Le 1er décembre 1916, Charles de Foucauld était tué par des pillards, en son ermitage de Tamanrasset. Cent ans ont passé depuis cette mort violente, sans que nous ayons réellement compris ni assimilé le message de celui qui n’avait plus voulu être que Charles de Jésus.
Il y a bien des lectures du petit frère Charles de Jésus, du frère universel, dont d’aucuns voudraient faire une espèce d’apôtre de l’œcuménisme et du vivre ensemble, au zélateur de l’Empire français, espèce d’avant-garde au désert, attendant vainement, mais inlassablement, comme dans celui de Dino Buzzati, qu’on le vienne rejoindre.
Les deux sont fausses, dans la mesure où, la plupart du temps, elles sont présentées comme antinomiques, comme une dichotomie presque du bienheureux Charles de Jésus (béatifié le 13 novembre 2005).
Un seul Charles de Foucauld
Charles de Foucauld, c’est un tout. Un apôtre du Christ et de la France. Un frère universel de tous les hommes, mais parce qu’il est Charles de JÉSUS – pas parce qu’il penserait que toutes les religions, toutes les civilisations se valent. Il faut le lire – l’entendre presque ! – écrire à ses anciens condisciples défendant, ici et là, les trois couleurs d’une plus grande France. Pas de socialisme bonasse là-dedans. Pas non plus d’œcuménisme béta où tout le monde serait beau et gentil…
Mais, bien sûr, si Charles de Foucauld est devenu ce modèle, c’est, au-delà de son amour de la France, par son amour du Christ. Jesus Caritas : cette devise, gravée en lettre de feu dans son cœur, est la seule lumière qui explique ce que les vaticinations de trop de nos contemporains finissent par brouiller.
Car la réalité, c’est que Charles de Foucauld avait compris la vacuité d’une vie dont il avait épuisé tous les plaisirs, pour connaître la seule réalité qui vaille, la seule réalité « réelle », celle de la radicalité du Christ. Au pied de la Croix…
Son amour de la France, son amour des déshérités, son amour du désintéressement, tous ses amours ne s’expliquent que parce qu’ils se résument en un seul : Jesus Caritas !
Le reste ne signifie rien, affirme-t-il aujourd’hui encore aux hommes de notre temps, si on oublie cette vérité-charité. Le reste ne vaut pas même le sable du Sahara dans lequel il était venu crier, au désert !, une réalité que le monde n’arrive pas à entendre.
Il y a cent ans, et aujourd’hui…
On trouve quantités de textes, lettres ou messages, dans lesquels Charles de Foucauld répète, avec un inlassable amour, cette seule et simple vérité. Car, dit-il, « Dieu a tellement voulu être le plus petit, prendre tellement la dernière place, que nul mortel n’a jamais pu descendre plus bas que Lui ». Et c’est à côté de Lui, dans une prière presque permanente, qu’il veut rester.
D’où cette prière d’abandon qu’il avait écrite : « Mon Père, je m’abandonne à Vous ; mon Père, faites de moi ce qu’il Vous plaira ; quoi que Vous fassiez de moi, je Vous remercie », etc. Prière que nous récitons, ou chantons, si souvent sans en avoir compris toute la radicalité, celle dont Charles de Foucauld disait : « Pour moi, plus j’ai abandonné tout ce qui faisait ma consolation, plus j’ai trouvé le bonheur. »
Une mort violente
Charles de Foucauld avait tout abandonné dans la volonté de Dieu. Y compris sa mort, y compris, peut-être, son désir du martyr. Tué le 1er décembre 1916 presque par hasard. Une mort dont la volonté est presque absente, dans un ultime dépouillement.
Mais n’avait-il pas écrit, le 6 juin 1897 : « Pense que tu dois mourir martyr, dépouillé de tout, étendu à terre, nu, méconnaissable, couvert de sang et de blessures, violemment et douloureusement tué… et désire que ce soit aujourd’hui » ?
Ce n’était pas une formule. Sa vie, plus encore que sa mort, le manifeste…