Nos lecteurs qui se souviennent de la fin des années 1970 ont peut-être vécu cette expérience survenue dans ma famille dans une église conventuelle quelque part dans le Morbihan : voulant communier à genoux, mon père s’était pris de la part du prêtre qui s’apprêtait à lui donner l’hostie un coup de pied dans les jambes afin qu’il se relevât. La méchanceté du geste offrait un violent contraste avec le sens de l’Eucharistie, sacrement de l’amour infini, de l’amour qui dépasse tout ce que nous pouvons concevoir où le Christ qui s’est livré en sacrifice pour notre rachat se donne tout entier, corps et sang, âme et divinité, à chacun qui s’approche de la sainte table. L’esprit de ce prêtre-là revit aujourd’hui : le cardinal Blase Cupich, qui prêche « l’ouverture » à tous, a déclaré la guerre contre ceux qui veulent se mettre à genoux pour recevoir avec le plus grand respect… Dieu lui-même.
Le cardinal Cupich, donc, a adressé une lettre aux fidèles dans le journal Chicago Catholic pour dénoncer, en substance, le caractère ostentatoire et égocentrique de la communion à genoux, allant jusqu’à invoquer la prétendue « tradition » de l’Eglise pour proscrire cette pratique au nom de l’adage « lex orandi, lex credenda » (sic : le cardinal ne connaît pas la véritable locution latine, qui est lex orandi, lex credendi : la loi de la prière est la loi de la foi). La manière dont on prie est indissociablement liée à ce que l’on croit…
Que pense vraiment le cardinal Blase Cupich de la communion ?
Est-il autorisé de croire que le cardinal Cupich, si prompt à « présider » une messe LGBT aux couleurs arc-en-ciel dans son diocèse et grand supporter de la déclaration Fiducia supplicans autorisant la bénédiction de couples « irréguliers » et de même sexe, n’a de la présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, qu’une conception très limitée ?
Il ne fait que l’effleurer, en tout cas, dans sa lettre du 11 décembre dernier dont voici la traduction intégrale :
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La lettre du cardinal Cupich sur la communion à genoux
Nous avons tous bénéficié du renouveau de l’Eglise inauguré par le concile Vatican II. Ce rassemblement des évêques catholiques du monde entier et des chefs des ordres religieux masculins s’est déroulé en quatre sessions, de 1962 à 1965.
Seize documents relatifs au renouveau de l’Eglise ont finalement été publiés, mais il est significatif que les pères conciliaires aient décidé que leur premier document aborderait le thème de la restauration de notre mode de culte. Ils ont pris au sérieux l’ancienne maxime « lex orandi, lex credenda », une expression souvent associée à Prosper d’Aquitaine, écrivain chrétien du Ve siècle. Elle signifie simplement que la loi de la prière établit la loi de la croyance.
En reconnaissant cette relation entre la manière dont nous célébrons le culte et ce que nous croyons, les évêques du concile ont clairement indiqué que le renouveau de la liturgie dans la vie de l’Eglise est au cœur de la mission de proclamation de l’Evangile. Ce serait une erreur de réduire le renouveau à une simple mise à jour de notre liturgie pour l’adapter à notre époque, comme s’il s’agissait d’une sorte de lifting liturgique. Nous avons besoin de la restauration de la liturgie parce qu’elle nous donne la capacité de proclamer le Christ au monde.
Ainsi, par exemple, le Concile a appelé à la participation pleine, active et consciente de tous les baptisés à la célébration de l’Eucharistie pour refléter notre conviction que, dans la liturgie sacrée, les fidèles deviennent le Corps du Christ qu’ils reçoivent.
Notre rituel de réception de la Sainte Communion revêt une signification particulière à cet égard. Il nous rappelle que la réception de l’Eucharistie n’est pas une action privée mais plutôt communautaire, comme l’implique le mot même de « communion ». C’est pourquoi la norme établie par le Saint-Siège pour l’Eglise universelle et approuvée par la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis est que les fidèles avancent ensemble en procession pour exprimer qu’ils s’avancent en tant que Corps du Christ et qu’ils reçoivent la Sainte Communion debout.
Il est important de rappeler que les processions font partie de la liturgie depuis les premiers jours de la pratique chrétienne. Elles nous donnent une expérience concrète de ce que signifie être un peuple de pèlerins, en nous aidant à garder à l’esprit que nous cheminons ensemble vers la plénitude du banquet céleste que le Christ a préparé pour nous. C’est pourquoi nous entrons dans l’église par la procession, nous montons pour apporter les dons, nous recevons la Sainte Communion et nous sortons à la fin de la messe pour porter le Seigneur dans le monde.
Rien ne doit entraver l’une ou l’autre de ces processions, en particulier celle qui a lieu pendant le rituel sacré de la communion. Perturber ce moment ne fait que diminuer cette puissante expression symbolique, par laquelle les fidèles expriment ensemble leur foi dans le fait qu’ils sont appelés à devenir le Corps même du Christ qu’ils reçoivent. Certes, la révérence peut et doit être exprimée en s’inclinant avant la réception de la Sainte Communion, mais personne ne doit s’engager dans un geste qui attire l’attention sur soi ou perturbe le flux de la procession. Cela serait contraire aux normes et à la tradition de l’Eglise, que tous les fidèles sont invités à respecter et à observer.
La loi de la prière établit la loi de la foi, telle est notre tradition. Lorsque les évêques ont entrepris de restaurer la liturgie il y a six décennies, ils nous ont rappelé que ce principe ancien occupe une place privilégiée dans la tradition de l’Eglise. Il doit continuer à nous guider à chaque époque.
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Cette lettre pose plusieurs problèmes. Le cardinal Cupich « oublie » – et c’est une omission coupable – qu’une déclaration de la Conférence des évêques des Etats-Unis souligne certes que la « norme » pour la réception de la communion par les fidèles établit que ceux-ci la reçoivent debout, mais précise : « à moins qu’un membre individuel du laïcat ne désire recevoir la communion à genoux », invoquant à ce sujet le n° 91 de l’instruction de la Congrégation pour le Culte divin Redemptionis Sacramentum du 25 mars 2004 : « Tout baptisé catholique, qui n’est pas empêché par le droit, doit être admis à recevoir la sainte Communion. Par conséquent, il n’est pas licite de refuser la sainte Communion à un fidèle, pour la simple raison, par exemple, qu’il désire recevoir l’Eucharistie à genoux ou debout. »
Recevoir la communion à genoux et sur la langue : un droit des fidèles
Le n° 92 rappelle que « tout fidèle a toujours le droit de recevoir, selon son choix, la sainte communion dans la bouche » – le cardinal Cupich n’est pas allé jusqu’à attaquer ce point…
Mais on aura compris que la seule chose qui lui importe, c’est le peuple de Dieu et sa manière d’avancer vers l’autel, à tel point qu’il « oublie » aussi la tradition multiséculaire de la communion à genoux dans l’Eglise latine – qui au demeurant n’empêche nullement la procession. Que l’on communie debout (comme chez les catholiques orientaux où la communion se donne exclusivement sur la langue) ou à genoux, côte à côte sur le banc de communion, de toute façon la procession ne peut être régulière et sans arrêts. Même de son point de vue, l’argument avancé par le cardinal Cupich est inopérant…
Faut-il communier avec révérence ? Il n’ose pas le nier. Mais la communion debout et dans les mains, telle qu’elle se pratique notamment dans son diocèse et dans sa cathédrale (voir ici à partir de 25’35”) ne laisse décidément pas imaginer que sous l’apparence de l’hostie, Jésus-Christ est là, présent, notre Seigneur et notre Dieu.
Entendre Cupich déclarer que la communion à genoux irait contre les « normes » et la « tradition » de l’Eglise incite simplement à penser qu’il ne s’exprime que par idéologie, dans un total mépris de la réalité historique et des manières certes diverses de communion qui ont eu cours selon les rites et les époques, mais qui ont toujours été marquées par la recherche du plus grand respect dans les gestes du célébrant et dans ceux des fidèles.
Pour Joseph Shaw, président d’Una Voce International, « il est difficile d’interpréter les remarques du cardinal Cupich, puisque la pratique de s’incliner avant de recevoir la sainte communion est si rare que ceux qui le font, conformément à la loi liturgique, vont certainement attirer l’attention sur leur personne, et il est difficile de voir comment faire cette inclinaison sans perturber le flux de la procession », ainsi qu’il l’a déclaré à LifeSiteNews.
C’est le sens de la communion et de la communauté qui manque au cardinal Cupich
Le Pr Peter Kwasniewski, pour sa part, fait remarquer que s’il s’agit de renforcer l’idée de communion au sens de « communautaire », il serait plus approprié de recevoir l’Eucharistie assis comme on le fait pour partager un repas ou avoir une conversation. « Plus justement, il est beaucoup plus communautaire de voir les fidèles s’agenouiller au banc de communion, épaule contre épaule, tandis que le prêtre se déplace de l’un à l’autre. En quoi est-il plus communautaire de faire la queue, un par un, comme si l’on achetait des tickets de bus ? »
Et en quoi est-il plus « communautaire », conclut-il, d’avoir des églises qui se sont vidées des fidèles depuis les réformes des années 1960 (en France pratique religieuse bien en-deçà de 5 % chez les catholiques…) ? « La forme la plus élémentaire de la participation active est de se présenter à la messe. Sur ce simple critère, la réforme a été un échec colossal », a déclaré Kwasniewski à LifeSite.
Tout cela n’empêche pas les opposants à la messe et aux manières traditionnelles d’aller toujours plus loin. Plaise à Dieu que le nouveau ballon d’essai du cardinal de Chicago, cette nouvelle flèche décochée contre la réception la plus digne possible de la sainte communion, ne fasse pas des émules. Le fait que son discours repose sur des mensonges et des omissions révèle cependant que la résistance non seulement se justifie : elle s’impose.