Faute d’avancées, il n’y aura pas de sommet européen supplémentaire en novembre : vers un Brexit dur ou un deuxième référendum ?

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A 6 mois de la date butoir pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les négociations sont toujours au point mort, à tel point qu’un sommet européen spécial prévu pour le mois de novembre a finalement été annulé. Et c’est la seule chose qui a pu être convenue à propos du Brexit au sommet européen du 17 octobre. C’est toujours la question de la frontière entre République d’Irlande et Irlande du Nord qui sert de prétexte au blocage des négociations. Alors que son « plan de Chequers » n’est pas soutenu par les partisans du Brexit au sein de son propre Parti « conservateur » et a été rejeté par les 27 au sommet de Salzbourg, Theresa May, répondant au Parlement à une question du leader du Parti travailliste Jeremy Corbyn, vient d’affirmer que ce plan n’était pas mort.
 

Un sommet européen où il n’a pu être convenu que d’annuler le prochain sommet européen

 
En gros, l’alternative proposée aujourd’hui aux Britanniques par, d’un côté, Mme May et les anti-Brexit de son gouvernement et, d’un autre côté, la Commission européenne soutenue notamment par la France et l’Allemagne, c’est soit que le Royaume-Uni reste dans l’union douanière européenne en continuant de se soumettre aux règles de l’UE sans plus pouvoir participer à leur élaboration, soit qu’il sorte de cette union douanière mais sans l’Irlande du Nord. Tout ceci afin d’éviter d’avoir à rétablir des contrôles à la frontière entre les deux Irlande et ne pas remettre ainsi en cause les accords de paix de 1999. Le plan de Chequers de Mme May est une version un peu adoucie de la première option. Mais le Premier ministre britannique a aussi laissé entendre peu avant le sommet européen du 17 octobre que des procédures douanières pouvaient être envisagées entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord si son « plan de Chequers » n’était pas possible. Ce faisant, elle est revenue sa promesse – une volte-face de plus – de ne jamais accepter aucune sorte de contrôle douanier à l’intérieur du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
 

La frontière en Irlande, instrument du blocage des négociations

 
Cette ouverture a toutefois été tuée dans l’œuf par le DUP, le parti unioniste nord-irlandais sans lequel les Tories n’ont plus la majorité absolue à la Chambre des communes depuis les élections convoquées en juin 2017, supposément pour disposer d’un mandat fort pour négocier les conditions du Brexit avec les 27. Les unionistes ont prévenu Theresa May qu’ils feraient tomber son gouvernement en votant contre le budget le 29 octobre prochain si elle proposait à Bruxelles une quelconque forme de contrôle en mer d’Irlande. Du reste, une telle remise en cause de l’unité du pays ne s’arrêterait pas là puisque le SNP écossais, qui dispose de la majorité au parlement d’Édimbourg, a déjà dit par le passé qu’en cas d’accord permettant à l’Ulster de rester dans le Marché unique, l’Ecosse demanderait la même chose pour elle-même. Que ce soit avec un accord prévoyant une forme de partition du pays ou un accord se résumant à un semi-Brexit, c’est-à-dire à une soumission aux règles européennes et à la juridiction de la Cour de Justice de l’UE comme le prévoit le « plan de Chequers », les députés Tories pro-Brexit réunis autour de Jacob Rees-Mogg promettent eux aussi de faire tomber le gouvernement de Mme May.
 

Le gouvernement de Theresa May sous la menace des pro-Brexit et des unionistes irlandais

 
La proposition du Premier ministre formulée au sommet du 17 octobre et consistant à prolonger la période de transition post-Brexit afin de se donner plus de temps pour négocier n’est pas non plus appréciée dans le camp des partisans du Brexit, où l’on ne voit pas pourquoi les négociations pourraient avancer après le Brexit dans la mesure où elles piétinent déjà depuis deux ans. Boris Johnson et David Davis, les deux ministres démissionnaires de juillet – après l’annonce du « plan de Chequers » – ont publié dans le Telegraph une nouvelle lettre ouverte à Theresa May pour critiquer sa méthode de négociation et exiger un vrai Brexit débouchant sur un Royaume-Uni pleinement souverain. Chacun des deux hommes est perçu comme pouvant potentiellement prendre la place de Mme May si son gouvernement devait tomber. Ils auront toutefois du mal à réunir une majorité pro-Brexit au Parlement de Westminster, et c’est sans doute ce qui permet à Theresa May de continuer de gouverner sous le feu des critiques.
 
Dans ces conditions, les dirigeants européens ont beau jeu d’expliquer qu’il est difficile de négocier avec un Premier ministre britannique sans mandat fort et incapable de préciser ce que le Royaume-Uni veut exactement. Mais en réalité, ce qui a poussé le Royaume-Uni et l’UE dans l’impasse, c’est l’inflexibilité du « négociateur » européen Michel Barnier, qui ne fait que réitérer inlassablement les mêmes positions de l’UE, et les trahisons successives de Theresa May par rapport aux promesses de son discours de Lancaster de janvier 2017. Une impasse où il devient de plus en plus facile aux partisans du maintien du Royaume-Uni dans l’UE de demander un deuxième référendum
 

Depuis le début des « négociations », tout se passe comme si Theresa May et Michel Barnier essayaient ensemble d’imposer un deuxième référendum

 
Comme si Theresa May (qui avait milité contre le Brexit lors de la campagne référendaire de 2016) et Michel Barnier avaient agi depuis le début avec un même but : empêcher le Brexit. « On s’en fout de la semaine verte en Grande-Bretagne », s’exclame Delingpole cette semaine sur le site Breitbart London, « où est notre Brexit ? ». Quant à Boris Johnson et David Davis, ils préviennent Theresa May et les « élites » politiques, en cas de sabotage du Brexit : « Le peuple britannique ne le [leur] pardonnera pas ».
 

Olivier Bault