Une chamane à Davos et son incantation à la « Terre-Mère »

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Imaginez, une seconde, qu’un prêtre catholique se lève devant les grands de ce monde – Ajay Banga, président de la Banque mondiale, Kristalina Georgieva, à la tête du FMI, Al Gore et j’en passe – pour dire que les problèmes du monde sont la conséquence des péchés des hommes, et que la paix ne viendra que par le triomphe du Cœur Immaculé de Marie ; et qu’il mette ses propos en actes en récitant une dizaine de chapelet devant les dirigeants assemblés. Quels ne seraient la consternation, l’effroi devant une telle atteinte au pluralisme, à la liberté religieuse et à la laïcité (ça va ensemble), la colère devant cette volonté d’imposer les dogmes d’une religion tolérée à la seule condition de se couler dans le monde du relativisme ! A Davos, pourtant, lors d’une session sur « le climat et la nature », une cheffe chamane d’Amazonie a pu sans se faire lyncher affirmer que la seule solution à la crise actuelle est « spirituelle », et qu’il faut à tous être unis « de cœur et de pensée », avant de prononcer en langue autochtone une incantation chamanique dont la teneur n’a pas été diffusée. La cheffe Putanny Yawanawá s’est présentée comme « la voix de la forêt », « la voix de la nature », et elle a lancé avant de commencer sa prière : « Lorsque nous serons unis de cœur et d’esprit, notre Terre Mère nous écoutera. »

 

La cheffe chamane Putanny se fait ovationner à Davos

Cette prière païenne, idolâtre, dirigée vers une divinité matérielle ou plutôt infernale – puisque comme le dit saint Paul, « les sacrifices des païens sont offerts aux démons, et non à Dieu » – n’a pas suscité la moindre indignation. Au contraire, Mme Putanny a pu souffler violemment tour à tour sur l’assistance, puis sur chaque membre du panel d’intervenants dont elle s’est approchée pour saisir chaque tête entre ses mains (le covid, c’est vraiment fini). Tonnerre d’applaudissements. Accolades avec les panelistes – Georgieva en particulier, qui avait ponctué ses interventions de son poing levé –, c’était la communion panthéiste autour du médium en lien avec la planète.

Quelques médias mainstream français ont rapporté le fait en quelques mots et images, et surtout sans poser la moindre question, sans s’interroger sur cette immixtion de la religion dans un rassemblement économique et politique qui mobilise 2.800 personnes parmi les plus puissantes du monde. Il est vrai qu’elle est fausse.

Raimundinha Putanny a bénéficié d’une innovation opérée en 2005 au sein de sa tribu Yawanawá au profit des femmes pour se faire initier en tant que chef spirituel chamane, aux côtés de son mari, le chef Nixiwaka Yawanawá ; pour cela, elle a été récompensée par le Sénat brésilien au titre de son rôle dans l’« autonomisation » des femmes. Avec leurs deux enfants, ils organisent des « retraites » d’une semaine dans leurs « terres sacrées » pour Occidentaux en mal de spiritualité ; je n’ai pas demandé le prix.

 

L’incantation à la « Terre-Mère » : une idolâtrie panthéiste

Emily Mangiaracina de LifeSiteNews a fait quelques recherches instructives sur la « spiritualité » des Yawanawá : ainsi cette tribu croit-elle que « les chamans sont les gardiens du savoir de la tribu, de la médecine aux arts, et ils apprennent les secrets magiques avec les esprits ». Une autre page web consacrée aux Yawanawá, ajoute-t-elle, avoue que « le pouvoir chamanique est ambivalent puisqu’il permet à la fois de guérir et de provoquer des maladies » et que « les accusations de sorcellerie et d’empoisonnement chez les Yawanawá se produisent à la fois entre les groupes et à l’intérieur de ceux-ci, provoquant des tensions sociales périodiques qui peuvent donner lieu à des scissions ». C’est bon pour la planète ?

Elle cite également un ouvrage savant sur le chamanisme en Amazonie :

« Dans un ouvrage de 2004 intitulé The Anthropology of Assault Sorcery and Witchcraft in Amazonia (L’anthropologie de la sorcellerie agressive et de la pratique de la magie en Amazonie), Neil L. Whitehead et Robin Wright soulignent qu’“étant donné les motivations d’amélioration personnelle qui ont amené tant de gens à une compréhension populaire du chamanisme, deux aspects déterminants du chamanisme en Amazonie – le sang (c’est-à-dire la violence) et le tabac – ont tout simplement été effacés de ces représentations.”

« Les auteurs confirment, à l’aide de nombreuses anecdotes, que le chamanisme a traditionnellement été utilisé pour infliger la mort et la souffrance à des ennemis, ainsi que pour guérir. Ils vont jusqu’à affirmer que “les pratiques rituelles des guérisseurs sont intimement liées aux assauts des tueurs chamaniques et ne peuvent être comprises indépendamment de celles-ci”. »

Où l’on voit que l’Amazonie n’est pas un long fleuve tranquille, ce que confirment d’ailleurs les anciens récits des missionnaires catholiques aux prises avec les sorciers de ces peuplades.

Voilà qui n’inquiète nullement le Forum économique mondial, qui devait d’ailleurs redonner la parole à Mme Putanny ce jeudi lors de la session « La Danse des algorithmes », cette fois avec son mari, pour « partager leur vision d’une évolution humaine nature-positive, en apportant l’antique sagesse au monde moderne à l’aide de la technologie avancée ».

Quelqu’un, quelque part, se moque de nous.

 

Jeanne Smits