Un évêque du Nicaragua accuse un média catholique de gauche de soutenir le régime de Daniel Ortega et sa persécution des catholiques

Nicaragua persécution catholique Ortega
Mgr Silvio José Báez,
évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Managua


L’évêque auxiliaire de l’archidiocèse de Managua, actuellement en exil aux Etats-Unis en raison des persécutions religieuses subies par l’Eglise catholique au Nicaragua, a publiquement accusé le site d’informations hispanophone de gauche Religión Digital de mentir et de se positionner en faveur du régime de Daniel Ortega, rapporte le site conservateur espagnol Infovaticana.

L’article dénoncé par le prélat s’en prenait notamment à Jean-Paul II, vilipendé pour avoir favorisé l’« impérialisme » au rebours de Vatican II, et déclarait que l’Eglise avait détourné des millions de dollars au Nicaragua, notamment à des fins terroristes.

Mgr Silvio Báez a vigoureusement réagi contre cette charge idéologique de Religión Digital en écrivant sur Twitter : « C’est une honte que Religión Digital offre un espace à des publications comme celle-ci, absolument fausses, partiales et offensantes non seulement pour l’Eglise du Nicaragua, mais aussi pour le peuple nicaraguayen. Tant de mensonges et d’impudence simplement pour défendre une dictature criminelle, pour ignorer un peuple opprimé et pour insulter une Eglise persécutée ! En déformant l’histoire et en désinformant de la sorte, vous vous faites les complices de criminels qui utilisent le pouvoir politique pour opprimer un peuple meurtri et persécuter une Eglise qui s’est placée aux côtés des victimes. »

 

Daniel Ortega : après des débuts marxistes et des accommodements avec l’Eglise, il persécute les catholiques

Daniel Ortega, après un temps d’activisme de gauche et un passage par le crime – un hold-up à main armée dans une branche de Bank of America – est allé se former à Cuba à la guerrilla marxiste-léniniste. Arrivé au pouvoir avec le mouvement sandiniste en 1979, il a laissé un souvenir terrible parmi la population indigène, des milliers d’autochtones ayant choisi l’exil dans des pays voisins, et exercé une répression sans pitié à l’égard des « Contras » anti-communistes. Dans le même temps, il recevait honneur sur honneur de la part d’organisations internationales comme l’Unesco ou l’OMS.

Ecarté du pouvoir par voie électorale en 1990 au profit d’une collègue sandiniste, il se fit réélire à la présidence en 2006 avec 38 % des voix, revenant au fil des ans sur son anticatholicisme d’origine pour adopter une position pro-vie, mais s’il se rapprochait quelque peu de l’Eglise il s’inscrivait en même temps dans le mouvement indigéniste et de gauche de Rafael Correa en Equateur, du marxiste Hugo Chávez au Venezuela, non sans se montrer un soutien sans faille de la Russie. C’est lui qui a fait entrer le Nicaragua dans l’Alliance bolivarienne aux côtés de Cuba et du Venezuela, rejoints par la Bolivie d’Evo Morales et nombre d’îles des Caraïbes en vue d’une « intégration économique et politique » marquée par le socialisme.

Les persécutions contre l’Eglise catholique ont commencé lorsque celle-ci a pris fait et cause pour des opposants au régime en 2018. Le nonce apostolique fut expulsé en mars 2022. Les premières arrestations sont arrivées en août 2022 alors que la censure s’abattait sur des médias catholiques et que des prêtres et des séminaristes prenaient leur défense. Les départs volontaires en exil et les arrestations se sont multipliés, visant notamment des prêtres et des évêques ; le simple fait d’assister à la messe ou de dire son chapelet peut déclencher harcèlement ou poursuites.

 

Un théologien de la libération apporte son soutien au gouvernement du Nicaragua

La nature de cette persécution ne fait guère de doute si l’on tient compte de la manière dont le média gauchiste Religión Digital s’en prend aux persécutés. L’article dénoncé par Mgr Silvio Báez porte la signature d’un théologien de la libération, Benjamín Forcano, rapporte Infovaticana. Son titre ? « Elle explose enfin, la bombe d’une Eglise somoziste au Nicaragua sandiniste. »

On y lit : « L’Eglise a maintenu son cap habituel, renforcée par l’attitude rétrograde et impérialiste du pape Jean-Paul II. C’est sous sa protection que s’est répandue en Amérique latine la réprobation à l’égard du concile novateur, Vatican II, et la théologie de la libération. »

Accusant l’Eglise catholique de constituer une force « subversive » face au sandinisme, le théologien libérationniste assure que « le gouvernement sandiniste, conscient de l’opposition et de la fausse neutralité de l’Eglise, a été extrêmement vigilant dans l’intérêt de la démocratie et de l’indépendance de son pays ».

Cette approbation se double d’allégations relatives à différents délits. Ainsi Forcano affirme-t-il que « des sacs contenant 500.000 dollars ont été trouvés dans plusieurs diocèses » ou que « plusieurs millions de dollars ont transité sur des comptes diocésains au nom de plusieurs prêtres et évêques » ; il prétend même que « des millions de dollars sont entrés illégalement dans les banques pour le financement d’activités terroristes ou des gains personnels ». « L’Etat a imposé le blocus sur ces comptes ainsi que sur les transferts de terrains et de biens immobiliers effectués au nom d’évêques et de prêtres », annonce l’article de Religión Digital, qui ajoute : « L’enquête met au jour un trafic d’argent et de biens illégaux qui parviennent à l’oligarchie ou à des organisations criminelles par le biais de l’implication criminelle de l’Eglise. »

 

La persécution des catholiques, de simples poursuites de droit commun ?

Et voilà « justifiées » la répression brutale de fidèles et des pasteurs de l’Eglise catholique au Nicaragua : « Il est donc tout à fait clair que ce n’est pas l’Eglise qui est persécutée par la justice sandiniste, mais les crimes de certains membres de la hiérarchie ecclésiastique catholique, auxquels la loi civile doit s’appliquer, comme dans tout pays où existe la liberté religieuse. »

Infovaticana note que « l’article publié dans Religión Digital a déclenché une vague d’indignation de la part de centaines de catholiques sur les réseaux sociaux, laïcs et prêtres, et même, comme nous l’avons dit, d’un évêque, Mgr Silvio José Báez, qui a osé publiquement dénoncer Religión Digital, qui se fait le porte-parole de ceux qui défendent les persécuteurs de l’Eglise nicaraguayenne. »

On peut dire aujourd’hui que le Nicaragua est aujourd’hui un élément clef de la politique aux Amériques de la Russie de Poutine, ses liens avec Moscou étant encore plus rapprochés que ceux de Cuba, du Venezuela ou du Brésil. Le Nicaragua est le seul pays d’Amérique latine où la Russie possèdes des installations militaires – avec une base de satellites notamment – et assure des formations. Celles-ci comprennent une unité de formation de la police qui opère « dans le secret le plus absolu » dans une banlieue de Managua, selon Vladimir Rouvinski, universitaire spécialiste des relations internationales enseignant en Floride et en Colombie. Cette unité se concentre notamment sur la surveillance et la répression politique, assure-t-il. Jadis armée par l’URSS, le Nicaragua perçoit toujours son matériel militaire de la Russie actuelle.

 

Les outils de la surveillance

Au début du mois, le Nicaragua vient d’ailleurs d’approuver l’entrée de 180 militaires russes au Nicaragua, sans compter des navires et des aéronefs russes. Motif officiel : ces hommes sont chargés d’assurer des formations à « l’assistance humanitaire », mais aussi aux « opérations de sécurité ».

La revue Confidencial a publié en février dernier « un rapport sur la manière dont le pouvoir nicaraguayen utilise depuis 2018 un outil technologique russe appelé SORM – le Système pour les activités de recherche opérationnelle – pour espionner sa population. » La revue affirmait alors : « Selon un rapport des enquêteurs américains Douglas Farah et Marianne Richardson, l’accès à cette technologie faisait partie des opérations d’un réseau de groupes et de personnes “ayant des liens profonds” avec les services de renseignement russes et avec l’ancienne police secrète soviétique, le KGB, “spécialisés dans la cryptologie et les activités cybernétiques”. »

Elle conclut : « Le rapport intitulé Dangereuses Alliances : L’avancée de la Russie en Amérique latine examine comment ce réseau a mis “à disposition de multiples systèmes avancés de surveillance développés par le gouvernement russe, qui sont maintenant utilisés par les régimes autoritaires du Nicaragua et du Venezuela”. »

On comprend que cela n’est pas sans lien avec la surveillance des catholiques (non libérationnistes) au Nicaragua aujourd’hui.

 

Jeanne Smits