Après la « facture » du Brexit, l’UE brandit la question de la frontière entre l’Irlande et l’Ulster pour bloquer les négociations avec le Royaume-Uni

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A peine Theresa May avait-elle fini par cédér aux exigences exorbitantes de l’Union européenne, acceptant le principe d’avoir à payer environ 50 milliards d’euros pour solde de tout compte, que l’UE a brandi une nouvelle condition préalable au démarrage des négociations en vue d’un accord commercial : la question de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Si le Premier ministre britannique pensait débloquer ces négociations, c’est donc raté.
 
Soutenu par Bruxelles, le premier ministre irlandais Leo Varadkar promet d’opposer son veto à de telles négociations si le Royaume-Uni n’accepte pas d’abord le principe d’une absence totale de contrôles frontaliers entre la République d’Irlande et l’Ulster. Pour cela, M. Varadkar propose que le Royaume-Uni reste membre du Marché commun et de l’Union douanière, ce qui reviendrait à rester soumis aux règles de Bruxelles, ou bien que les contrôles douaniers se fassent entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne, ce qui porterait un coup à l’unité du Royaume-Uni.
 

Les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE toujours bloquées après la capitulation de Theresa May, cette fois sur la question de l’Irlande

 
Le parti nord-irlandais DUP, qui assure aux Tories une majorité absolue à Westminster, a déjà fait savoir qu’il n’accepterait aucune solution qui pourrait être un premier pas vers la réunification de l’Irlande et la séparation de l’Ulster du reste du Royaume-Uni. Parallèlement, à Londres, Mme May semble prise en étau entre un parti travailliste dont le chef, Jeremy Corbyn, n’exclut pas un nouveau référendum sur le Brexit en cas de victoire aux élections, et les députés Tories qui menacent de voter contre un accord impliquant le paiement à Bruxelles de 50 milliards d’euros. Si bien que le ministre de la Santé, Jeremy Hunt, a prévenu les députés rebelles qu’il n’y aurait pas de Brexit du tout s’ils ne soutenaient pas Theresa May dans ces négociations.
 
Le négociateur de l’UE Michel Barnier avait donné jusqu’à ce lundi au gouvernement britannique pour trouver un accord avec le gouvernement irlandais, afin de pouvoir présenter son rapport sur l’avancée des négociations au prochain Conseil de l’UE qui se tiendra les 14 et 15 décembre prochain. Le Premier ministre irlandais prend lui-même de gros risques, car son chantage aux négociations, peut-être en vue d’une future réunification de l’Irlande, pourrait aussi déboucher sur l’instauration de la frontière physique que Dublin, Londres et Belfast voudraient justement éviter. Avant l’adhésion de la République d’Irlande et du Royaume-Uni à l’UE, une Zone commune de voyage (CTA) permettait la libre circulation entre les deux parties de l’Irlande depuis… 1923.
 

Theresa May soupçonnée de préparer un futur renoncement au Brexit à Londres

 
La voix de la raison vient non pas des leaders politiques réputés « raisonnables » mais des « populistes », comme le montrent une fois de plus les propositions de Nigel Farage pour débloquer la situation : négocier la libre circulation en Irlande en échange d’une liberté totale de transit par le Royaume-Uni des camions de marchandises entre la République d’Irlande et le reste de l’UE.
 
Mais pour le moment, la stratégie qui se confirme à Bruxelles consiste non pas à rechercher des modalités de sortie du Royaume-Uni optimales pour les deux parties, ou plutôt pour les 28 parties, mais au contraire à faire payer cher leur décision aux Britanniques afin de dissuader les autres peuples qui pourraient vouloir quitter l’UE. Le Royaume-Uni pourrait bien quitter l’UE sans accord, mais Theresa May, qui avait milité pour rester dans l’UE, est au contraire soupçonnée par une partie des commentateurs de préparer un futur renoncement au Brexit.
 

Olivier Bault