Boxeurs femmes : l’arc-en-ciel défend son bifteck

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Dans l’affaire des deux boxeurs femmes, dont l’Algérien qui a gagné un titre en compétition féminine, les médias grand public ont déchaîné toute la puissance de feu de leur propagande pour faire croire que ceux qui mettent en doute les allégations officielles présentant les boxeurs comme des femmes sont soit des incompétents, soit des corrompus, soit des agents de Poutine, soit des nigauds manipulés sur les réseaux sociaux par l’extrême droite. L’arc-en-ciel, qui s’enracine aux Jeux Olympiques, on l’a vu lors de la cérémonie d’ouverture, s’est en outre exprimé par la voix de Thomas Bach, président du CIO, qui affirme solennellement que ces boxeurs sont des boxeuses et ces hommes des femmes, sans tenir compte des sanctions prises par la fédération internationale de boxe amateur (IBA), ni du dossier médical de l’affaire, présenté en conférence de presse par des médecins responsables de tests scientifiques. La révolution arc-en-ciel fait feu de tout bois pour défendre son bifteck.

 

La presse arc-en-ciel en pleurs sur ces pauvres femmes

Libération se désole : « Le noble sport plongé dans l’ignoble polémique visant l’Algérienne Imane Khelif. » Le Parisien relativise : « Avec Imane Khelif et Lin Yu-Ting, une polémique vieille comme le sport féminin. » Puis condamne : « La boxeuse algérienne est la cible d’insultes. » Et enfin ironise : « L’association internationale de boxe a organisé une conférence de presse lunaire. » La presse étrangère est dans le ton. A Ioannis Filippatos, président de la fédération européenne de boxe et ancien président du comité médical de l’IBA, gynécologue obstétricien, venu expliquer la position de cette fédération et les tests sur lesquels elle se fonde, un journaliste anglo-saxon a demandé « combien il est payé par l’IBA ». Pour la grande majorité de la presse, l’affaire est entendue, les boxeurs exclus par l’IBA sont bien des femmes, et elles sont victimes d’une campagne de dénigrement ignoble. Cette conviction devient une certitude d’autant plus sacrée que Donald Trump et Giorgia Melloni demandent des explications, la dernière déplorant que les combats n’aient pas été menés « sur un pied d’égalité ».

 

Fugues de Bach et bifteck de Thomas

Pour déconsidérer l’IBA et ses procédures, le CIO rappelle qu’il ne recourt plus à elle pour l’organisation des Jeux olympiques, mettant en doute sa gestion. Cela ne date pas d’hier, loin de là. Depuis 2019, la fédération est dans la ligne de mire du Comité olympique. Le CIO lui reproche un manque de transparence financière et critique sa gouvernance. Malgré la nomination d’un nouveau président en 2020, un Ukrainien, Omar Kremlev, aujourd’hui accusé d’être pro Poutine. Depuis Tokyo, le CIO a décidé de prendre en main l’encadrement des tournois de boxe olympiques, donc, à la fois de toucher l’argent y afférent et de décider des critères d’éligibilité. C’est la guerre ouverte entre les deux organisations. Or, Thomas Bach, qui s’appuie sur la mauvaise gestion de l’IBA pour fonder sa décision (sans présenter de dossier justificatif) a été lui-même mis en cause lors de son élection à la tête du CIO en 2013. Il avait été introduit dans le milieu par Horst Dassler, président d’Adidas, gravement impliqué dans le scandale des commissions occultes de la société ISL associée au CIO. Il avait été en outre l’avocat d’Adidas et, pour une rémunération de 400.000 euros par an, du géant Siemens, qui obtint les principaux contrats de fourniture des infrastructures des JO de Pékin. L’homme s’y connaît donc en gestion des conflits d’intérêt, et gagne d’ailleurs correctement son bifteck : 275.000 euros annuels en 2023, sans ses frais, indemnités quotidiennes et administratives.

 

Le passeport des boxeurs précise que ce sont des femmes

Voilà l’homme qui a prétendu trancher le cas des boxeurs femmes en une déclaration : « Soyons très clairs ici. Nous parlons de boxe féminine. Et nous avons deux boxeuses qui sont nées femmes, qui ont été élevées comme femmes, qui ont marqué femme sur leur passeport et qui ont concouru pendant de nombreuses années en tant que femmes. Et c’est la définition claire d’une femme. (…) Ce que nous constatons maintenant, c’est que certains veulent s’approprier la définition de qui est une femme. Et là, je ne peux que les inviter à proposer une base scientifique, une nouvelle définition de qui est une femme, et comment une personne née, élevée, concourant et possédant un passeport en tant que femme ne peut-elle pas être considérée comme telle. » A son secours, les journaux ont fortement agité deux mots : « l’hyperandrogynie », caractérisée par un aspect masculin et une forte production de testostérone, et « intersexués » qui s’applique aux individus dont les caractères sexuels apparents ne sont pas évidemment déterminés à la naissance.

 

Quid de boxeurs et des boxeuses en Algérie, pays musulman ?

La conférence de presse à laquelle a participé le docteur Ioannis Filippatos avait précisément pour ambition de répondre à Thomas Bach et de chercher « une base scientifique » pour trancher la question. Le premier argument de Bach est que les boxeurs ont des passeports de femmes. Filippatos a rappelé que cette fiction administrative ne renseigne en rien, aujourd’hui, sur la réalité scientifique : « Un passeport peut nous donner la possibilité d’être des hommes et, demain, quand je rentrerai à Athènes, je pourrai aller voir mon gouvernement et changer mon nom de Ioannis en Ionnia. Cela signifie-t-il que demain, je serai une femme ? » Le deuxième est qu’elles ont boxé « de nombreuses années » comme femmes. Dans les cas de Khélif, pas tant. Il a d’abord choisi le football. Et l’on ne trouve en ligne rien sur sa carrière en Algérie, ni même sur la fédération de boxe féminine et ses compétitions : ce n’est pas dans le pays que Clint Eastwood aurait pu tourner Million dollar baby. De toutes manières, ce n’est pas une inscription administrative qui peut décider de son identité. Et le témoignage de la boxeuse française Emilie Sonvico, pour qui « il n’y a pas de doute » que Khélif soit une femme n’apporte rien.

 

Caster Semenya, « biologiquement homme » et championne ?

Deux autres arguments ont plus de poids : elles sont « nées femmes » et auraient été « élevées en femmes ». Le premier peut maintenant être opposé aux partisans de la théorie du genre : contrairement à ce que prétendait Simone de Beauvoir, on ne devient pas femme, on naît femme. On ne demanderait pas mieux que de croire Bach, s’il présentait des preuves. La famille de Khélif peut très bien l’avoir élevée en femme parce que, dans le bled où il est né, le médecin local, s’il a été consulté, n’a pas sur discerner sa véritable identité à travers les caractères ambigus de l’intersexué qu’il ou elle était. Cela s’est vu, et, pour s’en tenir au sport, ce fut le cas du Sud-Africain Caster Semenya, champion du monde du 800 mètres féminin en 2009, et double champion féminin olympique (2012 et 2016) qui avait toujours été considéré comme une fille simplement parce que ses testicules n’étaient pas descendus. En 2019, la Fédération internationale d’athlétisme a reconnu que c’était « biologiquement un homme ». Il a épousé une jeune femme avec qui il a eu un enfant par insémination artificielle.

 

Les chromosomes n’impressionnent pas l’arc-en-ciel

Les déclarations de Bach n’ont donc aucune valeur probante et la seule chose qui puisse trancher la question est : à quels tests les deux boxeurs ont-ils été soumis, et que disent ces tests ? Voilà ce qu’a déclaré Filippatos à ce sujet : en 2022, des tests effectués par un laboratoire indépendant à Istanbul ont révélé des « anomalies ». C’est pourquoi aux championnats du monde en Inde en 2023, les boxeurs ont passé de nouveaux tests. Un pour la testostérone, l’autre pour examiner les chromosomes (caryotype). Le médecin est formel : « Le résultat médical des tests sanguins – et ce sont les laboratoires qui le disent – montre que ces deux boxeuses sont des hommes. (…) Le problème est que nous avons deux tests sanguins avec des caryotypes d’hommes. C’est la réponse du laboratoire. » Un test peut toujours être erroné. C’est pourquoi les deux boxeurs ont été informés par écrit des résultats du test. L’IBA a offert à Khélif et Lin la possibilité de faire appel des résultats auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS), en proposant de couvrir la plupart des frais de justice pour faciliter la procédure. Lin Yu-Ting a décidé de ne pas faire appel de la décision, tandis qu’Imane Khélif a d’abord fait appel, avant de se rétracter. La question est donc tranchée. Mais l’arc-en-ciel va continuer un battage maximal pour semer le doute dans l’esprit du public et discréditer ses adversaires.

 

Pauline Mille