Le Bitcoin à 11.000 dollars, cryptomonnaie contestataire qui séduit JP Morgan tandis que Nicolas Maduro l’imite

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Le Bitcoin est dans toutes les têtes. Et il n’est pas sûr qu’il ne finisse pas par les faire exploser. La cryptomonnaie régie par des algorithmes a dépassé les 11.000 dollars alors qu’elle avait été lancée en 2009 au cours de 0,000764 dollars US pour chacune de ses 21 millions d’unités. Une bulle qui n’empêche pas un analyste de la banque JP Morgan de penser que le Bitcoin puisse devenir une classe d’affaire comme une autre, s’apparentant à l’or puisque sa quantité reste fixe. Rejoignant de façon troublante le monde de la spéculation, le dictateur socialiste du Venezuela, Nicolas Maduro, annonce l’introduction de sa cryptomonnaie. En France, le président du cercle des économistes Jean-Hervé Lorenzi estime que « Comparer le Bitcoin à l’or est une stupidité absolue », le gouverneur de la Banque de France s’inquiète, tandis que le macro-économiste britannique Félix Martin analyse le phénomène Bitcoin comme une contestation de toute autorité.
 

Nicolas Maduro a détruit le bolivar ? Il lance une cryptomonnaie pour assurer ses arrières

 
Dans un discours télévisé, le despote jacobin vénézuélien Nicolas Maduro a annoncé la création d’une cryptomonnaie – le « petro » – assise sur les réserves nationales de pétrole, de gaz, d’or et de diamant. De quoi, selon lui, permettre au pays « de résoudre les problèmes de souveraineté monétaire, de réaliser des transactions et de briser le blocus financier ». Caramba, que n’y avait-il pensé avant pour défendre la valeur du bolivar, monnaie d’un pays assis sur les premières réserves pétrolières mondiales, dont le taux d’inflation pour 2017 sera de 1.133 % sur fond de réduction d’un tiers du PIB en trois ans et de défaut partiel de plus de 120 millions de dollars ? Sentant le sol se dérober sous ses pieds, Maduro et les siens pourraient aussi tenter par le moyen de cette monnaie numérique de contourner le gel, par les Etats-Unis, des comptes de nombreux pontes du régime socialiste.
 

Un analyste de JP Morgan veut faire du Bitcoin un « actif émergent »

 
Le Bitcoin et ses semblables qui poussent comme champignons sous la pluie (Ether, Ripple, Litecoin, Dash, Monero, Solarcoin…) semblent malgré l’enflure de leur valeur (exprimée curieusement en monnaies d’Etat tel le dollar ou l’euro) faire saliver certains caciques de la finance. Pour l’analyste de JP Morgan Nikolaos Panigirtzoglou, l’intégration de ces cryptomonnaies dans les marchés offrirait la possibilité « de les élever au rang d’une classe d’actifs émergente ». Bien que la valeur du Bitcoin ait explosé à 11.000 dollars, Cboe Global Markets et CME Group projettent de lancer des contrats à terme sur la cryptomonnaie. De la spéculation au carré.
 
La sortie de M. Panigirtzoglou est d’autant plus surprenante que le PDG de JP Morgan Jamie Dimon a toujours suivi une ligne critique sur le Bitcoin, qualifiant la cryptomonnaie de « stupidité », de « fraude », qui « éclaterait » un jour. M. Dimon semble pourtant avoir laissé parler son analyste quand ce dernier assène que « La perspective du lancement de contrats à terme sur le Bitcoin dans un cadre normal pourrait légitimer et accroître l’attractivité des cryptomonnaies ».
 

Pour le macro-économiste Felix Martin, le Bitcoin est l’enfant « des libertariens comme des marxistes »

 
Et pourtant… Si l’or, que le Bitcoin prétend égaler en sécurité, fut taxé de « relique barbare » en 1923 par Keynes, qu’aurait dit ce dernier du Bitcoin ? L’or, nonobstant son statut de valeur refuge à volume quasi-stable, n’en revêt pas moins une valeur d’usage par son utilité industrielle ou médicale. Le macro-économiste Felix Martin estime, dans le Daily Telegraph, que « le Bitcoin est le lieu de convergence de trois des forces les plus importantes du monde actuel ». La première est la technologie de l’information, qui a bouleversé le commerce de détail (Amazon), décimé le prix du transport (Uber) et réduit à rien celui des communications à longue distance (Skype). Le Bitcoin renverrait au rang de reliques le système monétaire classique. Par ailleurs, le Bitcoin incarnerait la défiance vis-à-vis du système financier après le krach de 2008. Enfin, selon Felix Martin, il illustrerait la fronde contre les dirigeants politiques. Et de poser cette analyse qui illustre la convergence entre l’analyste de JP Morgan et Maduro : « Les libertariens comme les marxistes sont d’accord sur le fait que l’establishment et ses élites se sont accaparé le meilleur et que les gens en ont assez ».
 

Les cryptomonnaies ont permis un enrichissement déconnecté du travail

 
Les cryptomonnaies relaieraient ces aspirations… tout en permettant un enrichissement totalement déconnecté du travail et la valeur. Un comble pour une époque « branchée » qui passe son temps à donner des leçons de moraline. Au demeurant, rien de très original dans cette monnaie « contestataire » échappant aux Etats. Le Moyen-Age vit « l’écu de marc », monnaie internationale des commerçants européens, l’Argentine connut des monnaies locales face au contrôle des capitaux voici 16 ans. Mais jamais elles ne réussirent à détrôner les devises des Etats. Le risque est cependant considérable. « Rien ne peut arrêter une mauvaise idée dont le temps est venu », prévenait un professeur américain cité par Martin. Et les autorités financières redoutent le pire.
 

Réguler le Bitcoin contre l’évasion fiscale, le blanchiment, le financement du terrorisme. Et la bulle ?

 
Les gouvernements s’inquiètent bien sûr des possibilités d’évasion fiscale, de blanchiment, de financement du terrorisme ou de couverture de faillites d’Etat (cf. le Venezuela) qu’offrent ces cryptomonnaies. Le Trésor britannique et l’UE veulent encadrer les plateformes de négociation pour qu’elles rapportent les transactions suspectes. Mais un problème reste pendant : les 300 milliards de dollars que représente le Bitcoin constituent une bulle qui pourrait faire regretter les subprimes. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, prévient : « Le Bitcoin est un actif spéculatif. Sa valeur et sa forte volatilité ne correspondent à aucun sous-jacent économique et ne sont la responsabilité de personne. »
 

Matthieu Lenoir