Rien de tel qu’un livre ou un film, aux yeux de la gent gauchiste, pour tenter de noircir toujours plus une réalité sur laquelle les rapports officiels ont été trop nuancés. Le film belgo-américano-irlandais Small Things like These, réalisé par Tim Mielants, participe à cette dynamique. Calqué sur le livre éponyme de la très féministe Claire Keegan paru en 2021, il entend dénoncer le traitement des filles-mères par les religieuses des blanchisseries de la Madeleine, en Irlande, dans les années 1980. En salissant bien copieusement par là-même l’Eglise catholique, tant dans ses gens, que dans son enseignement et sa morale.
Le film aurait pu passer relativement inaperçu, s’il n’était joué par le célèbre Cillian Murphy, tout fraîchement paré de son Oscar du meilleur acteur pour Oppenheimer (et adulé pour son rôle dans la série Peaky Blinders). Le 1er novembre, le public s’est donc rué dans les salles obscures pour découvrir ce non moins obscur long-métrage dont le message terrible offense la vérité historique préférant le règlement de compte idéologique. Dans un entretien avec The Irish Times, Murphy parle tout de go de « putains d’âges sombres ».
Un film pour dénoncer la prétendue « loi du silence »
La vie de Bill Furlong, livreur de charbon, n’est déjà pas glorieuse, même s’il ne se plaint pas. Marié, cinq filles, il sait ce qu’est la misère et s’accroche pour offrir le meilleur à sa famille. Mais à l’hiver 1985, quelques jours avant Noël, en allant livrer le couvent du Bon Pasteur, il est témoin d’une scène dérangeante : une jeune femme est remise visiblement contre son gré aux religieuses. Peu après, il découvre d’autres pensionnaires vêtues de sobres uniformes, qui cirent, pieds nus, le plancher : l’une le supplie de la sauver…
Bill Furlong, incarné par Cillian Murphy, vient de découvrir le « secret », comme veut le montrer le film, des blanchisseries de la Madeleine : des jeunes filles, des jeunes femmes non mariées qui arrivent au couvent enceintes, y donnent la vie et travaillent pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur enfant, jusqu’à ce qu’ils soient placés.
Violence, esclavage, abus de pouvoir, crimes… divers mots peuvent caractériser ce qui se dessine à travers les images. Et c’est d’autant plus choquant pour le personnage de Bill Furlong que lui-même est né de père inconnu : mais quand sa mère s’est retrouvée enceinte à 16 ans, elle a eu la chance d’être protégée par son employeuse, une riche veuve protestante tolérante qui lui a permis d’élever dignement son enfant.
Cillian Murphy en éveilleur de conscience
Le film Small Things like These veut jouer son rôle d’éveilleur de conscience. Il prétend faire la lumière, lever le voile sur un tabou. La bande annonce finit d’ailleurs par ces mots : « Si vous voulez réussir dans cette vie, il y a des choses que vous devez ignorer. » En toute symbolique, il fait nuit quand le film débute. La grande église de la ville irlandaise de New Ross se détache sur le ciel et sonne, sonne comme un glas de domination continue. La plupart des scènes restent mal éclairées, remarque James Bradshaw du site Mercator.
On comprend que la lumière fait essentiellement défaut parce que des êtres l’en empêchent, et ces êtres sont ces femmes de Dieu. Tout ce qu’elles prônent, tout ce qu’elles affichent est pur mensonge. Elles répètent de manière extrêmement pénible et lancinante dans le teaser : « The Lord is compassion and love », alors qu’on ne voit que leur odieuse cruauté.
Tout est renversé. Et cette noirceur se déverse sur les autres qui assistent, impuissants, rongés par la honte et la culpabilité : le film fait de nombreux plans sur les mains tachées de charbon de Bill Furlong qu’il frotte tant bien que mal dans son petit lavabo usé. Mais le père de famille dévoué va finir par poser un acte d’altruisme, comme un geste de reconnaissance face à sa propre histoire, en recueillant chez lui une des jeunes filles. Ainsi, le sens profond du jour chrétien de Noël, accueillir le malheureux, l’affligé, répondre au Mal par le Bien, se retrouve incarné en lui et non plus en l’Eglise catholique.
Des filles-mères « exploitées » par l’Eglise catholique ?
Le thème n’est pas nouveau. Depuis la découverte ce qu’on a appelé le « scandale » des blanchisseries, il y a une dizaine d’années, plusieurs films ont vu le jour, tels The Magdalene Sisters de Peter Mullan en 2002 ou Philomena de Stephen Frears en 2013.
Et celle qu’on appelle « l’écrivaine » des tabous irlandais, Claire Keegan, a repris ce poncif devenu éculé dans Small Things like These, un roman qui a même été sélectionné en France pour deux prix littéraires prestigieux et qui a reçu toutes les ovations possibles. Parce qu’il sert bien évidemment la cause : la cause de ces femmes qu’on dit exploitées, de ces enfants placés, de tous ces êtres décédés dans des conditions qu’on aime laisser dans l’ombre, pour mieux magnifier l’horreur. Le film est d’ailleurs dédié aux quelque 10.000 « victimes » de ces blanchisseries.
Mais revenons à l’histoire justement. Au milieu des années 1900, des « foyers pour mères et bébés » sont apparus dans toute l’Irlande, bien pauvre, pour offrir un refuge aux mères célibataires et à leurs bébés qui se retrouvaient sans soutien adéquat ni famille. Le gouvernement irlandais apportait un financement sommaire, mais il confiait surtout ces établissements aux seules entités bénévoles volontaires, à savoir les ordres religieux très majoritairement catholiques.
Jusque dans les années 1990, des dizaines de milliers de femmes y sont passées. Dire que la vie y était rude, surtout au début, est une évidence : étant seules, elles devaient travailler pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs enfants qu’elles mettaient au monde et qui y étaient élevés, avant d’être souvent adoptés. Les blanchisseries de la Madeleine permettaient ainsi de gagner son pain, accueillant les filles-mères mais aussi d’autres femmes dans le besoin, les religieuses jouant alors un rôle majeur dans la société irlandaise, que ce soit dans l’éducation, la santé ou l’assistance à la population.
En Irlande, la légende noire persiste
Dans ces établissements, le taux de mortalité était plus élevé qu’ailleurs parmi les enfants, qui souffraient souvent de malnutrition en regard du manque de moyens et étaient davantage touchés par les maladies (soigneusement consignées dans les registres). Les enterrements étaient parfois réalisés plus que sobrement, jusque dans les années 1960, par l’usage d’une fosse commune. On se souvient du scandale qu’a représenté, en mai 2014, la découverte des dépouilles de 800 enfants dans une ancienne fosse septique, aux abords du couvent des religieuses du Bon Secours, dans la ville de Tuam.
Au demeurant, ces femmes étaient accueillies, nourries, logées, blanchies. Ces enfants étaient mis au monde. Si ces religieuses n’avaient pas fondé ces structures, mères et bébés auraient fini dans la rue. On s’est gargarisé, il y a moins d’un an, dans la grosse presse, de la sépulture enfin décente qui allait être offerte à ces orphelins de Tuam. Mais ces gens ont bon dos… que serait-il advenu à ces enfants aujourd’hui, dans une Irlande qui a voté l’avortement ? Non seulement ils seraient très probablement morts, aussi, jetés dans une poubelle de déchets médicaux, mais avec eux beaucoup de ceux qui sont bien restés en vie et qui peuvent témoigner.
Alors, sans doute, on n’emploierait pas les mêmes méthodes aujourd’hui (on laisserait notamment en priorité ces enfants à leurs mères), mais le monde d’avant, plus dur, ne s’en offusquait pas. D’ailleurs, si le rapport de près de 3.000 pages de la commission d’enquête, lancée en 2014 par le gouvernement reconnaît les difficultés et les épreuves traversées, il admet aussi que les horreurs des blanchisseries ont été grandement exagérées : « Les auteurs du rapport McAleese, qui ont comme nous tous été imprégnés de l’image populaire des blanchisseries de la Madeleine comme de camps de concentration dirigés par des religieuses », a déclaré Brendan O’Neill dans le Telegraph à l’époque, « semblent avoir été surpris par le nombre de femmes qui ont parlé positivement des religieuses ».
Small Things like These qui souscrit à l’historiquement correct, nous rappelle une fois de plus que tout est bon quand on peut salir l’Eglise.