche a recueilli moins de voix que le RN, le centre et la droite en ont recueilli plus. Fabien Roussel, pour le PC (2 %), a jugé le Premier ministre « libéral, anti-social ». Mais lui aussi sait que c’est faux. Dès 1997 Barnier entendait étendre à « tous les pays européens » le « modèle français » et ne cesse de critiquer depuis 25 ans les « dérives du libéralisme ». En somme, les critiques qui ont salué sa nomination sont à la fois fausses, convenues et molles. A droite et au centre on est content. Et, au Rassemblement National, Jordan Bardella a fait le minimum syndical : « Nous jugerons sur pièces son discours de politique générale, ses arbitrages budgétaires et son action. » Il aurait pu ajouter, Wait and See. Les bonnes paroles de Barnier en 2021, lorsqu’il ambitionna en vain de représenter les Républicains à la présidentielle, ont dû peser, de même que son urbanité chattemite qui tranche sur la balourdise d’un Bertrand et apaise le besoin de respectabilité du RN.
Gaulliste ? Libéral ? Non, européiste et plus si affinités
Dans la presse qui se veut « d’information », les quotidiens régionaux, les grandes chaines, on cultive l’image d’un homme de terrain, gaulliste de toujours, européen, social, et « loyal ». On a diffusé quelques images de ce qu’il était jeune homme, assez fat et un peu godiche aux yeux de huskie, amateur de Haute-Savoie et de jeux d’Albertville, comme un vieux parfum de néo-giscardisme RPR. C’est un autre mensonge avec des bribes de vérité, car s’il a pris soin de garder toujours une étiquette gaulliste afin de donner à entendre qu’il s’intéressait à l’intérêt national, tout son engagement politique le montre au service de l’international, l’Europe et au-delà. Ministre des Affaires européennes sous Juppé, c’est lui qui gère la présidence de l’Union européenne. Plus tard, il est deux fois commissaire européen, la première sous Romano Prodi, chargé de la politique régionale, puis entre 2009 et 2014 sous José Barroso, au portefeuille du Marché Intérieur et des Services, d’où il a eu la haute main sur les questions économiques sensibles. Ce n’est pas un hasard si l’Europe lui a confié à nouveau une mission importante à partir de 2016, celle de négocier le Brexit avec le Royaume-Uni – dans le dessein non dissimulé de châtier au maximum l’Etat désireux de faire sécession.
Le gratin du mondialisme a délégué un grand commis
Michel Barnier a souvent tenu des rôles de premier dans son village (la Haute-Savoie), de second à Rome et de grand commis international. Le système n’a jamais eu besoin de lui jusqu’à présent pour être numéro un. Sa nomination manifeste l’extrême urgence où Macron se trouvait et la confiance que l’élite mondiale lui fait. Il est familier de toutes les rencontres où il faut être et de toutes les instances qui comptent. En 2006 il a planché devant l’incontournable groupe Bilderberg. Mais sa conviction mondialiste est profondément ancrée. On oublie parfois dans son curriculum vitae son ministère de l’Environnement deux ans durant lorsqu’Edouard Balladur occupait Matignon, entre 1993 et 1995. Michel Barnier est un vieux militant de l’écologie politique. Il a publié en 1990 Le défi écologique, chacun pour tous, et en 1992 l’Atlas des risques majeurs, où sont dessinés les principaux mythes de l’écologisme qui orientent la transformation économique, politique, morale et spirituelle de la planète par la révolution arc-en-ciel en cours. Dans ce cadre, de droite, de gauche, libéral, gaulliste, sont des mots qui ne veulent rien dire : en fait, Michel Barnier est un professionnel inlassable du mondialisme.