Dans son discours prononcé dimanche devant les représentants français du culte musulman rassemblés à l’Institut du Monde arabe à Paris, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a appelé à développer un « islam éclairé » sur le sol français afin de lutter contre la radicalisation des jeunes gens tentés de rejoindre l’Etat islamique. La convocation exceptionnelle des dix principales fédérations musulmanes, des grandes mosquées et des responsables de l’Islam de France fait suite aux attentats de Paris du 13 novembre dernier qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés.
Un « islam des Lumières » réformé contre la théocratie de l’Etat islamique ?
Rappelant les grandes heures de l’islam d’Avicenne ou d’Averroès, Bernard Cazeneuve a exhorté ses auditeurs à faire revivre cet Islam des lumières « pour dénoncer la duplicité spirituelle des terroristes et de ceux qui les suivent ». A cet égard, il a souligné toute l’importance de l’encadrement de la formation tant théologique que profane des imams afin de mieux contrer les dérives « obscurantistes » qui s’abritent « derrière une théologie frelatée », dérives qui pavent le chemin de la radicalisation des jeunes français —au nombre de 600— partis combattre dans les rangs de l’Etat islamique. Selon Bernard Cazeneuve, la lutte contre le terrorisme de l’Etat islamique ne peut être menée qu’en alliant la répression forte des dérives islamistes sur le territoire —fermeture des mosquées salafistes, expulsions, déchéance de nationalité— au soutien indéfectible de la communauté musulmane et de ses responsables au nom des « valeurs de la République ».
Tous les aspects du culte musulman passent désormais progressivement sous l’égide de la République qui se veut la « grande ordonnatrice » de la religion, notamment de l’islam de France. Le nombre de diplômes universitaires de « formation républicaine » pour les cadres religieux, notamment musulmans, doublera d’ici à 2016. Obligation sera faite aux imams étrangers venant en France de savoir parler français avant de prêcher sur le territoire national. On annonce la création d’une fondation pour les œuvres de l’islam de France, sous tutelle du ministère de l’Intérieur, pour le recueil « transparent » des financements privés, affectés à la construction de mosquées ou à la diffusion de la culture musulmane par exemple. On prévoit aussi l’accélération du calendrier des réunions entre le ministère de l’Intérieur et les instances de représentation musulmanes relatives à la lutte contre la radicalisation de la jeunesse.
Bernard Cazeneuve veut un « islam éclairé » qui se retournerait contre l’Etat islamique
La République s’érige ainsi en véritable tutelle fédératrice des diverses organisations de la communauté musulmane française, première d’Europe avec – c’est une estimation – quelque 5 millions de personnes représentant 8 % de la population française.
Tout cela s’inscrit dans la « restructuration » de l’islam qui passe par un rejet de son dogme central : le caractère incréé du Coran et l’impossibilité subséquente de l’interpréter ou de faire évoluer son enseignement. Cette restructuration vise – que ce soit en Egypte sous l’égide du maréchal al-Sissi ou en France sous l’œil vigilant de la République laïque – à le conduire vers un relativisme où toutes les religions sont invitées à se côtoyer, ayant enfin en commun le respect de la modernité. Elles y perdent leur identité propre, cela va sans dire.
Pour ce qui est du musulman en France, il doit trouver le moyen de devenir « le maître éclairé de sa propre conscience », a précisé Cazeneuve. L’islam, en somme, est le bienvenu pourvu qu’il s’accorde avec le principe la libre pensée.