Depuis deux mois, un chef d’entreprise presse la Maison Blanche de conserver l’unique mine de terres rares américaine. Si le site de Mountain Pass a déjà été officiellement vendu, Trump pourrait la nationaliser in extremis. Et faire ainsi un pied de nez à la Chine dont le gouvernement se trouve vraisemblablement derrière l’un des investisseurs.
Non contente de représenter déjà 88 % de la production minière des terres rares (chiffre 2015), Pékin cherche véritablement à rafler les fleurons étrangers devenus non rentables (à cause de sa propre politique commerciale) pour contrôler ce secteur capital dont la croissance est et sera certaine pour des décennies, voire davantage.
Le fleuron de Mountain Pass aux mains asiatiques ?
Michael Silver, directeur général d’American Elements Corp., avait déjà rencontré en juin Steve Bannon encore, alors, conseiller stratégique du président des États-Unis. Cet été, c’est Trump qu’il est allé presser plusieurs fois de conserver la dernière mine américaine de terres rares.
En effet, Mountain Pass, en Californie, était l’un des derniers actifs restants de la société minière américaine Molycorp, en faillite depuis 2015. Mis aux enchères en juin, il a été racheté pour 20,5 millions de dollars par un groupe d’investisseurs américains, soutenu par la société Shenghe Resources Holding Co Ltd, en Chine…
« En achetant Mountain Pass, les Chinois ont mis la main sur la seule exploitation minière de terres rares en dehors de la Chine », a déclaré Michael Silver, lors d’une entrevue avec Breitbart News sur ses réunions de la Maison Blanche.
Un enjeu économique, militaire et… une question d’honneur pour les Etats-Unis
Et l’enjeu est ici militaire. Ces minéraux de terres rares (17 éléments métalliques ), aux propriétés chimiques et électromagnétiques exceptionnelles, sont devenus des éléments stratégiques de la vie moderne occidentale : utilisés dans la fabrication d’articles de haute technologie, des Iphone aux éoliennes, en passant par les moteurs d’avions ou de voitures, ils le sont aussi dans l’industrie de la défense (systèmes de défense antimissile, armes de précision, lasers, communications systèmes, équipement de vision nocturne, satellites…).
Certains matériaux de terres rares sont « essentiels à la production, au maintien en puissance et au fonctionnement des équipements militaires des États-Unis », avait noté un rapport du « Government Accountability Office » en 2016.
En bref, une « exigence de base » selon les mots du rapport, que les États-Unis sont en train de voir partir sous leurs yeux… et qui leur coûte en importation, chaque année, entre 120 et 160 millions de dollars (soit environ 9 % de la demande mondiale totale pour les minéraux).
Et pourtant, ils ont été les rois de ce secteur clé, entre 1965 et 1985. Mais la Chine leur a volé allègrement la première place du podium, en particulier grâce au gigantesque gisement de Bayan Obo, en Mongolie Intérieure. Elle génère aujourd’hui 88 % de la production minière de ces terres rares (entre 2002 et 2013, c’était plus de 90 % de la production) et c’est sans compter le poids d’un marché noir estimé à 40 % de la production officielle chinoise…
Le podium moderne de la production minière des terres rares
Certes, le pays possède 47 % des ressources mondiales en terres rares et ses entreprises ne sont pas soumises à la même réglementation environnementale et commerciale qui régit les pays occidentaux (le site de Baotou est l’endroit le plus pollué de la planète).
Mais il a aussi gagné cette première place via une politique commerciale savamment orchestrée sur les dernières décennies, en imposant d’abord, en 2010, des quotas d’exportation, prétextant une forte demande intérieure ou encore des questions environnementales… De fait, les prix flambèrent et la prise de conscience du monopole chinois poussa plusieurs pays à relancer l’exploration de gisements potentiels – c’est ainsi que l’Australie et les Etats-Unis (avec Mountain Pass) ouvrirent leurs deux grands sites.
Seulement, lorsque la Chine a relevé ses plafonds en 2015, sous « pression » de l’OMS, elle inonda le marché avec ses prix réduits tant et si bien que la rentabilité ne fut plus du tout au rendez-vous pour les autres… comme les Etats-Unis dont le site dut se mettre en faillite.
Pékin avait alors tout le loisir de réinvestir chez ces concurrents défaits… ce qu’elle fait aujourd’hui avec Mountain Pass. D’autant que la hausse de ces fameux métaux est prévue de se maintenir, bien que les entreprises industrielles tentent de trouver des alternatives.
Un plan pour prévenir le contrôle exclusif de la Chine : nationaliser la mine
Michael Silver le dit lui-même : « Toute tentative de rendre la mine viable sur le plan commercial échouerait parce que personne ne peut concurrencer la Chine ».
L’idée, en la nationalisant, est surtout de reprendre le contrôle sur une production précieuse. La mine pourrait devenir un laboratoire du gouvernement en technologies de terres rares et sa production garantirait aussi l’indépendance des Etats-Unis.
En vertu de la Constitution des États-Unis, le gouvernement est autorisé à entreprendre une expropriation tant que les propriétaires ont une compensation appropriée.