Un député vétérinaire avertit qu’une partie de la viande estampillée hallal, au Royaume-Uni, finirait dans les assiettes des Britanniques, à leur insu. Un scandale ? Dans la capitale qui accueillit cet été le plus grand festival de nourriture hallal d’Europe, ce n’est même plus certain. Et puis, de toute façon, c’est toute la logique d’un système permis et promu par le gouvernement. Le plus étonnant dans l’histoire est que nos contemporains d’outre-Manche… s’en étonnent !
Dans l’assiette des Britanniques
Le député conservateur Lord Sandy Trees est le seul vétérinaire de la Chambre des Lords, précisément ancien président du Royal College of Veterinary Surgeons – et à ce titre particulièrement audible sur le sujet. Il a récemment déclaré, comme le rapporte le DailyMail, que de la viande certifiée halal se retrouvait dans le circuit classique britannique, tout particulièrement dans les tartes et les plats cuisinés. Et que les Britanniques consommaient donc malgré eux de la viande d’animaux égorgés sans être étourdis…
« Il est presque certain que de la viande d’animaux qui n’ont pas été étourdis entre dans la chaîne alimentaire normale. Bien entendu, de nombreuses personnes du public n’en sont pas conscientes. D’autres personnes recevront cette viande sous une forme transformée. Il est très difficile d’avoir une traçabilité précise lorsque la viande peut traverser la chaîne alimentaire et passer entre les mains de plusieurs personnes différentes. »
Dans Veterinary Record, journal officiel de l’Association vétérinaire britannique, il a appelé à ce que toute la viande soit clairement étiquetée « étourdie » et « non étourdie » pour s’assurer que le public sache ce qu’il achète.
De la viande de plus en plus halal
Il a d’autre part interpellé la Chambre, au cours du débat « Abattoirs : abattage rituel », sur la forte augmentation de ce marché, ou plutôt du nombre de bêtes tuées sans étourdissement. Le nombre de moutons abattus de la sorte au Royaume-Uni a en effet doublé au cours des six dernières années, selon les chiffres officiels.
En 2017, un peu plus d’un quart (27 %, soit 3,3 millions) des moutons et des chèvres n’étaient pas étourdis avant l’abattage. Une enquête de l’Agence des normes alimentaires pour l’Angleterre et le Pays de Galles a estimé que 184 millions de volailles et 21 000 bovins ont également été abattus sans un effet paralysant, la même année.
« Je crains que nous n’ayons pas beaucoup progressé » ! a lancé Lord Sandy Trees, en se demandant même si le Royaume-Uni n’allait pas « en arrière » sur la question…
L’étiquette, c’est ringard
Mais le progrès, c’est dans quel sens exactement ?… Bien qu’on n’ait jamais autant parlé de bien-être animal et que de nombreux experts demandent un changement de loi afin que tous les animaux soient étourdis avant d’être tués, « il y a des problèmes pour demander une interdiction », comme dit Lord Trees.
Le conservateur Lord Gardiner l’a répété : le gouvernement préférerait que tous les animaux soient étourdis avant l’abattage, mais il respecte le droit des communautés juives et musulmanes de consommer de la viande conformément à leurs pratiques religieuses… David Cameron l’avait affirmé avant lui : chasse gardée !
Et de fait, mécaniquement, le marché de la viande halal s’étend. D’abord parce qu’il est difficile de séparer les chaînes d’abattage rituel ou non rituel et que les producteurs n’aiment pas les pertes… une partie de la production hallal passe régulièrement dans le réseau « classique ». D’autre part, parce qu’on cède, dans les espaces publics à la pression des minorités.
Déjà, en 2010, le même DailyMail avait révélé qu’écoles, hôpitaux, restaurants, pubs et des lieux sportifs célèbres tels Ascot et Twickenham, servaient d’autorité de la viande halal à leurs clients. Et que les principaux supermarchés comme Waitrose, Marks & Spencer ou Sainsbury’s avaient tous reconnu qu’ils vendaient de la viande issue de l’abattage rituel sans en informer les consommateurs… Encore une fois, les raisons en étaient la pression communautaire, le choix délibéré de s’y complaire ou encore un opportunisme financier.
Ce qui fait que même dans les régions de Grande-Bretagne avec une très faible population musulmane, la viande hallal est consommée d’une façon anormale.
Un soft power en terrain à conquérir ?
Et pourtant, comme le soulignait Florence Bergeaud-Blackler, chercheuse au CNRS, dans son livre Le marché halal ou l’invention d’une tradition, le marché halal est une « tradition inventée », apparue au début des années 1980. Le Coran ne stipule rien sur l’étourdissement. C’est dans les pays occidentaux que la pratique s’est répandue – un soft power comme un autre pour, et d’une, établir une différenciation, une communautarisation, ne surtout pas se mélanger, et de deux, marquer le marché lui-même et forcer in fine les consommateurs non musulmans.
Partout, dans les pays occidentaux, c’est une augmentation croissante. En France, un rapport confidentiel du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux a révélé, il y a six ans, qu’ « alors que la demande en viande halal devrait correspondre à environ 10 % des abattages totaux, on estime que le volume d’abattage rituel atteint 40 % des abattages totaux pour les bovins et près de 60 % pour les ovins ».
Malgré tous les risques sanitaires que cela représente et les souffrances de l’animal que cela génère.