David Cameron a renoncé à son projet d’affirmer la préséance des juridictions nationales sur les décisions émanant des différentes cours européennes. C’est ce qu’ont compris les commentateurs en constatant que le discours de politique gouvernementale lu par la Reine mercredi – mais rédigé sous la responsabilité du Premier ministre – ne faisait aucune mention du projet de loi sur la souveraineté britannique. Plusieurs ministres ont reconnu que le projet était de toute façon impossible à mettre en œuvre dans le cadre actuel de l’UE et du Conseil de l’Europe. L’omission a évidemment agacé les eurosceptiques britanniques – tout en apportant un argument de plus à leur campagne pour le Brexit.
Le discours de la Reine a porté essentiellement sur des projets sociaux tels que la promesse de construire un million de logements, de réformer le système pénitentiaire ou de faciliter l’accès à l’université de davantage d’élèves issus de milieux défavorisés.
Il annonce par ailleurs des mesures pour agir contre « l’extrémisme » et contre des écoles hors-contrat accusées de propager la haine, mais aussi, dans l’espoir d’obtenir les faveurs d’eurosceptiques, des mesures pour assurer qu’un moins grand nombre de migrants en provenance de l’Union européenne puisse accéder au système gratuit de soins britannique, le NHS.
La clause de souveraineté trompe de moins en moins les électeurs britanniques
Cette dernière proposition n’a pas convaincu les eurosceptiques et leur colère a éclaté dès qu’ils ont constaté que la loi de souveraineté était passée à la trappe dans le discours. Ian Duncan Smith par exemple, ancien ministre, n’a pas hésité à accuser le Premier ministre d’abandonner les priorités au profit de sa volonté tous azimuts d’emporter le referendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Il s’agit selon lui d’un aveu d’impuissance : « La crainte du Gouvernement est sans doute que personne en Grande-Bretagne ne croie que l’UE a été réformée… La clause de souveraineté attirerait l’attention sur ce problème. Après tout, si la Cour de justice de l’Union européenne est suprême et peut défaire nos lois, l’idée que la Grande-Bretagne puisse être souveraine à moins de quitter l’UE aurait bien fait rigoler les Britanniques. »
La clause britannique serait inopérante face à la Cour de justice européenne
Stephen Crabb, le ministre du travail et des pensions, a semblé concéder sans le vouloir que cette loi serait « inopérante » tant que la Grande-Bretagne resterait arrimée à Bruxelles, lorsqu’il a déclaré : « Je ne pense pas qu’elle ait été abandonnée… Nous continuons à en débattre. Ce que nous ne voulons pas, c’est nous précipiter et faire des propositions impossibles à mettre en œuvre. On s’est brulé les doigts avant même de les avoir faites. »
Il apparaît donc de plus en plus évident aux Britanniques qui doutent des « bienfaits démocratiques » de l’Union européenne que la seule solution pour leur pays de recouvrer un peu de souveraineté est d’en sortir. Reste à savoir s’ils saisiront l’opportunité d’un Brexit à l’occasion du référendum le 23 juin prochain.
Patrick Neuville