Avec le CFR, la Russie se moque du « fiasco » des sanctions économiques de l’Occident

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Le CFR juge et partie dans le bras de fer qui se joue entre la Russie et l’Occident.

 
Il faut en finir avec les sanctions contre la Russie ! C’est signé Sputniknews.com, l’un des médias d’Etat de la Russie, et à ce titre on peut voir dans l’article paru lundi un morceau de propagande. Le site anglophone qualifie les sanctions financières occidentales imposées à la Russie par la volonté des Etats-Unis de « fiasco », de « ratage complet ». Arme « éculée », « inefficace », voire « contre-productive », le recours aux sanctions devrait être rejeté par l’Occident, assure Sputnik. Cela n’a rien de surprenant : mélange de défi (« Même pas mal ! ») et de pressions pour que tout cela s’arrête, l’article ne fait que traduire une volonté russe d’en finir avec une situation qui lui pèse forcément. Mais le plus intéressant, c’est qu’il s’appuie sur un article paru dans Foreign Affairs, le journal publié par le très mondialiste organisme américain, le Council on Foreign Relations.
 

Les sanctions économiques contre la Russie dénoncées comme un « fiasco » par le CFR

 
Le même CFR s’appuyait à son tour sur un rapport publié conjointement par le Cato Institute, think tank libertaire, et par le Center for a New American Security, qui soulève la question de l’efficacité des sanctions et de leurs effets négatifs sur ceux-là mêmes qui les ont mises en place.
 
Sous le titre Les nouveaux outils de la guerre économique, le rapport souligne que ces outils de plus en plus sophistiqués n’ont pas bénéficié de recherches correspondantes quant à leur effet réel et éventuellement indésirable. Les sanctions poussent naturellement les pays cibles à trouver des stratégies de contournement, qui les éloignent du système financier américain alors qu’il constitue pour les Etats-Unis l’un de ses « atouts stratégiques les plus importants ». Le rapport se demande aussi si les sanctions prononcées produisent leur effet désiré, à savoir un changement de politique de la part du pays frappé. Et de multiplier la citation de jugements d’experts ou d’élus des pays occidentaux dénonçant les sanctions contre la Russie comme un échec complet à cet égard.
 
Au contraire, les mesures font du tort aux intérêts économiques et géopolitiques des Etats-Unis, et pèsent lourd sur le plan économique et politique aussi bien aux Etats-Unis que parmi ses alliés européens, selon un expert du Cato Institute, Emma Ashford. Ce sont ces derniers qui supportent l’essentiel des effets négatifs, puisque la Commission européenne estime à 0,3 % de PIB le manque de croissance provoquée par la mise en œuvre des sanctions. Selon l’Institut autrichien de la recherche économique, la poursuite de cette politique de sanctions contre la Russie pourrait coûter plus de 90 milliards d’euros en revenus de l’exportation, et détruire plus de 2,2 millions d’emplois dans les années à venir au sein de l’UE. 400.000 de ces emplois seraient détruits en Allemagne, principal partenaire économique de la Russie.
 

L’Occident, première victime des sanctions contre la Russie ?

 
A cela s’ajoute l’exposition de banques européennes à la Russie, comme la Société Générale en France. Elles ont fait d’importants prêts à des sociétés russes et courent aujourd’hui le risque de ne jamais être remboursées, ajoute Sputnik. Aux Etats-Unis, ce sont d’ailleurs surtout les banques qui subissent les effets négatifs des sanctions, selon Mme Ashford, puisqu’elles sont obligées de surveiller les fonds russes gelés, la moindre erreur pouvant être punie d’une lourde amende financière pour non-respect des sanctions. Ainsi la banque néerlandaise ABN AMRO s’était vue infliger une amende de 500 millions de dollars en 2010 pour avoir violé des sanctions américaines contre Cuba, l’Iran, la Libye et le Soudan.
 
Des investissements programmés en Russie ont dû être interrompus, notamment sur le plan de l’énergie (mais dans un contexte de chute des cours, on se demande ce qu’ils auraient pu rapporter…), et les compagnies pétrolières occidentales n’ont pas pu participer à des projets innovants, riche de promesses pour demain. L’argent déjà investi risque fort d’être perdu à jamais, poursuit le rapport.
 

La Russie accélère la régionalisation mondiale : le CFR devrait être content !

 
Par ailleurs la Banque centrale de Russie a déjà annoncé vouloir négocier avec les autres Etats des BRICS en vue de créer des circuits de télécommunication financière parallèles, afin d’éviter le système SWIFT dominé par les États-Unis. La Russie cherche également à créer un système de compensation « maison » pour échapper à celui des cartes bancaires Visa et MasterCard. Et on sait qu’elle travaille à créer un système financier international semblable à celui de la Banque mondiale et du FMI.
 
Les sanctions contre la Russie seraient-elle en train d’aider celle-ci à asseoir son pouvoir international contre l’Occident ? C’est ce qu’affirme donc le CFR. Mais il ne faut pas perdre de vue que cette internationalisation régionale est aussi une étape indispensable vers le mondialisme total. On peut y arriver par des chemins très divers, voire divergents, les contraires finissant par s’aider mutuellement.
 

Anne Dolhein