La Chine affirme de plus en plus agressivement sa capacité à prendre la tête du mondialisme économique et politique

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Deux universitaires membres de la Pangoal Institution, think tank officiel chinois basé à Pékin, viennent de signer dans le Global Times, journal anglophone sous contrôle du parti communiste chinois, une tribune affirmant la force de la Chine et ses capacités de prendre la tête du mouvement mondialiste, notamment sur le plan économique. Sûre d’elle, de plus en plus agressive, la Chine affirme désormais hautement son ambition, n’hésitant pas à la laisser exprimer par ces deux professeurs, Xiong Yu and Xia Senmao, qui par ailleurs enseignent au Royaume-Uni, l’un au Newcastle Business School, l’autre à l’université de Coventry.
 
Cela fait des années que la Chine réclame le statut d’économie de marché auprès de l’Organisation mondiale du commerce, sans l’avoir obtenu à ce jour. Ce statut lui permettrait de jouer dans la même catégorie que les grands pays développés, tels les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne, en étant soumise à un même type de procédure, plus favorable, face à des plaintes concernant des pratiques de dumping. Le rôle joué par le gouvernement de la Chine dans son économie, et sa pratique des subventions qui facilitent l’exportation, ont empêché jusqu’ici de sauter le pas. La reconnaissance du statut d’économie de marché faciliterait encore les exportations chinoises, au détriment des emplois dans les pays développés.
 

La Chine veut prendre la tête du mondialisme économique et politique

 
La tribune publiée par Xiong et Xia est l’évidence provocatrice mais il ne faudrait pas la balayer comme fantaisiste. Elle vise à montrer que la Chine mérite ce statut, que le chemin reste sans doute long à parcourir mais qu’en réalité, elle peut s’en passer et peut-être même imposer au monde ses propres règles.
 
Les deux universitaires rappellent qu’Angela Merkel et avant elle, des voix au Royaume-Uni se sont exprimées en faveur de la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine par l’Union européenne.
 
« Etant donné la montée récente du protectionnisme commercial au niveau global, le fait de savoir si la Chine peut obtenir le statut d’économie de marché est devenu l’un des éléments majeurs pouvant donner des indices sur les changements de la configuration mondiale et de l’équilibre global du pouvoir. Superficiellement, la Chine semble être en position d’infériorité, mais la pression extérieure va en réalité obliger la Chine à s’ouvrir davantage, ce qui va lui permettre de développer elle-même ses propres règles Chine pour former sa propre plate-forme d’organisation du commerce, unique en son genre », affirment les deux auteurs.
 

Avec ou sans statut d’économie de marché, la Chine affirme sa puissance

 
Ils estiment que les règles de l’OMC ont été déterminées pour « contrôler la Chine » – affirmation étonnante alors qu’en quelques décennies, et grâce précisément à ces règles favorables au libre-échangisme mondial, la Chine a pu se transformer en usine du monde. La volonté de restreindre l’expansion chinoise que les auteurs attribuent aux pays occidentaux est en réalité toute relative. Mais ce qui importe, c’est leur analyse de la situation actuelle :
 
« En raison de la puissance économique et militaire grandissante de la Chine et de son pouvoir sur l’opinion publique globale, les pays occidentaux ont de moins en moins d’outils pour contenir la Chine. Son influence globale grandissante sur le plan politique et économique fait des incursions dans la sphère occidentale, et des pays majeurs vont peu à peu se dresser du côté chinois. Le soutien international acquis au bénéfice de la banque asiatique d’investissement pour l’infrastructure (AIIB), de l’initiative de la Nouvelle route de la soie et d’autres projets chinois est la meilleure preuve que la Chine n’est plus seulement un acteur au sein de l’arène politique et économique internationale, mais qu’elle est également devenue promoteur et faiseur de règles globales. »
 
Les auteurs avertissent que la non reconnaissance du statut d’économie de marché, loin de faire du tort à la Chine, pourrait en causer à certains pays occidentaux. Et de rappeler le plan mondialiste :
 
« La théorie internationale du commerce met l’accent sur le fait que les pays doivent développer des industries différentes sur le fondement de leurs avantages relatifs sur le plan des ressources, éliminer les industries non compétitives, et se focaliser sur leurs points forts, ce qui aidera à favoriser les avantages concurrentiels uniques de chaque pays tout en promouvant l’allocation optimisée des ressources globales. »
 

« Le pouvoir de la Chine sur l’opinion publique globale »

 
A la Chine l’industrie, la fabrication de la richesse, au vieux pays d’Europe le tourisme et les services ? C’est à peu près cela, à l’heure où l’effondrement du niveau de l’enseignement, scientifique notamment, dans les pays d’Occident, assure une belle avance au pays émergents où les salaires ont le bon goût d’être modestes…
 
La tribune du Global Times dénonce la volonté de certains pays occidentaux d’ériger des barrières douanières pour protéger leurs industries au détriment de « l’économie de l’offre » en Occident qui, en libérant la production pour créer des richesses, prétend régler la question de la faible croissance européenne. C’est évidemment passer sous silence toute la question de la concurrence déloyale de pays comme la Chine qui, toujours communiste, continue de réglementer une économie des bas salaires, et de l’absence de protection sociale dont le financement pèse si lourd en Occident.
 
Les auteurs en profitent pour insister sur « la dépendance croissante de l’économie globale à l’égard de la Chine qui représente 30 % de la croissance économique mondiale » pour dénoncer comme une « honte » le fait que l’Occident ne reconnaisse pas le statut d’économie de marché à la Chine.
 
Mais cette absence va jouer en sa faveur, avancent Xiong et Xia : elle va obliger la Chine à renforcer une politique économique de l’offre parce que la demande occidentale va vers des produits de bonne qualité. Elle n’aura pas d’autre choix, en somme, que de « passer du travail à moindre coût vers une meilleure qualité et vers la valorisation de ses marques, au bénéfice de son développement à long terme ». Toutes choses qui seront aidées par la coopération avec les pays qui se trouvent sur le trajet de la Nouvelle route de la soie (« Belt and Road) : « La participation approfondie des pays de la B&R au développement économique de la Chine va encourager davantage de pays à adopter les normes et les règles chinoises, qui évolueront dès lors vers le statut de normes et règles globales. »
 
Leur conclusion est dans la même veine : « Avec le temps, la Chine pourrait bien avoir l’occasion de décider si certains pays occidentaux sont qualifiés pour avoir le “statut d’économie de marché”. » Rira bien qui rira le dernier ?
 

Anne Dolhein