L’« icône », la légende, l’incarnation de la francité n’est plus… Brigitte Bardot est morte dimanche matin à 91 ans et le concert de louanges est unanime. La disparition de la star du cinéma des années de la révolution sexuelle fait couler des tonnes d’encre dans le monde entier, focalisant les regards sur une France qui n’est plus et que d’ailleurs, elle regrettait amèrement. Certes, il y avait le rappel des fausses notes, d’un bilan contrasté en raison de ses prises de position en faveur du Front national et contre l’islam. Elle était belle, si belle qu’on lui en veut à peine de ne s’être pas tue…
Voyez l’hommage sans réserve d’Emmanuel Macron sur X : « Ses films, sa voix, sa gloire éblouissante, ses initiales, ses chagrins, sa passion généreuse pour les animaux, son visage devenu Marianne, Brigitte Bardot incarnait une vie de liberté. Existence française, éclat universel. Elle nous touchait. Nous pleurons une légende du siècle. » Et pourtant elle l’avait tancé, lui reprochant ouvertement son « mépris des Français » qui « le lui rendaient bien ».
La Croix a fait sa une sur « les paradoxes d’une étoile », notant que « ses paradoxes ont pu brouiller son image ». Pour le quotidien catholique, la scandaleuse de Saint-Tropez a été admirable par son passé, mais son image a un peu perdu de son éclat à cause de son rapprochement avec l’« extrême droite ». Et pourtant… Quelle vie tragique, d’avortements revendiqués (dès l’âge de 17 ans) en maternité dénigrée, de mariages et de divorces à répétition en tentative de suicide – c’est en 1960 qu’elle s’est ouvert les veines et a manqué de mourir.
Brigitte Bardot fut avant tout une fausse « icône » de la Révolution
Si elle a été aussi largement excusée, c’est pour de mauvaises raisons. Vous me pardonnerez de ne pas me joindre aux oraisons funèbres dithyrambiques. De ne pas voir en « BB » à la fois un symbole admirable et une femme qui a eu le courage de ses opinions, et dont l’image, le corps, l’indépendance « dérangeaient une société qui supportait mal qu’une femme refuse les rôles assignés et s’affranchisse des normes dominantes » comme l’écrit Tribune chrétienne dans un article lénifiant.
Vous me pardonnerez de ne pas l’honorer comme une image exemplaire de la France de jadis. Je la plains plutôt d’avoir été utilisée sans scrupules au service de la Révolution au moment où la France commençait à basculer dans la logique de Mai-68.
« BB » ne fut pas politiquement correcte, mais dans sa rébellion contre l’ordre établi, elle était exemplaire, et dans notre monde post-chrétien, cela pardonne tout. La qualifier d’« icône », comme cela a été fait à longueur de reportages, d’articles et d’hommages, frise le blasphème. Une icône, c’est religieux, c’est sacré ; l’icône dirige les regards vers ce qui nous transcende. Brigitte Bardot incarna au contraire la sensualité, le libertinage, la révolution sexuelle. Elle en fit le langage partagé de la « culture » des années 1960 et au-delà.
Beaucoup à cause d’elle, la pudeur et la modestie cessèrent d’être désirables ; elles devinrent ringardes. La culture de mort avait son boulevard.
Tout commença en 1956 avec son mambo endiablé – le terme est propre – dans Et Dieu… créa la femme. Brigitte Bardot attirait les regards d’une génération qui commençait déjà à perdre la foi, et le sens moral qui va avec : la convoitise des hommes, l’envie ou le désir d’émulation des femmes.
Brigitte Bardot : petite nécrologie sans complaisance
Une anecdote le résume. L’actrice Joan Collins se souvient de sa seule et unique rencontre avec la star, au milieu des années 1950 : « J’avais une vingtaine d’années et j’étais assise dans le bar d’un hôtel à Rome, entourée d’hommes, quand Brigitte est entrée », a-t-elle raconté à la journaliste britannique Celia Walden. « Elle portait une minuscule robe blanche, et presque tous les hommes présents m’ont tourné le dos… pour se diriger droit vers elle. » « N’étant ni jalouse ni complexée, Dame Joan décidait alors sur-le-champ : “Il faut que je m’achète une robe comme ça” », commente la journaliste…
Ou un bikini comme ça, ou pourquoi pas un simple Chanel n° 5 connu pour habiller d’un rien ?
On ne mesure pas aujourd’hui le scandale que représentaient alors les films, les déshabillés, les révoltes revendiquées, la « libération » que Brigitte Bardot prêchait en actes. Prédication réussie, sinon unique : les scandales des années 1950 et 60 sont peu à peu devenue la norme aujourd’hui, au point que la vêture décente est aujourd’hui vue comme un truc d’intégriste ou de musulmanes, et que l’IVG, loin d’être une opération dangereuse et douloureuse obtenue en Suisse – par deux fois, en ce qui concerne « BB » – est désormais gravée dans le marbre de la Constitution française. Elle n’y est pas pour rien.
Brigitte Bardot s’est convertie, au bout de vingt années de tournages et une petite cinquantaine de films, en défenseur de la cause animale. Sans douter de sa sincérité, on peut souligner que celle-ci est d’autant plus largement consensuelle que la valeur de la vie humaine n’a cessé de s’effondrer aux yeux du monde – et je ne parle pas des morts des guerres ou des génocides.
Brigitte Bardot au service de la « libération » de Mai-68
La « libération » dont elle aura été un moteur et un symbole mondialement connus a en réalité répandu un esclavage du mal qui se traduit en vies naissantes détruites, en familles éclatées, en écroulement sociétal. Il n’est pas interdit d’interdire, le politiquement correct le prouve, mais ce qui était interdit hier est devenu acceptable, voire impérativement accepté. Médiapart titrait dimanche : « Avec Bardot, on passe d’une société fanée, percluse de moralisme, à Mai-68. » Voilà qui, vu d’en face, conte son histoire en peu de mots.
Non, vraiment, il n’est pas l’heure de chanter la gloire de Brigitte Bardot, mais de prier pour le repos de son âme. Ayant tourné le dos à la pratique religieuse catholique, elle avait néanmoins aménagé dans son domaine de La Madrague une petite chapelle en l’honneur de la Vierge, dont elle disait : « Elle m’a beaucoup protégée dans ma vie, sinon je ne serais plus là. »
Voilà ; elle n’est plus là ; qu’elle obtienne le pardon – et que notre monde sans joie prenne la mesure de la Révolution qui voudrait le conduire à sa perte.











