Si les amis de nos ennemis sont nos ennemis, l’élection d’Emmanuel Macron – mais on s’en doutait un peu – est une très mauvaise nouvelle. Le quotidien anglophone sous contrôle du parti communiste de Chine, Global Times, a publié un article enthousiaste sur l’arrivée au pouvoir du « centriste » face à la tendance au populisme représenté par Marine Le Pen. « La victoire de Macron a été immédiatement applaudie par les hommes politiques européens et par les grands médias », affirme l’éditorial publié lundi, et qui, non signé, constitue une prise de position de la part du journal communiste.
Pourquoi qualifier la Chine d’« ennemie », direz-vous ? N’est-elle pas notre partenaire commercial ? Sans doute. Mais le communisme est en soi, ou devrait être, un obstacle dirimant à l’amitié. On ne pactise pas avec l’intrinsèquement pervers. Cela dit, l’histoire du monde depuis la Révolution de 1917 est une longue suite de collusions plus ou moins discrètes entre les hauts responsables du « monde libre » et ceux soumis au joug communiste, dont les pays, sans cela, se seraient effondrés économiquement d’eux-mêmes.
L’élection d’Emmanuel Macron plaît à la Chine communiste
Le Global Times note, ce n’est pas original, que l’élection de Macron aura pour effet une redistribution des cartes politiques en France. L’éditorial estime que l’élection de Macon est intervenue après une montée en puissance surprise. Mais il reconnaît que les idées politiques de Macron sont plus proches des « valeurs politiques classiques de la France et de l’Europe » que celle de Marine Le Pen, et cela lui va bien.
Le journal souligne encore que la victoire de Macron est un « soulagement significatif » pour l’Union européenne : « Cela va stabiliser la structure politique de l’Europe et aidera l’UE à cesser de “saigner” dans la foulée du vote favorable au Brexit. Le résultat de l’élection française était tellement crucial pour l’Union européenne que le chancelier allemand Angela Merkel a fait connaître sa “préférence” pour Macron. » L’élection de Marine Le Pen ? Pire que le Brexit !
Le journal voit dans la campagne d’ Emmanuel Macron un nouveau modèle de lutte contre le populisme : là où Donald Trump avait pu triompher, Marine Le Pen a donc été battu selon lui grâce au choix d’un homme qu’il était plus difficile d’identifier avec « les établissements politiques plus anciens ». Macron, l’homme d’une recette et d’une manipulation… Le journal ne prend pas la peine de souligner à quel point l’ex-ministre de l’économie de François Hollande est en réalité lié au système que le peuple rejette. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, c’est l’image qui compte, et non la réalité.
La presse chinoise explique la réussite de Emmanuel Macron face à une « populiste »
Le Global Times observe avec cynisme que Trump, doté de relativement peu de pouvoir dans le cadre politique américain, a vu « une bonne part de sa politique, spécialement la politique étrangère, se remettre sur des rails conventionnels en phase avec les traditions établies de l’Amérique ». On comprend à partir de là que le soulagement face à la victoire de Macron est d’autant plus grand alors que la France connaît un régime plus présidentiel.
« Beaucoup peuvent saluer la victoire de Macron comme exemple de la manière dont la France peut avoir un impact positif qui inspire le monde. Lorsque nous nous souviendrons de cette élection, nous pourrons estimer que la France a fait un choix sage pour la civilisation humaine en l’aidant à continuer sa marche en avant à une époque aussi cruciale, plutôt que de lui faire faire une marche arrière », s’extasie le journal qui représente la voix officielle d’un système tyrannique, imposé, il est vrai, au nom de l’inéluctable « progrès ».
Emmanuel Macron salué par la Chine comme le garant du mondialisme
Mais tout n’a pas été gagné, prévient l’éditorial. « Alors que Le Pen a été vaincue dans une France largement à gauche, elle a pourtant obtenu 34 % des voix. Le populisme peut surgir facilement parmi ceux qui ne pensent pas qu’il existe des avantages à la mondialisation. Les hommes ou les groupes politiques continueront de profiter du sentiment populaire, pour transformer ce ressenti en mouvements qui contesteront la mondialisation aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. »
Voilà qui est clairement dit. Le « populiste », selon la presse communiste, s’inscrit dans une dialectique. Autrefois, c’étaient les possédants contre la classe ouvrière. Puis ce furent les citoyens de souche contre les immigrés. Ou encore, les hommes contre les femmes, voire – dernier et plus dangereux avatar – les hommes et les femmes contre les tenants du genre subjectivement choisi. Tout cela reste plus ou moins en cours mais s’y ajoutent les défenseurs des frontières, des patries et des droits des nations contre la gouvernance globale et l’indifférenciation mondiale.
La Chine – qui se verrait bien à la tête de cette gouvernance globale et que la communauté internationale ne conteste pas d’emblée dans ce rôle – prêche « un avenir commun pour toute l’humanité ». Et pour cela, Macron est son homme.