Treize concessions minières en six mois, obtenues en des délais records, portant sur des mines d’or qui plus est : la Chine communiste a profité de ses liens avec le Nicaragua sandiniste (c’est à peu près la même chose) pour faire remettre les droits exclusifs d’exploration et d’exploitation des gisements de minerais sur des terres d’une superficie d’environ 250.000 hectares et ce pendant une durée de 25 ans. Prorogeable d’autant. Les trois entreprises concernées, Zhong Fu Development S.A., Thomas Metal S.A. et Nicaragua XinXin Linze Minera Group S.A., qui agrandissent ainsi leur zone d’activité dans le pays où ils ont déjà des concessions représentant 11,66 % de la totalité des terres soumises à ce régime, soit près de deux millions d’hectares.
L’enjeu est d’importance, puisque les trois sociétés soumises au parti communiste chinois de par l’organisation du pouvoir en Chine doublent ainsi leurs parts du marché, et que l’or est depuis plusieurs années le principal bien d’exportation du Nicaragua. Le pays a vendu pour 1,1 milliard de dollars d’or en 2023, soit 22,4 % de plus qu’en 2022.
L’industrie minière de l’or du Nicaragua accueille la Chine à bras ouverts
La rapidité des négociations, conclues selon les contrats au terme de délais allant de deux à huit mois après les premières demandes des sociétés chinoises, a provoqué la colère d’associations environnementales au Nicaragua mais « annulées » par le dictateur Daniel Ortega. Ainsi le biologiste Amaru Ruiz, président de la Fundacion del Rio qui défend l’environnement et les droits des indigènes, aujourd’hui exilé, fustige-t-il un processus « anormal » au profit de ces sociétés, le délai étant manifestement trop court selon lui pour que des études d’impact écologique aient pu être menées avant que l’accès aux concessions n’ait été accordé.
Ruiz est particulièrement préoccupé par les normes environnementales et sociales et par l’opacité dans laquelle travaillent les entreprises chinoises : « S’il était déjà très difficile d’assurer la surveillance des autres entreprises sur place, il est possible de procéder à un examen approfondi dans le pays d’origine, car toute la documentation publique doit y être disponible au sujet de ces entreprises. Mais ce n’est pas le cas pour les entreprises chinoises. Beaucoup d’entre elles sont liées, ou ont au sein de leurs structures des personnes liées au Parti communiste. »
« Il y a une relation directe avec l’Etat et, loin de permettre la transparence, cela entrave le contrôle de l’information à tous les niveaux. Cela ouvre la voie à un scénario de moindre transparence et de moindre respect des exigences environnementales et sociales de ces industries », ajoute-t-il.
Selon le biologiste, cette « reconfiguration » de la carte minière du Nicaragua trouve son origine dans les sanctions infligées par les Etats-Unis aux fonctionnaires et aux entreprises actives dans le secteur minier du pays, ces derniers mois, en vue d’empêcher le régime sandiniste de le « manipuler » et de « tirer profit des opérations » de plusieurs sociétés accusées de « corruption », pour reprendre les expressions du communiqué explicatif du Département du Trésor américain. L’une d’entre elles, Capital Mining, est ainsi une société intermédiaire du régime, tandis que le secteur de l’or est contrôlé par le propre fils d’Ortega, Laureano Ortega Murillo, selon le Département.
Les Etats-Unis ont déjà imposé des sanctions en 2022 pour éviter que le régime sandiniste ne se finance sur les revenus de l’exploitation de l’or.
L’industrie de l’or au Nicaragua, un accessoire du régime d’Ortega
Depuis lors, la Chine pénètre dans le secteur minier du Nicaragua de manière « subreptice », selon Amaru Ruiz, en utilisant des sociétés intermédiaires qui semblent avoir opéré avec ou sans contrats de concession, selon les lieux. Les trois sociétés chinoises qui ont désormais des concessions légales semblent s’être préalablement introduites aussi bien dans le domaine de l’exploitation industrielle que dans les sociétés minières artisanales. Elles ont profité selon Ruiz de la volonté d’Ortega de contourner des sanctions somme toute assez peu rigoureuses, et surtout destinées à avoir un « impact médiatique ».
Le niveau des exportations, de fait n’a pas fléchi, mais il est clair que la Chine cherche à en devenir le principal client dans le secteur et à incorporer des sociétés qui ne dépendent pas du marché des Etats-Unis.
Ces nouveaux développements s’inscrivent dans l’initiative chinoise de la Nouvelle Route de la Soie, officiellement rejointe par le Nicaragua en janvier 2022, un mois à peine après la rupture de ses relations diplomatiques avec Taiwan sous l’impulsion de Daniel Ortega, pour adhérer au principe « Une seule Chine » brandi par Pékin.
L’industrie minière du Nicaragua, un élément du plan chinois d’ensemble
En décembre dernier, la Chine et le Nicaragua – où sévit depuis plusieurs années une persécution anti-catholique pure et dure – ont conclu un « partenariat stratégique », ainsi qu’un accord de libre-échange quelques semaines plus tard.
Comme souvent, et notamment dans le cadre des infrastructures de la Nouvelle Route de la Soie, la Chine a assis son emprise sur le nouveau partenaire en accordant des prêts ; il y en a eu quatre entre janvier et mai 2024 portant sur 567 millions de dollars qui creusent la dette publique de l’Etat centraméricain. Celle-ci aurait dépassé les 10 milliards de dollars au 3e trimestre 2023, selon les médias locaux.
Heureusement que la Chine se voit régulièrement féliciter par les instances internationales pour sa réussite économique, son engagement « vert », sa valeur d’exemple en tant que pays où « la dignité de la vie est respectée partout », pour reprendre le récent satisfecit accordé à la plus grande puissance ouvertement communiste par Kristalina Georgieva, présidente du FMI. Personne ne l’inquiétera au sujet de ses entreprises nicaragyarenne, elle peut dormir sur ses deux oreilles !