Un journaliste chinois, qui a commis l’imprudence de publier une lettre ouverte dans un média d’Etat mettant en cause l’accaparement du pouvoir par le président Xi Jinping, a disparu alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Hong Kong la semaine dernière. Jia Jia était allé jusqu’à demander la démission du président de la Chine. Sa femme elle-même, l’ayant eu au téléphone quelques minutes avant son embarquement, déclarait la semaine dernière n’avoir aucune idée de l’endroit où il pouvait se trouver et tant elle que l’avocat de son mari pensaient qu’il avait pu être « emmené » par les services chinois. Ce lundi, The Guardian publie des déclarations faites la veille au soir par l’avocat Yan Xin selon lesquelles la police aéroportuaire de Pékin a confirmé que le journaliste a été arrêté par la police municipale. Son lieu de détention n’a pas été communiqué à la famille.
Celle-ci s’était démenée pour savoir ce qui était arrivé au journaliste pendant plusieurs jours, avant que la police ne confirme l’avoir emmené.
Jia Jia et un groupe de « communistes loyaux » critique Xi Jinpeng
Le crime de lèse-majesté – ou de dissidence, ou de contestation du dogme communiste, quel que soit l’intitulé officiel qu’auront retenu les autorités chinoises – de Jia Jia a consisté presque certainement à critiquer ouvertement le président Xi Jinping, puisque lui-même, selon certaines sources, avait indiqué à des amis qu’il s’attendait à un retour de bâton après la publication de la lettre. Mais s’agissant d’un Etat qui demeure communiste, rien n’est pour autant très clair : The Guardian cite d’autres sources assurant que Jia n’était pas à l’origine de la lettre, et des proches, restés anonymes, précisent même que c’est lui qui a demandé au site du média Wujie News d’enlever le texte de son site où il n’aura finalement été accessible que peu de temps.
La lettre accusait Xi de créer un culte de la personnalité à son propre profit et mentionnait vaguement les risques qu’il encourt en raison de la campagne anti-corruption qu’il mène actuellement, la qualifiant de lutte interne pour le pouvoir. Elle était signée par des « soutiens loyaux du parti communiste ».
Ce qui paraît clair, et d’autant plus visible avec l’arrestation de Jia Jia, c’est que le pouvoir en Chine se fait actuellement plus pesant, notamment à travers une pression renforcée sur les médias. Le dissident Wei Jingsheng, cité par Asianews.it – un média catholique – parle d’une « renaissance du maoïsme » destiné à « masquer les échecs du pouvoir actuel ».
Répression et censure en Chine : un journaliste arrêté pour avoir parlé du « culte de la personnalité » autour du président
Jia Jia n’est pas le premier à se trouver dans le collimateur du pouvoir central : Zhou Fang, ancien journaliste d’investigation chez Xinhua, a écrit une lettre ouverte au Congrès national du peuple, accusant de nombreux ministères de « méconnaître la constitution et le principe de l’état de droit ces dernières années », et de s’être érigé en « arbitres de l’opinion publique ». Zhou a laissé entendre qu’il fait lui aussi l’objet de pressions de la part des autorités.
Ainsi le Département central de la propagande du parti communiste a-t-il adressé aux journalistes 21 recommandations quant à la couverture de la récente assemblée du Congrès national du 5 au 15 mars. Ils n’avaient pas le droit d’évoquer des sujets comme la pollution, les mesures de sécurité de la réunion, le budget de la défense nationale, la fortune personnelle ou l’apparence du personnel ou des délégués du Congrès national. Les comptes-rendus au sujet de la corruption ou des relations avec Taiwan et la Corée du Nord devaient impérativement se faire sur la base des rapports du média officiel Xinhua tandis que tout article négatif en ligne devait être « strictement contrôlé » – ou était carrément interdit dans le domaine des bourses, du marché des devises ou du marché immobilier.
Autre sujet tabou : la mention des passeports étrangers détenus par de nombreux délégués au Congrès et de son organe de conseil.
Voilà en tout cas une censure sans complexes que d’aucuns osent aujourd’hui braver – mais toujours au nom du communisme.