La biologie de synthèse veut « écrire » le premier génome humain

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Selon le Center for Genetics and Society (CGS), un organisme de veille bioéthique, un nouveau projet « Génome humain » est en cours qui vise à construire un génome humain fonctionnel en partant des paires de base, d’ici à 2026. Ce projet de biologie de synthèse aurait été lancé lors d’une réunion « top secret » à Halloween, en 2015. Pourquoi cette précision de date qui n’a rien de scientifique ? Peut-être les organisateurs voulaient-ils discrètement mettre en évidence le caractère transgressif de l’opération
 
Deux mots sur le Center for Genetics and Society. C’est une association à but non lucratif sise à Berkeley et fonctionnant grâce au financement d’importantes fondations américaines, dont l’objectif est de faire pression pour que les évolutions techniques en matière génétique et reproductive soient convenablement encadrées, dans le respect des droits de l’homme. Cela n’en fait pas une association provie, loin s’en faut : le CGS s’affiche comme « pro-choix », favorable aux techniques artificielles de procréation et même à la maternité de substitution, pour ne citer que quelques domaines auxquels il s’intéresse. Mais pour ce qui est de la GPA, par exemple, il cherche à limiter la casse et explique comment sur certains points de vue, les ennemis d’hier peuvent se retrouver sur des lignes communes pour défendre les droits des mères porteuses.
 

Le premier génome humain fabriqué de toutes pièces par l’homme

 
Ayant cela à l’esprit, il n’est pas contestable que leur veille sur les évolutions technologiques et les projets prométhéens est des plus intéressantes.
 
Pour ce qui est de la création synthétique d’un génome humain, c’est le rêve de nombre de généticiens qui s’imaginent ainsi pouvoir devenir maîtres de la vie.
 
« Il n’y a qu’un grand défi pour la biologie de synthèse. Un seul. Essayer d’écrire un génome humain. Et nous devons le faire », a ainsi déclaré le chercheur Andrew Hessel, membre de l’unité de recherche d’Autodesk, une société de création de logiciels de pointe qui s’intéresse notamment à la bio et à la nanotechnologie. Il s’exprimait à la conférence Exponential Medicine 2016, à Singularity University.
 
Ce nouveau projet prend la suite logique du premier projet « Génome humain » dont l’objectif était de séquencer pour la première fois un génome humain complet. En biologie de synthèse, il s’agit maintenant « d’écrire » un génome humain en partant de zéro. Selon Andrew Hessel, nombre d’organisations savent déjà « écrire » de l’ADN, et l’homme est aujourd’hui capable de fabriquer des structures d’ADN à un million de paires. Mais le génome humain contient 3 milliards de paires de base…
 

Le vrai objectif de la biologie synthèse : singer la création de l’homme

 
Des travaux ont ainsi déjà été menés sur l’ADN de la levure, mais il a fallu un an pour le « construire », alors que le nombre de changements à apporter était minime : « Il nous faut de meilleurs outils de conception », a-t-il expliqué. Ces travaux sur la levure sont actuellement les plus avancés en matière de biologie synthétique.
 
Il semble qu’Andrew Hessel et ses collègues aient choisi ce lancement « top secret » pour mieux frapper les imaginations. Suivie d’un « livre blanc », la réunion qui n’était donc pas destinée à rester cachée a fait, grâce à cette véritable opération de communication, l’objet de multiples articles dans quelque 200 médias, avec « 92 millions de pages imprimées la première semaine », se réjouit Hessel. Cherche-t-on à habituer les gens à l’idée ?
 
Bien sûr, on met en avant des applications théoriquement bénéfiques de la technique. Hessel lui-même a commencé à « écrire » des virus il y a deux ans, à raison de quelques semaines par virus pour en obtenir l’ADN. Aujourd’hui, il travail sur des virus plus complexes élaborés pour combattre le cancer. Plus l’ADN est volumineux, plus il faut de temps pour l’assembler…
 

Ecrire l’ADN des virus pour écrire demain celui de l’homme artificiel

 
Les applications existent aussi dans le domaine électronique, puisque l’ADN constitue un excellent moyen d’assurer du stockage d’informations sur le long terme.
 
Mais l’objectif est ailleurs. La création de toutes pièces d’un génome humain, pour complexe que soit celui-ci, ne semble pas impossible à ce scientifique, puisque le séquençage du génome, mené à un train d’enfer, a connu des progrès inattendus et exponentiels. On peut imaginer une même rapidité pour cette nouvelle recherche, selon Andrew Hessel : « Et donc, Mesdames et Messieurs, une nouvelle course du génome commence. Elle commence aujourd’hui. Elle est encore dans sa phase organisationnelle, mais elle va s’accélérer et je vous le garantis, d’ici à 2026, nous aurons réussi », a-t-il déclaré.
 
Le CGS rappelle les aspects les plus « controversés » de cette recherche : ces travaux ne pourraient-ils pas aboutir à créer des hommes artificiels ? On se veut rassurant : « L’intention qui motive ce projet n’est pas de produire des bébés de synthèse », constate l’article. Hessel lui-même a déclaré : « Nous pourrions être favorables à cela. » Il assure que la seule chose qu’il recherche, c’est que la science progresse de manière à ce que sa propre fille « puisse avoir accès à la meilleure nanomédecine de l’avenir, les meilleurs diagnostics, les meilleurs traitements ».
 
« Aie confiance… », susurrait le serpent Kaa à l’oreille de Mowgli.…
 

Anne Dolhein