Barnier, Retailleau, Echternach : “Et-en-même-temps” arc-en-ciel

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Apparue par surprise dans le ciel politique français, la chauve-souris Macron a dû sa fortune à son « Et-en-même-temps » hérité de la « pensée complexe » d’Edgar Morin, montrant alternativement ses ailes aux oiseaux de gauche et son pelage gris aux souris de droite pour les rassurer. Quand il se fut pris les pieds dans les tours et détours de ses contradictions, il a tiré de sa manche Michel Barnier, dont nous avons annoncé la stratégie imitée de l’Allemande Wagenknecht, que confirme aujourd’hui la nomination à l’Intérieur de Bruneau Retailleau (une pinte de « conservatisme » sociétal), équilibrée par une louche de « progressisme » (l’impôt sur « les plus riches ») : c’est la continuation du « Et-en-même-temps » sous d’autres apparences. L’objectif est toujours le même, faire avancer le mondialisme arc-en-ciel. Cependant les Gauleiters européens de celui-ci, Scholz en Allemagne, Macron et Barnier en France, doivent tenir compte du mécontentement populaire pour ne pas vider les étriers. A cet effet leur tactique actuelle, qui ressemble à la NEP de Lénine, leur est inspirée par une tradition démocrate-chrétienne conservée au Luxembourg, pays européiste s’il en est : la procession d’Echternach, patrie de Saint Willibrord, où les pèlerins dansent tout le long du chemin, deux pas en avant, un pas en arrière.

 

Retailleau libère la parole et rassure les Français

Bruno Retailleau, sénateur à lunettes opposé au mariage pour tous et à l’immigration de masse qui n’est pas selon lui « une chance pour la France », a le mérite de faire hurler toute la gauche. Marine Tondelier affirme au nom des Verts qu’il « n’est une chance pour personne » et le patron des socialistes Olivier Faure estime qu’il « ne fera pas mieux » que les autres place Beauvau, s’en tenant à des « effets d’annonce ». Qu’en est-il ? Retailleau peut-il « faire respecter la loi » en stimulant les préfets et les forces de l’ordre ? Pourra-t-il faire passer une nouvelle loi contre l’immigration de masse, avec quelle majorité ? Quoi qu’il en soit de sa marge de manœuvre, une chose est sûre : par ses appels répétés à « rétablir d’ordre », le nouveau titulaire de l’Intérieur libère au niveau du ministère la parole du bon sens, il est là pour rassurer les policiers, les Français dans leur ensemble et en particulier les électeurs du Rassemblement national. Et-en-même-temps, il a dû reconnaître dès ses premiers interviews que s’il a quelque autorité sur la police il n’en a aucune sur la justice, qu’il faut en France lutter contre le « droit d’inapplication des peines » qui s’y est développé, et que tout dépendra donc des « discussions » qu’il pourra avoir avec le garde des Sceaux.

 

Migaud, la justice façon procession d’Echternach

Or, Didier Migaud, qui a pris le ministère de la Justice et se trouve ainsi promu deuxième personnage du gouvernement Barnier, y figure la seule caution de gauche, en tant qu’ancien élu et responsable national du parti socialiste. On peut donc compter sur lui pour ne pas aller dans le sens que suggère Retailleau d’un tout-répressif, et freiner les initiatives de son collègue de l’Intérieur. En particulier, on voit mal comment il ferait construire beaucoup de nouvelles prisons, alors qu’il se trouve occupé à « se battre » pour éviter une coupe des crédits de son ministère. Et-en-même-temps, ce ministre contrepoids à Retailleau, ce pèlerin qui fera le pas en arrière d’Echternach, est un de ces hommes de gauche qui se veulent gestionnaires et raisonnables en matière de budget – il a d’ailleurs été premier président de la Cour des Comptes. Et-en-même-temps, lorsqu’il était président de la Communauté d’agglomération de Grenoble-Alpes Métropole, il a souscrit pour faire une économie de bout de chandelle un emprunt toxique indexé sur le cours du franc suisse par rapport à l’Euro, qui fut catastrophique. Mais il est vrai que les gens compétents qui nous gouvernent sont familiers de ces bourdes : Giscard, super-ministre des Finances, avait gagé son emprunt « Pinay » sur l’or, ce qui a coûté cher au contribuable. En 2002, Alain Madelin, dissolvant son parti Démocratie libérale, avait confié, désabusé, à la débutante que j’étais : « En politique, ne cherchez pas la raison d’un fait trop loin, le plus probable, c’est la c…rie. »

 

La stratosphère Barnier : des impôts et-en-même-temps des OVNI

Michel Barnier, qui a promis de faire payer « les riches », il faut cela pour tenter aujourd’hui d’apaiser le NFP et le RN (et même pour ne pas paraître odieux aux yeux des Bourgeois), a nommé en même temps dans les ministères souvent attribués à la gauche et dispendieux des ministres réputés économes. Comme s’il comprenait qu’on ne peut réduire le déficit qu’en réduisant les dépenses. C’est ainsi qu’il a promu à l’Education Nationale une macroniste pur jus, Anne Genetet, médecin de formation, spécialiste du conseil et de la communication, qui a fait sa carrière dans le privé, et en grande partie à l’étranger – à Singapour où elle s’est, entre autres, occupés de cours de cuisine. Sandrine Rousseau, qui s’y connaît, a jugé sa nomination « stratosphérique ». Et-en-même-temps, l’OVNI Genetet a le profil idéal pour l’Education nationale : elle a été journaliste, elle s’est occupées des « populations fragiles, comme les toxicomanes et les travailleurs migrants », qui font partie du problème de l’Education nationale, elle a la « passion de transmettre des connaissances », et trois « points-clé » définissent sa personnalité : « écouter, comprendre, convaincre ». En plus, en tant que députée des Français de l’Etranger, elle s’est beaucoup occupée du réseau des écoles françaises qui « butent sur un problème crucial de financement ». Voilà une expérience dont elle aura sûrement besoin.

 

Mille nuances de l’arc-en-ciel, un seul projet politique

On décortiquerait sans doute avec profit chaque profil de cet immense marchandage politicien qu’est le gouvernement Barnier afin de déterminer l’idiosyncrasie exacte du Et-en-même-temps de chacun, sa proportion de rigueur en paroles et de prétention à la générosité, son penchant de gauche raisonnable, de centre accueillant ou de droite ouverte, son pesant de vieux romain et de jeune cycliste, mais il sera plus court de les observer à l’œuvre. Ce dont on est sûr de toute manière a priori, c’est de leur « feuille de route » implicite : faire avancer la révolution mondialiste arc-en-ciel. Ils ont été nommés pour cela, malgré tous les Echternach possibles et imaginables. Même Retailleau. Avec sa tête de coing longtemps mûri au fruitier et les allures de Vendéen qu’il veut se donner, il l’a avoué sur TF1 au 20 heures face à un Gilles Bouleau sûr de lui et dominateur. Invité à se prononcer sur le mariage pour tous et l’avortement dans la Constitution, il s’est réfugié derrière « l’unité » de la nation (en soi cela n’a rien de mal) et « l’urgence » de menaces fortes (immigration, dette : en soi, c’est bien de s’en soucier) pour préciser qu’il ne faut pas revenir sur des « lois votées ». Le meurtre de millions d’enfants in utero et la destruction de la société par la parodie de mariage homosexuelle ne seraient donc pas des urgences ? Le système n’a rien à craindre d’un Retailleau. Le gouvernement Barnier fait crier tout le monde, et en même temps on lui permet d’être, parce que l’arc-en-ciel ne le craint pas, au contraire : il est là pour actualiser l’arc-en-ciel.

 

Pauline Mille