Alors qu’un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) expose l’utilisation croissante en Chine du numérique couplé aux méthodes de surveillance traditionnelles pour développer le premier État totalitaire numérisé, la télévision publique chinoise publie une étude sur la protection de la vie privée face au développement de l’intelligence artificielle. Une étude reprise lundi dans un article du South China Morning Post, un journal de Hong-Kong appartenant à la compagnie de vente en ligne chinoise Alibaba pourtant en pointe en matière de systèmes de surveillance au service des autorités, comme dans la ville de Hangzhou.
Jack Ma, le fondateur, propriétaire et PDG d’Alibaba, croit d’ailleurs aux technologies numériques et à l’intelligence artificielle pour gérer à l’avenir une économie planifiée qui fonctionne, ce dont ont toujours rêvé les communistes sans jamais y parvenir.
Les consommateurs chinois inquiets de l’impact de l’intelligence artificielle et de la surveillance numérique sur le respect de leur vie privée : le gouvernement demande aux entreprises de mieux se comporter…
L’étude sur laquelle se penchait le South China Morning Post lundi montre que plus des trois quarts des Chinois craignent que l’intelligence artificielle ne constitue une menace pour leur vie privée et un tiers s’inquiètent pour leur emploi. Conclusion du journal : les consommateurs chinois sont de plus en plus conscients de l’usage qui peut être fait de leurs données personnelles. Les exemples donnés concernent tous des entreprises privées accusées d’avoir enfreint aux règles de déontologie dans ce domaine : Tencent et son application de messagerie WeChat, Ant Financial (propriété d’Alibaba) et son service de crédit Sesame Credit et le moteur de recherche Baidu qui aurait collecté des données à caractères personnels de ses utilisateurs sans les en informer. Le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information est heureusement intervenu pour demander à ces compagnies privées de mieux se comporter.
… et en même temps, la Chine communiste développe le nouveau totalitarisme de l’ère numérique !
Pendant ce temps dans la province musulmane du Xinjiang suspectée d’islamisme, nous apprend une nouvelle fois le rapport de HRW, les autorités combinent un nombre record (et toujours croissant) de caméras de vidéosurveillance, des systèmes de reconnaissance faciale et des plaques d’immatriculation, des systèmes de géolocalisation des appareils mobiles (et des GPS obligatoires) ainsi que le Big Data et l’intelligence artificielle pour faire de la prévention et peupler les camps de rééducation politique avant même que les mauvais citoyens n’aient pu commettre autre chose qu’un supposé délit d’intention.
C’est ainsi que le Xinjiang est devenu, dans l’Empire du Milieu, un véritable laboratoire des technologies de surveillance avancée et personnalisée de tous les citoyens. Une fois qu’elles ont fait leurs preuves, ces technologies, souligne le rapport de HRW, sont ensuite progressivement déployées ailleurs en Chine, donnant le jour à une nouvelle forme de totalitarisme : le « Totalitarisme numérique ».
Liu Qiangdong, le fondateur et PDG du géant chinois du commerce en ligne JD.com, concurrent d’Alibaba, se réjouissait il y a peu : « Avec les technologies que nous avons déployées ces deux ou trois dernières années, j’ai pris conscience du fait que le communisme peut être atteint par notre génération. » Parler des problèmes de protection des données à caractère personnel collectées par les compagnies chinoises est bien une manière de détourner l’attention du vrai problème : en Chine, le développement du numérique et de l’intelligence artificielle est en train de donner un nouveau souffle au communisme.