Il est de bon ton dans les milieux globalistes de prendre en compte la désaffection des plus pauvres à l’égard du capitalisme qui a servi de moteur à la mondialisation et la réponse est toujours : « Plus d’Etat. » Le libre échangisme doublé d’une manipulation des économies par les Banques centrales seraient-ils en passe de justifier un nouveau « saut qualitatif brusque » vers un socialisme mondial ? A l’heure où la communauté globaliste salue sur tous les tons la « réussite » du modèle chinois, une tribune publié sur le site du Forum économique mondial dresse le portrait de la situation et recommande elle aussi une nouvelle solution étatiste. Zac Tate, stratège pour le compte du Hottinger Group, appuie avec délectation dans le sens de la gestion publique de l’économie mondiale.
Le chroniqueur cite le sondage YouGov selon lequel les trois quarts des adultes allemands, les deux tiers des Britanniques et plus de la moitié des Américains se disent persuadés que « les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches dans les économies capitalistes ».
Le Forum économique mondial de Davos constate, gourmand, la désaffection pour le capitalisme
Il est vrai que personne ne leur apprend que tout le monde (sauf une Nomenklatura cooptée) devient plus pauvre dans les économies socialistes, en tout cas dans les écoles publiques…
La faute ne reviendrait pas à la mauvaise presse liée au sauvetage des banques ou à l’austérité imposée dans divers endroits du globe, mais à la « conscience croissante au sein du monde riche du fait que la plupart des dividendes de la technologie et de la globalisation affluent vers les personnes disposant de capital à investir ainsi qu’aux personnes “bien éduquées” alors que ce sont les travailleurs sans formation, les producteurs locaux et toux ceux qui n’ont ni propriété immobilière ni épargne qui en supportent les coûts ».
Pour Zac Tate, ce n’est pas le capitalisme qu’il faut incriminer en tant que tel mais la libéralisation des échanges « au-delà des limites raisonnables » : dans un monde où trop peu de personnes disposent de capital, ce sont notamment les grands traités libre-échangistes qui créent des dégâts. Ainsi le traité NAFTA entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique a eu des effets immédiats sur les ouvriers des secteurs concernés : une étude évalue l’évolution de leur salaire entre 1990 à 2000 à 17 points de pourcentage de moins que chez les travailleurs dont les secteurs n’étaient pas exposés. Dans le même temps, l’automatisation a progressé : un robot fait le travail de six personnes aux Etats-Unis. Sur la même période, l’index S&P a crû, lui, de 250 % en termes réels.
Le globalisme, prétexte à plus d’Etat et plus de socialisme
Cette population laissée pour compte par le mondialisme a alimenté les urnes au profit de Trump, déplore l’auteur de la tribune.
L’heure est donc à la réaction : non pas, comme le prône Trump, par le jeu des souverainetés nationales protégeant les travailleurs contre la concurrence disproportionnée, ni par une réelle protection de la propriété individuelle qui aboutirait à une diffusion de la propriété (« Je ne dis pas qu’il y a trop de capitalistes, je dis qu’il n’y en a pas assez », disait en substance Chesterton…) mais en jouant sur le rejet de la liberté économique du « marché libre ».
L’auteur attire l’attention sur la solution proposée par Mariana Mazzucato de l’Institute for Innovation and Public Purpose de l’University College de Londres. Le tout nouvel Institut propose d’en finir avec l’idée que la richesse est le fruit de sociétés privées en concurrence. « Il faut comprendre que les économies sont implantées au sein d’institutions sociales et politiques. Cela oblige à étudier les réseaux en pleine évolution parmi les acteurs économiques et à identifier des dépendances de chemin historiques », écrit Zac Tate.
Derrière le charabia, une idée : c’est à l’Etat de jouer un rôle. Moins comme protecteur ou comme régulateur qu’en intervenant à part entière : « C’est lui qui a la capacité financière et organisationnelle pour créer et façonner de nouveaux marchés », assure Mariana Mazzucato. A lui aussi de jouer sur l’innovation et la recherche en « influençant le tempo et l’orientation du développement technologique ». C’est ainsi que cela s’est passé avec la naissance d’internet, argue l’économiste.
L’Etat, le socialisme et la lutte contre le réchauffement pour rendre tout le monde heureux !
Mais derrière cette volonté d’interventionnisme accru il y a bien sûr aussi la préoccupation climatique : « Il faut réduire la densité matérielle de l’ensemble de l’économie », annonce Mazzucato, promouvoir les produits durables et réparables (ce ne serait pas si mal, mais comment concilier cela avec les importations chinoises !), mais surtout privilégier la location par rapport à la propriété et à étendre « l’économie de partage ».
L’économie de partage, c’est le rêve communiste à l’état pur, où l’on n’a plus grand chose en propre.
Puisque les entreprises n’ont pas les reins assez solides pour assurer cette transition, attachées qu’elles sont au profit à court terme, il appartiendra donc aux gouvernements de prendre les initiatives et les banques d’investissement d’Etat seront chargées de financer le tout (et donc d’accaparer la propriété). Voilà qui permettra de créer et de soutenir des économies « vertes », et du même coup d’enrichir les pays pauvres du Sud… Le tout étant évidemment associé d’une redistribution des revenus par le biais des systèmes fiscaux. Quitte à « repenser les limites des marchés globaux ».
Ce sera, devine-t-on, un petit prix à payer pour parvenir à cette socialisation mondialisée.
L’histoire ne dit pas, évidemment, d’où viendront les sommes faramineuses « investies » par les gouvernements. Tombé du ciel, fabriqué par les banques centrales, peut-être. Mais pour l’essentiel et comme toujours, il faudra bien aller le chercher là où il est ; dans la poche des contribuables.