C’est pour marquer le 200e anniversaire de la naissance de Karl Marx que son homonyme, le cardinal Reinhard Marx, a accordé une interview au Frankfort Allgemeine Sonntagszitung pour expliquer qu’il a été lui-même « très impressionné » par le Manifeste du parti communiste, « écrit dans une langue de génie ». « Sans Karl Marx, il n’y aurait pas eu de doctrine sociale de l’Eglise » : tel est le titre que consacre le portail Internet de l’Eglise catholique d’Allemagne, qui travaille en étroite collaboration avec la conférence des évêques, à l’article à propos de cet entretien donné par le président de ladite.
Cette phrase, Reinhard Marx l’a d’ailleurs prononcée comme le confirme le site domradio.de. Est-ce à dire que les « catholiques sociaux », qui ont recherché, fait voter et appliqué des solutions alors que la révolution industrielle réduisait à la misère de si nombreux travailleurs arrachés à leur vie paysanne traditionnelle, n’auraient rien fait, n’auraient pas été frappés, n’auraient pas trouvé dans les exigences de leur foi les ressources nécessaires sans avoir lu Das Kapital ou le Manifeste ? Leur action a été en réalité aux antipodes du marxisme, au contraire de la lutte des classes qui en communisme, crée une dialectique entre patrons et ouvriers, « oppresseurs » et « opprimés ».
Le cardinal Reinhard Marx, archevêque de Munich et Freising depuis 2007, est par ailleurs membre du groupe de neuf cardinaux, le C9 qui sert d’organe de conseil au pape François.
L’hommage appuyé du cardinal Reinhard Marx à son homonyme Karl
Reinhard Marx a rendu un véritable « éloge » à Karl, constate katholisch.de, comme si cela était la chose la plus naturelle au monde. Le cardinal voit en son homonyme un « correctif au système capitaliste ». « La prospérité et le profit ne sont pas les seules choses qui doivent orienter une société » a-t-il déclaré, ajoutant que « le marché » ne permet pas d’assurer automatiquement une société juste.
Mais on est loin, très loin ici du « nul ne peut servir deux maîtres » évangélique : il s’agit de créditer Karl Marx d’une réelle préoccupation vis-à-vis de la justice sociale, lui qui a théorisé un système totalitaire définitivement discrédité par les millions et millions de morts qui ont toujours et partout accompagné sa mise en place. En s’exprimant ainsi, le cardinal ajoute foi à la légende selon laquelle le communisme recherche le bien du prolétariat, alors qu’il cherche seulement à l’utiliser à ses fins de révolution et de révolte.
Le cardinal Marx semble quant à lui demander plus de « Karl », toujours plus. Il a dénoncé dans l’interview les « énormes inégalités sociales et dégâts écologiques dont la dynamique capitaliste est responsable ». Si les choses se sont améliorées, soutient ce prince de l’Eglise, « ce n’est pas au capitalisme que l’on doit cette réalisation, c’est le résultat de la lutte contre ses excès ». Idée que l’on devrait à Karl Marx, une fois de plus, pour qui « le marché n’est pas aussi innocent qu’il y paraît dans les manuels des économistes : derrière lui se trouvent de puissants intérêts ». Et non derrière le communisme ? Et de beaucoup moins avouables encore ?
Pour le bicentenaire du père du communisme, un cardinal de l’Eglise catholique met le paquet
En fait, le cardinal Marx s’est livré à une attaque en règle contre le capitalisme, qui serait selon lui à interroger à propos « des révolutions, des guerres ou même des résultats électoraux inquiétants ». « A ce propos, le regard de Marx peut-être très utile », assure le cardinal. Le capitalisme, a-t-il poursuivi, peut engendrer également « la cupidité et le nationalisme ». « Nier cela serait naïf » : ainsi lors de la Première guerre mondiale et d’autres conflits « les intérêts économiques sans aucun doute impérialistes » ont joué selon lui un rôle important dans le but d’élargir les marchés et d’obtenir des bénéfices.
On retrouve ici ce sont contre quoi mettait déjà en garde Rerum novarum de Léon XIII : l’utilisation de l’existence et la mise en avant de problèmes et d’injustices réels pour imposer une solution en soi radicalement plus injuste, le communisme « intrinsèquement pervers ».
Loin de voir en Karl Marx le père du marxisme-léninisme et son cortège d’horreurs indépassables, le cardinal Reinhard Marx a salué sa capacité à « prêter attention aux conditions réelles », son « empirisme » : « Il était l’un des premiers scientifiques sociaux sérieux. »
Et de rêver une rencontre avec le théoricien du communisme : Karl aurait-il été « agacé » de ce que l’on a fait de ses idées ? Reconnaissant qu’il est difficile de « séparer un penseur de ce qui a été fait plus tard en son nom », le cardinal ajoutait : « Quiconque ne reconnaît pas la liberté, à la fois politique et économique, deviendra facilement totalitaire. » Mais Staline ? Non, a-t-il répondu, il ne faut pas blâmer Karl Marx pour les crimes de celui-là.
Karl Marx et les torrents de sang de la Révolution : Reinhard ne voit pas le rapport
D’ailleurs, soutient le cardinal, il ne faut pas établir un lien direct entre Karl et le marxisme-léninisme, les camps de concentration, tout le système soviétique de répression, même s’il y a dans ses écrits « l’une ou l’autre pensée totalitaire » – rien de plus. Et si aujourd’hui populisme de droite et xénophobie prospère, leur source est dans une nouvelle division sociale : « Si les gens sentent que la société n’offre plus l’égalité des chances, cela peut être politiquement dangereux », et le bon petit père Marx avait bien compris que lorsque la croissance économique seule est recherchée et non les intérêts de tous, la cohésion sociale se dissout, à en croire Reinhard.
Le site d’informations germanophone du Vatican, vaticannews.va s’est lui aussi fait l’écho des ahurissantes déclarations du cardinal Marx, sans émettre la moindre réserve. Il cite cette phrase du cardinal : « Les droits de l’homme sans la participation matérielle demeurent incomplets », allusion à peine voilée à la redistribution socialiste de la propriété et aux droits concrets des marxistes.
Le cardinal Marx a été jadis professeur d’éthique sociale. Il est connu pour avoir écrit en 2007, à propos de la doctrine sociale de l’Eglise, son approbation à l’égard d’un de ses promoteurs qui avait pu déclarer : « Nous nous tenons tous sur les épaules de Marx. » Reinhard Marx ajoutait alors que « Marx n’était pas un simple idéologue », et qu’il ne recherchait pas du tout une « révolution anarchique » demandant au contraire une « participation sociale globale » que « nous réclamons nous aussi aujourd’hui, également de la part des Eglises ».
Maike Hickson cite dans LifeSite un commentaire à propos plus récentes expressions « marxistes » du cardinal livré au site pro-vie par Konrad Löw, professeur émérite de sciences politiques, auteur de livres sur le totalitarisme et spécialiste de Karl Marx. Löw s’est contenté de rappeler que le Manifeste du parti communiste co-signé par Marx et Engels appelait à une véritable révolution : « Les communistes proclament ouvertement que leur buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social traditionnel. »
« C’est avec de telles citations que j’ai rempli un gros livre : Marx et Engels, pères de la Terreur – Die Väter des Terrors). Celui qui ne veut pas y prêter attention, on ne peut rien faire pour l’aider. »