C’était la « grande gueule » de la campagne pour le Brexit. Boris Johnson, aujourd’hui secrétaire d’État du Royaume-Uni aux Affaires étrangères et du Commonwealth, s’était illustré par son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Au cours de la campagne du Brexit, il répétait que l’arrivée de la Turquie dans une Europe dont le Royaume-Uni continuerait de faire partie donnerait à des millions de migrants le droit de vivre et de travailler sur le sol britannique. Du côté des partisans du maintien du pays dans l’Union européenne, on accusait le sémillant Boris d’outrance. Aujourd’hui, les déclarations du porte-drapeau du « Leave » prouvent que, justifiées ou non, ses mises en garde d’alors n’étaient de sa part destinées qu’à la galerie. Il vient d’annoncer que le Royaume-Uni soutiendra la Turquie dans sa démarche pour rejoindre l’UE.
Boris Johnson, l’homme du Brexit… et de l’accueil de la Turquie dans l’UE
Boris Johnson est en Turquie depuis mardi pour sa première visite officielle, au cours de laquelle il a promis que la Grande-Bretagne « aidera la Turquie de toutes les façons » dans son projet, aujourd’hui que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. Rencontre avec Erdogan, poignée de main, photos : la visite se déroule sans anicroche, alors même que Boris Johnson avait remporté une compétition du Spectator invitant ses lecteurs à écrire un poème satirique sur le président turc à la suite des poursuites engagées en Allemagne contre un poète accusant Erdogan de bestialité. Pour Johnson, c’est une « broutille », il s’est dit ravi de ce que l’affaire n’ait pas été soulevée au cours de ses rencontres en Turquie.
Il faut dire que la bienveillance du ministre britannique des affaires étrangères et les promesses d’assistance à la Turquie ont dû arrondir bien des angles.
Boris Johnson n’a pourtant pas renoncé aux déclarations banales pour se faire bien voir d’Ankara : il s’est déclaré « l’heureux propriétaire d’une magnifique machine à laver turque, qui fonctionne très bien ». Car bien sûr, Johnson, à l’ascendance riche et cosmopolite à la fois américaine, anglaise, allemande, juive et… turque, apparenté à la plupart des familles royales d’Europe, s’occupe lui-même de son linge sale – mais ne se contente pas de le laver en famille.
A Ankara, Boris Johnson promet d’aider la Turquie à entrer dans l’Union européenne
Il s’exprimait lors d’une conférence de presse cordiale où il était flanqué de son homologue turc, Ömer Çelik. Ce dernier a certes critiqué la « méchante rhétorique anti-turque » de Johnson au cours de la campagne pour le Brexit, mais il a simplement invité à ce que l’on ferme cette « vilaine parenthèse pour regarder vers l’avenir ». Quelques jours plutôt, Johnson avait déjà fait savoir que le Royaume-Uni souhaite construire un « méga accord de libre échange » avec la Turquie. L’ancien maire de Londres a répété lors de la conférence : « Nous avons la chance au Royaume-Uni d’être l’un des plus importants récipiendaires de biens turcs. » Et d’ajouter que la Turquie reçoit chaque année 2,5 millions de touristes britanniques : « C’est un extraordinaire acte de gentillesse », a-t-il déclaré. Et de plaisanter sur le fait que lui comme Çelik sont tous deux descendants des Ottomans, en rappelant son cousinage avec le défunt diplomate turc, Zeki Kuneralp.
Boris Johnson, du cosmopolitisme au Brexit
Bref, on peut faire campagne pour la souveraineté de son pays une partie de l’année, et la suivante, promouvoir l’intégration turque dans l’Europe. De la part de Boris Johnson, il ne faudrait peut-être pas trop s’étonner. Il fait parti d’un monde de puissants qui n’a pas d’hostilité de principe à l’égard de l’abolition des frontières. Son propre père, Stanley Johnson, fut tour à tour expert anti-pollution à la Banque mondiale, membre de la Fédération internationale du planning familial, collaborateur à la Commission européenne et député européen britannique, non sans être primé par Greenpeace pour « services exceptionnels rendus à l’environnement », révèle sa fiche Wikipédia. Il était l’un des artisans de la conférence sur la population du Caire, qu’il a saluée comme le moment historique où l’on a enfin pris en compte le besoin de contrôler la natalité dans le monde.
On n’est certes pas obligé d’épouser les causes de ses ascendants. Mais c’est un contexte qui permet de comprendre l’homme qui aujourd’hui se montre le meilleur ami de la Turquie.